Madame Gagnon
Dans votre billet d’aujourd’hui « Laïcité : une idée importée » (!!!), vous me faites porte-parole du Mouvement laïque depuis 40 ans. Pour votre information, le Mouvement laïque québécois (MLQ) a été fondé en 1981 et j’en ai été tour à tour président, vice-président et porte-parole entre 1982 et 2009. Faites le calcul. Et lorsque que le Mouvement laïc de la langue française (MLF) était actif, j’avais autours de 13-14 ans ans.
Au-delà ces chiffres, ma persistance à mener le combat pour la laïcité montrerait, à votre avis, que ceux qui militent pour cette cause ne se sont pas renouvelés. Appliqué à votre propre situation, ce raisonnement nous ferait dire ceci : La Presse est un journal incapable de se renouveler puisqu’il nous donne à lire du Lysiane Gagnon depuis 50 ans.
Venons-en au contenu de votre billet. À commencer par le titre « une idée importée ». Importé d’où? Des États-Unis? Du Mexique? Des Pays Bas? De Belgique? De Turquie? De France? D’Uruguay? Tous ces pays ont dans leurs lois une forme ou l’autre de laïcité de l’État. À qui appartient la laïcité? À qui appartiennent les principes et les droits humains?
À supposé que la laïcité soit une idéologie importée, quel serait le problème? L’Occident serait en mesure d’exporter l’égalité raciale en Afrique du Sud, d’imposer l’égalité entre hommes et femmes en Afghanistan, de forcer l’adoption de son concept de droits humains en Chine et d’obliger des élections libres au cœur de l’Afrique, mais le Québec ne serait pas légitimé d’aménager la laïcité de l’État parce que d’autres États l’ont fait avant lui. Faudra que vous nous expliquiez cela.
Selon votre savante analyse, le Québec a « découvert le concept de laïcité » avec la crise des accommodements raisonnables. Wow! Moi qui croyais que Fleury Mesplet avait diffusé les idées des Lumières au Canada à la fin du 18e siècle. Je pensais aussi que la séparation de l’État et des Églises figurait dans la Déclaration d’indépendance des Patriotes et que l’Institut canadien, avec les Papineau, Dessaulles, Doutre et Buies, défendait le même principe. Je ne sais pas où j’ai pris de telles idées. Et il est sans doute erroné de penser qu’Adélard Godbout et Télesphore-Damien Bouchard ont affirmé l’indépendance de l’État sur l’Église en accordant le droit de vote aux femmes en 1940. Je croyais aussi que la Révolution tranquille avait été portée par un courant de laïcisation et que la Charte des droits et libertés reconnaissait, depuis 1975, des principes laïques comme la liberté de conscience et l’égalité des religions. Il faudra décidément que je révise mon histoire du Québec.
Sans cette laïcité de la Révolution tranquille que vous réduisez à rien, vous seriez encore obligée de sortir dans la rue avec un chapeau ou un voile sur la tête et, comme femme, vous n’occuperiez pas le poste que vous occupez maintenant. C’est aussi cela les acquis de la laïcité.
Vous réduisez les revendications concernant la restriction du port de signes religieux de la part des fonctionnaires à une question de xénophobie, comme le font tous les démagogues de ce pays. Mais le bon peuple, chère Madame, est capable de plus de discernement. Avez-vous déjà vu des gens s’offusquer des tuniques indiennes ou africaines sur la rue? Ce sont pourtant des tenues beaucoup plus ostentatoires et exotiques qu’un simple foulard mais qui ne véhiculent pas le même message.
La laïcité, dites-vous encore, ne serait plus une valeur de gauche tant au Québec qu’en France. Votre « preuve » : Québec solidaire se dissocie du projet de charte du PQ. Vous ignorez sans doute que la position de QS sur la laïcité provoque de profonds déchirements depuis plusieurs années. Vous ignorez que des gauchistes affichés et plusieurs syndicats défendent la proscription des signes religieux par les employés de l’État. Vous ignorez peut-être qu’en France, la Libre pensée, éternelle alliée du Parti Socialiste, est une ardente défenderesse de la loi de 1905 et se fait le chien de garde de l’intrusion du religieux dans les affaires de l’État. Et que dire du Parti de la gauche, qui fait de la défense de la laïcité républicaine l’un de ses chevaux de bataille?
Vous soulignez l’instrumentalisation de la laïcité par la droite française mais sans nous dire que la plupart des forces de droite, en France comme ici, soutiennent plutôt des positions comme la vôtre, c’est-à-dire la laïcité « ouverte » aux accommodements religieux, à commencer par votre journal et les tous les intégristes religieux.
Votre texte démontre un tel manque de rigueur et de discernement qu’on ne sait pas trop s’il faut en rire ou en pleurer. Ce qui me désole le plus comme journaliste, c’est de lire de telles « analyses » dans l’un des grands quotidiens du pays. Oui, je sais, on trouve beaucoup pire encore. Mais ce n’est pas pour améliorer ma perception de la profession.
