Game of Death : L’après-SXSW
De retour du Texas, les cinéastes Sébastien Landry et Laurence «Baz» Morais racontent la tumultueuse expérience qu’ils ont vécue au festival SXSW, là où avait lieu la première mondiale de leur film gore Game of Death.
Bien attablés dans un café du Mile End, les deux amis semblent particulièrement détendus. Deux semaines plus tôt, la situation était pourtant fort différente. De passage au Stateside Theatre, afin d’assister à la première de leur long métrage, ils cultivaient un stress irrationnel. «Ça a été rough», admet Sébastien Landry. «Je checkais le film, mais ça marchait pas dans ma tête. Dès que quelqu’un se levait, je me demandais s’il était en train de partir ou de s’acheter une bière.»
«On était fueled par une mauvaise énergie», renchérit son acolyte. «Ça fait tellement longtemps qu’on travaille sur ce film-là que, quand on a su qu’il était présenté à SXSW, on s’est fait un gros scénario. Dans notre tête, on allait arriver là, pis y allait avoir une file d’attente pis des gens qui pitchent du pop-corn dans les airs. Bref, des espèces d’attentes impossibles à atteindre.»
Arrivés sur place, le lundi 13 mars vers 23h, les réalisateurs font face à une toute autre réalité. «On arrive là, et il y a pas de line-up. La salle, elle, est pleine à 60%. Déjà là, c’est une amère déception», raconte Baz. «Le gros problème, c’est qu’on s’était mis à suranalyser toute, comme si on était dans un mauvais trip de mush. Après ça, on était down et on a crashé… Le lendemain, on a commencé à lire des critiques et on s’est rendu compte que, finalement, c’était super cool et qu’on avait pas mal exagéré les mauvais côtés.»
Une excellente critique du réputé magazine américain Variety vient notamment changer la perception des deux réalisateurs. «Après ça, le mot a commencé à se passer, et il y a eu beaucoup plus de spectateurs aux deux autres projections», poursuit le réalisateur.
«Le pire, c’est qu’on ne se fait jamais d’attentes comme ça», ajoute Landry. «Habituellement, on sort nos affaires, et advienne que pourra.»
Derrière la websérie La Chienne, parue en 2015, les deux Montréalais signent avec Game of Death leur deuxième incursion dans le vaste monde de l’horreur. Pour ces réalisateurs issus de la publicité et du vidéoclip, ce choix stylistique prend davantage racine dans leur volonté d’expérimenter différentes techniques de réalisation plutôt que dans l’idée de se cantonner dans un genre précis.
«Tout a le potentiel de nous inspirer», indique Landry. «On est loin des années 1990 où on avait l’impression qu’il fallait s’identifier à une gang dans la cour d’école. Maintenant, tout le monde peut écouter à la fois du black métal et du rap. C’est un peu la même chose pour nous côté films. On tripe sur les affaires le fun qui repoussent certaines limites. Notre prochain projet, d’ailleurs, risque de situer dans le sci-fi bizarre.»
«On veut essayer des choses plutôt que de se bâtir un style», résume son complice.
Ne pas choquer pour choquer
Mêlant leur amour du jeu vidéo et du film de genre, Game of Death raconte l’histoire de sept adolescents qui trouvent un mystérieux jeu dans une maison de vacances. Curieux, ils amorcent une partie, sans savoir que les règles du jeu s’appliqueront dans la réalité. Rapidement, ils comprennent que, s’ils ne tuent 24 personnes dans une période donnée, ce sont leurs têtes qui exploseront.
Très sanglante, la mise en scène va de pair avec la violence du scénario, écrit de connivence avec leur ami Edouard Bond. Les deux réalisateurs assurent toutefois qu’ils n’ont pas voulu choquer pour choquer. «On trouvait ça cool de faire un film gore pour le trip esthétique que ça représente, mais on voulait aussi que le spectateur sorte de là en se demandant ‘’est-ce que j’aurais tué ou pas?’’», explique Morais.
Lors du tournage, le tandem a fait appel aux réputés Blood Brothers, spécialistes en effets spéciaux, qui ont déployé près de 143 litres de sang. «Deux jours avant le tournage, l’un des frères a testé le canon, mais le meter de pression était brisé. Il avait mis 100 fois la quantité requise de pression, donc quand le jet est parti, il s’est brisé la mâchoire et quatre dents. Disons que les acteurs ont eu peur que ça leur arrive quand ils ont su l’histoire», raconte Landry, sourire en coin.
Pour la suite, Game of Death sera présentée en huit épisodes sur Blackpills, nouvelle plateforme de streaming qui sera bientôt disponible au Canada. En parallèle à cette sortie, le film vivra aussi dans les festivals, selon ce qu’affirment les créateurs qui, pour l’instant, ne peuvent pas donner plus de détails.
Bref, l’œuvre tire le meilleur des deux mondes. «Souvent, les films de genre ne sont pas distribués partout, tandis qu’avec Blackpills, le nôtre pourra être vu dans une quarantaine de pays», explique Landry. «À SXSW, une partie de notre job était faite d’ailleurs, car habituellement, les réalisateurs cherchent à y vendre leur film.»
Dans un style totalement différent, le duo vient tout juste de terminer le tournage de Polyvalente, une websérie financée par le Fonds TV5, le Fonds indépendat de production et Tou.tv. Mettant notamment en vedette Grégory Beaudin (alias Snail Kid de Dead Obies) et Joël Legendre, la série pourra être visionnée dès le mois de juin.
«Là, tout le monde s’empresse de nous demander c’est quoi notre prochain film, mais on n’a pas envie de se lancer là-dedans tout de suite», dit Sébastien Landry.
«On avait en tête ces deux projets-là depuis cinq ans et, maintenant qu’on les a terminés, on a envie de relaxer un peu», poursuit Laurence Morais. «C’est la première fois en cinq ans qu’on peut faire ce qu’on veut… genre aller prendre des shots aux Foufs un lundi.»
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