Cette semaine je brise un silence d’un mois. À la fois parce que mon travail était accaparant et le fait que je n’écris jamais simplement pour remplir cet espace. Quatre textes seront publiés au cours des prochaines semaines afin de m’aider à clarifier ma pensée.
Le 1er texte est intitulé « L’ennemi intérieur »
Le 2e : « Comment reconnaître l’ennemi intérieur »
Le 3e : « Les conditions pour une insurrection »
Le 4e : « Passer à l’action »
Faire le saut en politique active est un casse-tête d’une grande complexité et, flirtant avec depuis seulement quelques semaines, je comprends maintenant le vertige du grand pas en avant. J’ai énormément de respect pour les plongeurs de ce curieux bassin humain parce qu’ils osent s’avancer sur la vertigineuse plateforme et s’élancer en prenant un grand souffle. J’ai l’impression que la seule solution c’est de plonger aussi. À suivre…
* * *
L’ennemi intérieur
Il ne parle pas une autre langue, il n’est pas étranger, ni de quelconques religions ; il n’a aucun signe distinctif qui permet de le reconnaître. Il n’est pas seul, mais il est impossible de l’amalgamer dans un groupe. Ses actions parlent plus que ses mots.
Certains d’entre eux bâtissent leur carrière à inventer des méfaits aux autres, maudissant publiquement avec une hargne fictive en espérant se bâtir une crédibilité sociale, étendre leur employabilité future dans l’empire ou gagner des votes qu’ils trahiront plus tard. Incapables de présenter des faits, ils utilisent la généralité, l’exagération et l’argument populiste comme preuves dans un procès sommaire auquel nous sommes forcés d’assister. L’objectif est simple : nous diviser pour nous asservir, pour nous piller, pour nous détruire. Ils jettent un voile sur nos yeux en inventant un ennemi qui n’existe pas, en lui donnant une épithète, un emplacement géographique, une couleur de peau ou une croyance. Ils se foutent de tout ça, car leur seul objectif est de créer des divisions artificielles pendant qu’ils nous trahissent. À moins de découvrir le vrai visage de l’ennemi, nous sommes condamnés à devenir les esclaves affamés et malades au service d’un petit groupe de traitres qui feront tout pour nous voler notre pays, nos ressources et détruire notre humanité. Ils ont déjà commencé. Il y a donc urgence.
L’ennemi n’est pas celui qu’on pense. Il porte parfois le même costume-cravate, la même cagoule noire, le même carré rouge ou vert que nous. Il se cache de part et d’autre d’un fleurdelisé, d’un rouge érable ; il s’y drape parfois, le déploie de manière grandiloquente, lui fait de grands saluts solennels. Il se gargarise de phrases toutes faites sur l’identité, la nation, la culture, pour dénoncer l’autre. Il attaque nos ressemblances, vilipende notre unité, crache sur nos similitudes pour polariser nos opinions, nous monter l’un contre l’autre et miner les débats et les changements.
Il sera à nos côtés pour la photo officielle, mais il cachera dans son dos un poignard.
Il est l’ennemi intérieur.
Le pire. Le plus vicieux. Le plus destructeur. Le plus difficile à éradiquer.
Le moment est venu de tracer une ligne dans le sable du temps et déclarer la guerre à l’ennemi intérieur. Il aurait fallu le faire lors de ces premiers soirs d’hivers au 16e siècle, il est plus que temps de le faire au matin du 21e.
Nous sommes un coin de pays riche de gens d’une grande ingéniosité, riche de tout ce que la nature peut nous offrir si on en prend soin ; l’ennemi intérieur qui veut nous détruire a été révélé. Il est fonctionnaire, ingénieur, politicien, PDG, organisateur de campagne électorale, banquier, avocat, entrepreneur, chimiste, journaliste et bien d’autres choses. Il passe ses journées à nous dire quoi penser, et ses nuits à trahir notre confiance. Il répète tout haut qu’il veut notre bien, mais il conspire en silence pour nous le voler.
On peut continuer de tergiverser, s’enliser dans des débats gauche-droite, fédéraliste-souverainiste, économiste-environnementaliste, mais pendant ce temps-là, l’ennemi intérieur continue de gagner du terrain. Nous risquons de tout perdre.
Il faudra combattre l’ennemi intérieur sur tous les fronts : sur le Net, dans les médias, sur les marchés financiers, sur la place publique, dans l’arène politique, sur la rue, au cœur même de nos institutions et parfois dans les profondeurs de nos autocensures. Ce ne sera pas facile. Il faudra endurer les pires conditions, l’isolement, la peur, et le moment venu quand nous aurons épuisé toutes nos munitions intellectuelles et cassé notre baïonnette politique, il faudra le confronter au corps à corps démocratique au fond d’une tranchée, à mains nues, avec comme seul bruit nos hurlements, les clapotis de la pluie froide et un vent brutal à fendre les nuages. La lune sera témoin de notre combat. Il faudra neutraliser l’ennemi intérieur ou mourir noyé dans sa boue, la bouche pleine de notre sang. C’est une métaphore, mais c’est la vérité.