Daniel Baril, journaliste et militant laïque
CC : Forum de La Presse, mais sans attente particulière…
Lire aussi :Droit de vote des femmes et laïcité: encore des âneries de Lysiane Gagnon
La Révolution tranquille découle d’un ressac du fait religieux et ce n’est pas au nom de la laïcité que la société québécoise a évoluée. C’est plutôt par une meilleure connaissance des droits individuels et une volonté d’affranchissement des personnes.
Pour preuve, il y avait toujours des cours de catéchisme, dans les écoles publiques, au début des années 90. J’ai été parmi les derniers enfants à recevoir cette formation. Je me souviens encore du petit manuel qui montrait le parcours de Jésus de Nazareth et comment il était venu sur terre pour nous sauver. Quelle sottise ! De plus, les commissions scolaires étaient encore définies selon des orientations religieuses entre celles protestantes ou celles catholiques.
Bref, la laïcité est avant tout une affaire institutionnelle. Une laïcité importée serait plutôt le fait d’une mauvaise conception de la laïcité. Une laïcité qui irait dans un sens qui frôle l’autoritarisme.
Les personnes restent libres de croire ou ne pas croire ou d’afficher leur croyance ou non croyance. Sauf qu’une laïcité trop insidieuse ne laisse aucun choix et oblige l’individu à se soumettre à une autorité étatique qui s’accapare de la personne mise à son service pour s’en faire un outil de propagande au nom d’une doctrine laïque. Chaque personne devrait se sentir libre d’afficher ou non sa croyance et la contrainte d’une obligation rigide n’est jamais synonyme de délivrance.
De plus, il est mentionné que dans l’application des droits, l’État est aussi contraint d’en respecter les règles autant que les personnes physiques. Si l’État déroge du fait de respecter les droits fondamentaux de la personne, cela finira par aboutir aussi dans la perception des individus et dans la société civile.
Je suis heureux de vous entendre dire que « la Charte des droits et libertés reconnaissait, depuis 1975, des principes laïques comme la liberté de conscience et l’égalité des religions ».
On ne virera pas fou avec les religions qui font parti du paysage au Québec. L’égalité des religions est une réalité civique. Comme le droit de ne pas avoir de religion.
Les principes qui fondent les droits et libertés de la personne du type de la Déclaration unverselle de l’ONU sont issus des Lumières et sont laïques parce qu’ils transcendent les particularismes religieux. Mais ça ne veut pas dire que les États qui les appliquent sont pour autant laïques en soit et qu’ils respectent ces principes sans contradiction. La plus belle contradiction nous vient de la charte canadienne fondée sur la reconnaissance de la suprématie de Dieu et qui reconnait le droit à la liberté de conscience. Autrement dit, cette charte me donne le droit de refuser les fondements sur lesquels repose ce droit selon son préambule.
Jusqu’à récemment, la charte québécoise protégeait l’enseignement religieux confessionnel dans les écoles publiques, enseignement qui était pourtant considéré depuis longtemps, par la Commission des droits de la personne, comme contraire aux droits fondamentaux reconnus par la même charte.
L’égalité des religions est un concept juridique et non une réalité civique. Aucune religion n’accepte d’être l’égale aux autres.
Je trouve étrange ces lignes, surtout la dernière:
«Vous réduisez les revendications concernant la restriction du port de signes religieux de la part des fonctionnaires à une question de xénophobie, comme le font tous les démagogues de ce pays. Mais le bon peuple, chère Madame, est capable de plus de discernement»
Le bon peuple est capable de discernement, mais discerner quoi, comment? Que la restriction du port de signes religieux par des fonctionnaires n’est pas de la xénophobie? Soit.
Mais alors, si le bon peuple est capable de plus de discernement, pourquoi ne peut-il réaliser que le port d’un signe religieux n’affecte aucunement le service qu’il va recevoir de la part du fonctionnaire?
Parce que ce n’est pas la qualité du service qui est en cause mais le droit du public d’être servi par quelqu’un qui respecte la neutralité religieuse de l’État employeur et qui n’expose pas, durant son travail, de message religieux vestimentaire.
Quelqu’un qui porte un symbole religieux à son travail ne respecte automatiquement pas la neutralité religieuse de l’État? Le respect de la neutralité religieuse de l’État se traduit dans le travail de cette personne, dans l’exercice de ses fonctions. Si la qualité de son travail est influencée par ses croyances religieuses, là il y a un non-respect de cette neutralité. Le symbole religieux apparent n’induit pas nécessairement cela. De même, ça ne veut pas dire qu’une personne s’habillant selon un code vestimentaire pareil comme le mien ou le vôtre respecte inévitablement la neutralité de l’État dans l’exercice de ses fonctions.
(1)
« Quelqu’un qui porte un symbole religieux à son travail ne respecte automatiquement pas la neutralité religieuse de l’État? »
(a)
Le concept d’apparence … est commun …
Et je sais pas c’est quoi exactement le jeu de certains internautes.
(b)
Que vise-t-on pour les elus par le code d’ethique et l’encadrement de cadeau que l’apparence de conflit d’interet …
Que vise-t-on dans l’elimination de salaire secret pour un premier minister que les apparence de conflit d’interet ….
