Tout ce que la science sait de la religion : un aperçu
Pour mon récent essai, Tout ce que la science sait de la religion (Presses de l’Université Laval, 2018, et éditions Hermann en France), j’ai passé en revue des centaines d’articles publiés dans les revues savantes à propos de la religion et qui ne parviennent presque jamais auprès du grand public. Il s’agit pour la plupart de travaux d’anthropologie, de psychologie, de primatologie, de sociologie et de science de la santé. Les méthodes vont du simple sondage jusqu’à l’imagerie par résonance magnétique en passant par le conditionnement subliminal.
Bien que l’on trouve chez les scientifiques une diversité de convictions à l’égard de la religion, cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de courants dominants qui se démarquent. Je prends résolument appui sur ces courants dominants et sur la pensée critique pour démonter certaines idées reçues ou croyances populaires à propos de la religion. Voici un aperçu de ce volume tiré de l’introduction.
Non complémentarité entre science et religion
Les scientifiques ont notamment des positions divergentes sur la question de la complémentarité ou du concordisme entre science et religion. En témoignent, d’un côté, les propos de Richard Dawkins et de Jean Bricmont et, de l’autre côté, ceux de Stephen Jay Gould et d’Hubert Reeves. Ce sujet a été abordé à plusieurs reprises mais j’y reviens dans le premier chapitre pour traiter d’aspects habituellement ignorés, soit la « rationalité croyante » avancée par certains théologiens et l’intentionnalité que l’on trouve dans toute croyance en un acte créateur. Cette intentionnalité demeure un attribut anthropomorphique.
Évolution des croyances
Les idées reçues s’observent tant chez les incroyants que chez les croyants. Les premiers font souvent preuve d’un enthousiasme fort peu réaliste dès qu’un sondage montre une baisse de la pratique religieuse ou une désaffection des grandes religions comme le catholicisme et l’anglicanisme. Le fait religieux comporte de multiples facettes et l’analyse de l’ensemble des données de sondages montrent que la croyance au surnaturel varie très peu au fil des années et quelle que soit la culture. Certaines conclusions, dont celles du sociologue américain Phil Zuckerman et de plusieurs incroyants à sa suite, révèlent par ailleurs une méconnaissance ou une mésinterprétation des explications naturalistes de la religion qui ne supposent aucunement que « nous sommes nés pour croire en Dieu ». Ce sujet est abordé à la fin du chapitre 2 sur les sondages et constitue l’objet du dernier chapitre du volume.
Religion et santé
L’un des principaux aspects positifs attribués à la religion est qu’elle favoriserait la santé. Les études abondent de ce côté et cette croyance n’est pas sans fondement comme en font état les travaux présentés au chapitre 3. Une fois pris en considération l’ensemble de ces travaux, on doit toutefois conclure que c’est le réseau social associé à la communauté de croyants qui constitue le véritable facteur protecteur. Par ailleurs, la religion n’est pas sans effets négatifs sur la santé mentale et même physique, ce dont il faut tenir compte dans l’analyse du rapport entre religion et santé.
Religion et morale
Le même genre de constat est tiré au sujet du rapport entre religion et morale. L’idée fort répandue que la morale provient de la religion est tout simplement indéfendable. Les composantes de base de la morale semblent plutôt répondre à des attentes intuitives innées qui ne sont que modulées par les religions. Sur certains aspects, le comportement des athées se révèle même plus moral que celui des croyants dont l’empathie et l’altruisme sont principalement dirigés vers leurs coreligionnaires. L’amour universel du prochain demeure une bonne intention mais ne correspond pas à ce qui est observé dans les mises en situation.
Religion et violence
On aime croire également que la religion est un facteur de paix sociale et d’harmonie entre les peuples. On trouvera ici les points de vue diamétralement opposés de Karen Armstrong et d’Hector Avalos comme entrée en la matière. La question de fond n’est pas de faire la liste des passages violents de la Bible ou du Coran ni même de rappeler les arguments religieux dans les violences actuelles ou passées mais de se demander si la pensée religieuse comme telle peut augmenter ou diminuer le recours à la violence. Comme la religion raffermit le lien identitaire à un groupe, le risque de rejet des autres en est d’autant plus grand.
Expériences de mort imminente (NDE)
Le chapitre 6 sur les expériences de mort imminente ne manquera pas de piquer la curiosité, tous étant intrigués par ce phénomène. Comme dans les autres thèmes reliés aux croyances religieuses, on découvre qu’il y a là aussi deux écoles de pensée chez les chercheurs : celle des survivalistes qui croient en un aperçu de l’autre monde et celle des matérialistes ou des sceptiques qui expliquent le phénomène par un ensemble de réactions neurologiques dans un cerveau en phase critique. L’étude détaillée des témoignages nous révèle que l’histoire du tunnel avec une lumière au bout ainsi que la sensation de décorporation ne sont rapportées que par une minorité de personnes qui ont vécu cette expérience limite. Il n’y a pas de description universelle du phénomène et celui-ci peut survenir dans diverses conditions. Le récit habituellement véhiculé par les médias, tiré des écris sensationnalistes du psychiatre Raymond Moody (auteur de La vie après la vie), est une pure construction.
La religion à la lumière de la théorie de l’évolution
Le dernier chapitre se veut une explication évolutionniste de tout ce qui précède en recourant à la théorie darwinienne de l’évolution. Deux modèles sont examinés, soit celui de l’avantage adaptatif et celui du phénomène émergent. L’approche la plus satisfaisante est celle qui fait de la religion un épiphénomène de l’ensemble de nos dispositions sociales qui nous conduisent à voir la nature comme s’il s’agissait d’un fait social, donc découlant d’une intention. Cette explication tient compte de toutes les facettes du phénomène religieux et permet de comprendre pourquoi la religion persiste dans toutes les cultures, dans toutes les conditions socioéconomiques et malgré l’avancement des connaissances. Mais le débat reste ouvert.
Le volume peut être commandé chez votre libraire ou directement de l’éditeur. Au Québec: Presses de l’Université Laval. En France: éditions Hermann.
Commentaire reçu de Yves Gingras, de la Chaire de recherche en histoire et sociologie des sciences (UQAM), et auteur de L’impossible dialogue science et religion:
« Je l’ai lu en fin de semaine. Vraiment excellent. Référence pour des années grâce à ta synthèse d’une littérature très éparpillée. »
Témoignage reçu de Michel Virard, président de l’Association humaniste du Québec:
«Chapeau. Je suis impressionné par la qualité mais aussi la quantité de matière disponible dans un ouvrage de 180 pages. 🙂 Pour moi ça va être un livre de référence pour les années à venir. C’est vraiment quelque chose qui nous manquait.»
J’ai fini ton livre ce matin. Chapeau. Je suis impressionné par la qualité mais aussi la quantité de matière disponible dans un ouvrage de 180 pages. Pour moi ça va être un livre de référence pour les années à venir. C’est vraiment quelque chose qui nous manquait. J’aimerais ça en tirer des quiz humanistes ou même des résumés édifiants. Bravo encore.