Il faudra être plus honnête et plus juste, et faire preuve de plus de transparence. Il faudra être plus responsable et plus respectueux de principes moraux, et devenir de meilleurs défenseurs de nos droits fondamentaux. Il faudra démontrer par nos actions que nous sommes aptes à reprendre le pouvoir.
Notre écosystème est en danger donc, notre vie est en danger, autant notre vie individuelle que notre vie collective, que toute la vie animale sur cette planète. Il s’agit donc d’une légitime défense contre un ennemi qui est sans pitié ; bien qu’on n’ait pas choisi cette bataille, on ne peut continuer de se mettre la tête dans le sable. On peut se laisser faire et périr, ou se défendre et avoir une chance de survivre. Ce n’est pas un choix, mais une nécessité.
Il y a cette guerre à faire et nous la ferons.
—
Si certains y lisent un appel à la violence, ce n’est pas le cas et c’est faire une bien pauvre lecture d’un texte qui ne nomme personne, mais dit tout haut ce que nous savons tous bas : ici comme partout ailleurs, un crime est en cours contre notre humanité et il faut l’arrêter. Le principe de l’action progressive s’applique.
Je parle d’être franc, résolu et infatigable, de s’organiser collectivement et lutter sans hésitation sur toutes les tribunes pour l’intérêt supérieur de tous les citoyens, en défendant le bien commun et l’avenir des générations futures. Ceux qui sont de cette lutte sont avec nous ; ceux qui se mettent dans notre chemin sont contre nous ; il faut passer à l’action, les ignorer, les contourner, les déplacer ou les renverser de leur piédestal autoproclamé. Maintenant.
L’ennemi intérieur bénéficie d’alliés, certains agissent par volonté de rester dans ses bonnes grâces, d’autres parce qu’ils souffrent de la cécité du larbin devant ses crimes.
De ces alliées, certains se lanceront automatiquement dans de grandes tergiversations intellectuelles sur l’autre parti politique à adopter parce qu’ils promettent éventuellement de régler nos problèmes par magie. Comme si les preuves flagrantes de leurs faillites n’existaient pas malgré la sentence rendue par l’histoire récente : la démocratie représentative est une représentation et, comme un mauvais théâtre, elle veut nous extraire de la réalité et faire de nous des spectateurs amorphes. Nous pouvons continuer d’exister démocratiquement tous les quatre ans et rester momifiés. Choisissons plutôt de vivre dans l’action chaque jour.
D’autres alliés citeront quelconques auteurs lointains comme autant d’adorateurs aveugles devenus de vulgaires promoteurs, répétant les formules toutes faites comme une poupée de ventriloque parce qu’ils ont choisi d’abdiquer leur sens critique, cadavres exsangues d’indépendance intellectuelle qu’ils sont. Choisissons de ne pas perdre notre temps à argumenter avec eux.
Bien sûr certains alliés voudront nous rassurer en répétant ad nauseum que tout ira bien dans le plus meilleur des mondes. Ils sont la pire plaie, celle de la paralysie mentale, de la fuite de temps, de l’obstruction passive. Choisissons de ne pas les écouter.
Bien sûr certains s’attacheront à leurs sphères d’influence en adoptant des postures théâtrales pour nous effrayer, déployant tonnerre, fumée et miroirs afin de nous terroriser et nous repousser dans ce trou sombre et humide où ils préfèrent nous garder. Il faut les dénoncer sur toutes les tribunes et les expulser du théâtre des opérations.
Les pires alliés consacreront de grandes ressources pour empêcher tout mouvement citoyen indépendant de reprendre la place qui lui revient, c’est-à-dire d’être au cœur de toutes les décisions, d’être le sujet de tous les enjeux, et de posséder et d’appliquer le pouvoir politique. Il faut les confronter sans relâche et les renverser de leur piédestal, car leur pouvoir est une statue au pied d’argile. Ciblons donc la cheville.
L’ennemi intérieur et ses alliés sont en train de commettre ce crime contre nous. Il faut réagir maintenant.
La semaine prochaine : Comment reconnaître l’ennemi intérieur.
» Choisissons plutôt de vivre dans l’action chaque jour. » Alors c’est d’un agora dont on aurait besoin, pas d’un parlement!!!!
Il faut séparer l’assemblée délibérante de l’assemblée décisionnelle et donner le droit de vote aux citoyens à date fixe sur des décisions clés.
Ooof, mais intéressant. Hâte de lire la suite.
C’est un texte qui laisse place à une certaine projection de la part de la personne lectrice.
