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Le Vatican, l’Iran et la Russie, unis contre les droits des femmes en ce 8 mars

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, la Commission de l’ONU sur le statut de la femme a débuté sa session cette semaine à New York avec plus de 6000 délégué-e-s réuni-e-s pour faire le point sur les conditions vécues par les femmes aux quatre coins du monde et examiner les moyens pour mettre fin à la violence qu’elle subissent.

Dès l’ouverture de la session, des tractations de coulisses menées par les représentants du Vatican, de l’Iran et de la Russie, selon ce qu’ont rapporté des diplomates ainsi que la ministre norvégienne de l’Égalité homme-femme, ont visé à atténuer la portée de la déclaration que les responsables de cette rencontre souhaitent voir adoptée à l’issu des travaux le 15 mars. Ces États veulent faire retirer du projet de déclaration un passage qui affirme que la religion et les traditions ne peuvent constituer des raisons valables pour qu’un gouvernement puisse se soustraire à son obligation de lutter contre les violences faites aux femmes. Ils s’opposent aussi à ce que des relations sexuelles imposées à une femme par son mari soient considérées comme un viol.

Alors que le monde entier s’élève contre les actes de barbarie que subissent quotidiennement les femmes au nom de la religion et des traditions machistes, ces États n’ont rien trouvé de mieux que de faire front uni pour bloquer l’émancipation des femmes et renforcer du même coup la montée du fondamentalisme religieux à l’échelle de la planète. Un État voyou étant un État qui ne respecte pas les lois internationales les plus essentielles ou qui viole les droits humains fondamentaux, le Vatican, l’Iran et la Russie peuvent être ainsi qualifiés d’États voyous.

En appui à l’offensive de son pays, Maryam Mojtahedzadeh, conseillère du président iranien, a affirmé qu’il fallait « respecter la diversité culturelle». C’est exactement l’argument que tiennent ici les islamistes et leurs alliés objectifs pour faire prévaloir les préceptes religieux sur les lois civiles. C’est en effet au nom de la « diversité culturelle » qu’on réclame des accommodements raisonnables et que l’on réduit le principe de laïcité à cette chimère appelée « laïcité ouverte ». De leur point de vue, toute critique à l’endroit de l’intégrisme religieux constitue du racisme, de la xénophobie ou encore, pour employer le mot créé par les Frères musulmans, de l' »islamophobie ».

Cette offensive, menée par une alliance apparemment contre-nature mais représentant des intérêts communs, est à mettre en lien avec l’appel lancé par divers groupes religieux conservateurs à la Conférence internationale sur les religions du monde tenue en septembre 2011 à Montréal et mettant sur la même scène le Dalaï Lama, Tariq Ramadan et Gregory Baum. Les participants ont adopté une résolution demandant à l’ONU d’amender la Déclaration universelle des droits de l’homme  pour y ajouter les deux articles suivants:

Article 12.4 Chacun a le droit que sa religion ne soit pas dénigrée dans les médias ou dans les maisons d’enseignement.

Article 12.5 Il est du devoir de l’adepte de chaque religion de s’assurer qu’aucune religion n’est dénigrée dans les médias ou dans les maisons d’enseignement.

Si ces articles étaient adoptés, toute critique de la religion dans les médias, voire dans les cours de philo, pourrait donc être interdite. Tout croyant serait aussi invité à passer à l’attaque contre la liberté d’expression. La récente création, par le gouvernement Harper, du Bureau sur la liberté de religion, est à mettre dans cette mouvance visant à placer la religion à l’avant-scène contexte de la politique et de la vie sociale (voir Harper enfonce encore plus le Canada dans le fondamentalisme crétin). Il existe déjà des lois contre le libelle diffamatoire, mais cela est insuffisant à leurs yeux de certains croyants; ils veulent des lois contre la satire et contre la pensée critique. Cela nous donne un exemple de ce que serait le monde s’il était gouverné par des religieux et de l’état préhistorique dans lequel seraient les droits humains si les gouvernements s’en étaient tenus à la vision religieuse du monde.

Toutes les libertés humaines ont été acquises au prix de dures luttes, non pas grâce aux religions mais en dépit d’elles. La lutte pour l’égalité des femmes, on le voit, ne fait pas exception et rencontre les mêmes forces obscurantistes de résistance à l’émancipation.