Que vise-t-on pour les fonctionnaires et agent de l’etat et le fait de ne pas porter des signes politiques sinon que l’apparence de conflit …
Les gens qui travaillent pour les elections sont -ils vraiment neutre ? Ils votent et ont des opinions politiques ? Mais que vise-t-on par l’interdiction de porter des symboles sinon que l’apparence ?
Meme au citoyen il y a des limites a la liberte d’expression politique a l’interieur des bureau de scrutin … sinon dans quel but que de viser l’apparence de neutralite de l’exercice ?
Que dirait-on d’un politicien qui porterait un ecusson waltmart ou mcdonald ….
Meme les regles pour passer de la politique ou d’un emploi dans un cabinet a l’industrie est encadrer … c’est a nouveau pour les apparences de conflit d’interet ….
(c)
Je comprends pas tres bien ton propos Francois pourquoi tu fais comme si c’etait un concept nouveau de viser l’apparence de neutralite en lien avec l’idee de la neutralite ?
—–
(2)
« Mais alors, si le bon peuple est capable de plus de discernement, pourquoi ne peut-il réaliser que le port d’un signe religieux n’affecte aucunement le service qu’il va recevoir de la part du fonctionnaire? »
Vous etes pas obliger de parler pour le peuple au complet.
Et de prendre pour incapable de discernement ceux qui ne sont pas de votre point de vue …
Moi je pense que les agents de l’etat autant ils ne doivent pas porter de macaron politique … etc … autant ils ne doivent pas porter de symbole religieux.
Et je pense que la neutralite passe en premier par l’apparence de neutralite.
« « Mais alors, si le bon peuple est capable de plus de discernement, pourquoi ne peut-il réaliser que le port d’un signe religieux n’affecte aucunement le service qu’il va recevoir de la part du fonctionnaire? »
Vous etes pas obliger de parler pour le peuple au complet.
Et de prendre pour incapable de discernement ceux qui ne sont pas de votre point de vue… »
Je ne faisais que reprendre la rhétorique de l’auteur du texte, afin de montrer exactement la même chose que ce que vous me reprochez. J’aime l’ironie.
Pour le reste, je comprends votre point de vue. Je trouve peut-être maladroites les analogies que vous faites, étant donné qu’un salaire secret ou des cadeaux n’ont rien à voir avec une affirmation culturelle.
Je dirais que je suis à première vue, je suis sensible à votre argument, soit que la neutralité passe en premier par l’apparence.
Là où je n’embarque pas, c’est que l’apparence de neutralité n’est pas un gage de celle-ci, et je ne suis pas prêt à sacrifier la liberté culturelle et la liberté de religion des individus pour cela. La neutralité de l’État signifie qu’elle ne favorise aucune religion, ni l’absence de religion. C’est donc dans ses structures, et non son personnel, que se traduit cette laïcité.
Je me questionne beaucoup plus de la pertinence de financer avec de l’argent public une école confessionnelle, ou d’avoir dans le réseau public de la santé un hôpital juif, où tous les patients subissent les contraintes alimentaires de cette religion selon tel ou tel événement-clé, célébration ou fête lié à celle-ci, du fait de laisser un crucifix dans la salle qui représente le plus le pouvoir de l’État sous prétexte du patrimoine, ou d’en laisser dans certaine cours de justice (pour probablement le même prétexte), que du port d’un symbole religieux par des fonctionnaires.
On occulte dans plusieurs interventions que le port du symbole religieux qu’est le voile musulman, nous parlons d’un symbole qui est autre chose que religieux. (pour moi et beaucoup d’autres en tout cas…) Il est un symbole de domination des femmes. Il est (pour moi encore), un symbole de non-équité sexuelle. Il n’est à ce que j’ai entendu dire nullement prescrit par la religion. C’est pas seulement la laïcité dont il est question dans la chartre. L’égalité des femmes avec les hommes est une valeur importante qui est insérée dans ses lignes et ce n’est pas surprenant pour moi que ce soit venu d’un parti qui porte une femme à sa tête.
Quand je vois ce symbole religieux dans la rue, je me souviens régulièrement depuis qu’ils sont de plus en plus visibles, que ces voiles sur la tête des femmes, il y en avait sur la tête des religieuses qui marchaient souvent en groupe dans les rues et partout. On avait l’habitude de s’en moquer en les comparant à des costumes de pingouins.
Je suis en accord avec l’intervenant qui souligne le fait que des écoles confessionnelles ont été subventionnes par l’état. Que c’est une chose qui doit changer. Je ne veux pas payer pour des écoles confessionnelles avec mes taxes… Le sont-elles encore? Ces écoles sont elles encore subventionnées…?
Si on demandait à ces familles AVANT qu’elles ne viennent s’établir chez nous, si elles acceptent la chartre des valeurs Québécoise, comme les Québécois-es acceptent les conditions dans leur pays du moyen orient…; Viendraient-elles, ces familles en acceptant que leurs symboles religieux ne soient pas portés s’il advient qu’elles aient un rôle d’agent au service public d’ici…? Que leur famille ait le droit de porter les signes religieux n’importe où ailleurs mais pas au service de l’état. (dixit Foglia de la presse…)