En effet, quand on se soucie de la justice et du bien commun ou, pire, de la vérité, la vie est un combat. Je sens aussi que nous sommes dans une période de confrontation politique où une majorité mijote des réalisations, mais où le politique continue sa routine ridicule comme subventionner l’industrie pétrolière. Souvent les propagandistes de droite ont l’impression de réussir à mouler une bonne partie des esprits des gens, mais je suis surpris de voir à quel point, presque secrètement, les gens pensent davantage par eux/elles-mêmes sans trop le dire. C’est amusant.
Je rêve aussi de démocratie plus dynamique et participative. C’est un rêve plein de moments de découragement et de déception par contre. J’ai dans la quarantaine et ma foi en notre capacité de devenir un jour plus démocratique vacille.
Très inspirant votre texte. C’est encourageant de voir – ou plutôt lire- quelqu’un qui se démarque du cynisme ambiant. J’aime beaucoup que vous partagiez votre réflexion sur le fait de vous lancer ou non, la réflexion et le doute, bonnes conditions de succès. J’attends votre prochain texte avec impatience et le lirai avec grand intérêt. A +
Excellent texte, très bien écrit. Je crains toutefois qu’à travers une prose d’un tel niveau et une place si vaste à l’interprétation, monsieur McCready ne rate essentiellement sa cible. Les gens suffisamment instruits (et je ne parle pas ici de diplômes) pour comprendre les venues de ces réflexions sont d’ores et déjà ceux qui s’informent, qui cherchent et philosophent sur notre société plutôt que de passer son temps à simplement dénoncer par pure bigoterie, pour essayer d’en faire un monde meilleur. Les lecteurs de ce genre de réflexions, ceux qui ont la capacité d’analyse critique et de recherche ont certes besoin qu’on les stimule, mais ce public ciblé par cet article, celui qui demeure assis sur sa « logique » ancrée dans des stéréotypes, des généralisations, des montées aux barricades contre tout ce qu’il ne comprend pas, avec fourches et torches, n’est-il pas, par le fait même, moins instruit, moins intéressé à un changement idéologique mû par la recherche, par l’effort, par l’implication? L’ennemi intérieur n’est-il pas essentiellement constitué d’ignorance, de peur, de paresse intellectuelle conduisant à une implication déficiente ou erronée, à la dictature du mode de pensée par ceux et celles ayant quelque intérêt à voir un peuple les suivre comme des moutons? Le public ciblé a besoin de se faire mâcher l’information parce qu’il ne lit pas ce genre de réflexion, il ne veut pas réfléchir, il suit comme un mouton jusqu’au jour où il trouve une nouvelle béquille, un nouveau veau d’or à idolâtrer.
C’est pas faux. Ce texte risque d’être intéressant surtout pour les personnes déjà militantes, mais l’auteur le sait peut-être.
Ouf! Je vous trouve dur envers le « commun des mortels ». Par contre, je dois admettre que moi-même je n’ai plus cette « ardeur » que j’avais pour le peuple Québécois lorsque je suis arrivé au Québec dans les années ’70. D’où la raison que des M. McCready, nous en avons besoin à la tonne! Un Homme qui croit encore au peuple afin que l’on puisse s’y voir dans le reflet de ses yeux.
« L’ennemi intérieur » très bien écrit comme texte. Chapeau! Cela nous amène à une rélexion profonde de notre « petit égo » qui croit tout savoir, tout comprendre, tout connaître.
Je vous cite: « Ce ne sera pas facile. Il faudra endurer les pires conditions, l’isolement, la peur, et le moment venu quand nous aurons épuisé toutes nos munitions intellectuelles et cassé notre baïonnette politique, il faudra le confronter au corps à corps démocratique au fond d’une tranchée, à mains nues, avec comme seul bruit nos hurlements, les clapotis de la pluie froide et un vent brutal à fendre les nuages. La lune sera témoin de notre combat. Il faudra neutraliser l’ennemi intérieur ou mourir noyé dans sa boue, la bouche pleine de notre sang. C’est une métaphore, mais c’est la vérité. »
Bien, j’en suis là présentement dans mon cheminement personnel.
Merci pour cette publication et j’ai bien hâte de lire la suite.
Je vous cite: «… l’ennemi intérieur qui veut nous détruire a été révélé. Il est fonctionnaire, ingénieur, politicien, PDG, organisateur de campagne électorale, banquier, avocat, entrepreneur, chimiste, journaliste et bien d’autres choses.»
Ma question:
Est-ce la fonction qui fait la personne ou le contraire? Par exemple, un fonctionnaire, un avocat,un banquier le devient-il en perdant son identité propre, capable de voir les choses autrement que derrière le voile de sa fonction?
Peut-être que c’est pour les gens ‘éveillés’ d’avance, mais m’en fou! Moi je l’envoie à ma mère à Québec par la poste! …elle qui ne connait RIEN d’Internet…et qui prend ses nouvelles à TVA O.o Je vais au moins lui montrer que je suis loin d’être seule à s’en faire et à penser d’agir! :o)