Afin de contribuer à La réplique qui se prépare autour de L’objectif stratégique le plus urgent de protéger l’eau potable en empêchant tous les projets d’oléoducs sur le territoire du Québec, je passe en revue les champs d’action possibles. Après le texte Arrêter les oléoducs – La force, celui sur La loi et l’argent, voici la persuasion.
LA PERSUASION
Il n’y a actuellement aucune manière possible d’utiliser la force, la loi ou l’argent pour protéger adéquatement l’eau potable des projets d’oléoducs. Les citoyens n’ont aucun pouvoir direct pour arrêter ces projets d’oléoducs. Ils doivent donc utiliser des moyens indirects pour chercher à influencer ceux qui ont le pouvoir de les arrêter. Il faut donc informer, convaincre, influencer. Ça peut sembler anodin ou inoffensif, mais c’est tout le contraire. Si ça l’était, les compagnies pétrolières ne gaspilleraient pas leur argent à cibler les élus avec des lobbyistes.
Comme le rapportait Alexandre Shields dans son article : Le lobby du pétrole s’active au Québec. Un rapide examen du Registre des lobbyistes du gouvernement du Québec révèle que les compagnies d’oléoducs Enbridge et TransCanada, ainsi que la compagnie Énergie Valero Inc. ont engagé des lobbyistes externes pour promouvoir les projets d’oléoducs. De plus Enbridge et des associations tels que Canadian Association of Petroleum Producers, Fédération des chambres de commerce du Québec et Manufacturiers et exportateurs du Québec sont enregistrés comme lobbyistes pour ces mêmes projets. Dans mon prochain blogue, je donnerai leurs noms, leurs coordonnées et je suggérerai des interventions directes sur ces « influenceurs » professionnels, car ils sont une des premières cibles pertinentes pour l’action citoyenne.
Edward Bernays, « considéré comme le père de la propagande politique institutionnelle et de l’industrie des relations publiques », a publié un essai en 1928 intitulé Propaganda (disponible en PDF). Dans le premier chapitre de cet essai, Bernays énonce que les citoyens ne peuvent s’organiser entre eux efficacement sans sombrer dans le chaos. Selon lui, les citoyens n’ont pas le temps ni la connaissance pour comprendre les enjeux politiques (ou la valeur des objets de consommation), et donc il faut qu’une élite s’en occupe pour des raisons pratiques. Si ce temps a bel et bien existé, il est révolu. Les citoyens peuvent maintenant reprendre le contrôle de l’information et de l’influence politique.
Dans ce même chapitre, Bernays nous donne la solution en soulignant un aspect important de la modernité : les médias et la technologie permettent aux gens ayant des idées et intérêts identiques de se regrouper et de s’organiser pour poser des actions communes malgré la distance. Les citoyens doivent donc entreprendre une bataille d’influence pour protéger l’eau potable et utiliser tous les moyens de communication à leur disposition.
Lors de l’invasion de l’Europe, les Alliés ont déployé plusieurs unités dont la fonction était de convaincre les soldats et civils allemands que l’Allemagne devait capituler sans condition. Le rapport de leurs activités publié dans le livre Psychological Warfare Against Nazi Germany: The Sykewar Campaign, D-Day to VE-Day révèle des leçons importantes d’organisation, de choix de cibles, de méthodes et de contenu. La guerre psychologique peut paraître un terme désuet ou exagéré, des manuels plus récents de l’armée américaine utilisent plutôt le terme « Opérations psychologiques » puisqu’il s’agit d’opérations de soutien qui peuvent être déployées en parallèle, mais aussi indépendamment des opérations militaires. Dans les prochaines semaines, je m’inspirerai de ces publications pour offrir aux citoyens des pistes d’action.
Les citoyens qui poursuivent l’objectif stratégique d’arrêter les projets d’oléoducs pour protéger l’eau potable doivent faire usage de tout l’arsenal des outils d’information, de propagande et d’opération psychologique pour atteindre leur objectif. Ils doivent adopter une approche efficace, dénuée d’émotions et de pitié, et avancer sans hésitation jusqu’à ce que leur objectif soit atteint.
Les personnes qui ont attaqué la réputation de Daniel Breton à l’automne 2012 pour l’écarter du théâtre décisionnel des oléoducs ont opéré selon ces mêmes principes. Ils ont livré deux dossiers complets à deux médias distincts avec l’objectif de détruire la crédibilité de Daniel Breton. C’était une opération psychologique abjecte à mes yeux, mais, malgré cela, d’une grande efficacité. Par principe, les journalistes ont protégé la confidentialité de leurs sources. C’est tout à fait légitime. Ces personnes demeurent inconnues, ils sont probablement plus proches du PQ qu’on ne le croirait et ils constituent avec les lobbyistes des cibles légitimes, quoique présentement insaisissables. J’y reviendrai.
Pour atteindre l’objectif stratégique d’arrêter les projets d’oléoducs afin de protéger l’eau potable, les citoyens doivent informer et influencer les autres citoyens du Québec, mais aussi les compagnies privées, tous les paliers de gouvernement, les élus, les médias et leurs journalistes, les groupes citoyens, les chambres de commerce, les investisseurs et bien sûr les compagnies Enbridge et TransCanada. Il faut se concentrer au Québec, mais certaines opérations pourraient aussi nécessiter d’agir à l’extérieur de la province ou même du pays.
Cette présente série de texte constitue la continuité de ma réflexion entamée avec le cycle L’ennemi intérieur. Ces textes demeurent d’actualité. Je veux maintenant me concentrer sur la menace la plus urgente – les oléoducs, car ils pourraient anéantir notre eau potable et notre écosystème.
Dans mon prochain texte, j’énoncerai les différentes entités qui peuvent jouer un rôle dans l’atteinte de l’objectif stratégique d’arrêter les projets d’oléoducs afin de protéger l’eau potable. Par la suite je ferai l’évaluation des forces et des faiblesses des opérations psychologiques par les citoyens. Je poursuivrai ensuite ma réflexion avec un sommaire des ressources humaines et techniques à mettre en oeuvre. Après cette longue analyse, je ferai une suggestion de cibles et de tactiques pour passer à l’action afin de protéger l’eau, un bien commun essentiel à la vie.
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Denis, tu dis des choses étonnantes dans ce papier:
« Il n’y a actuellement aucune manière possible d’utiliser la force, la loi ou l’argent pour protéger adéquatement l’eau potable des projets d’oléoducs ».
Tu cites Bernays sans le critiquer: « Bernays énonce que les citoyens ne peuvent s’organiser entre eux efficacement sans sombrer dans le chaos. Selon lui, les citoyens n’ont pas le temps ni la connaissance pour comprendre les enjeux politiques (ou la valeur des objets de consommation), et donc il faut qu’une élite s’en occupe pour des raisons pratiques. Si ce temps a bel et bien existé, il est révolu. Les citoyens peuvent maintenant reprendre le contrôle de l’information et de l’influence politique.
Est-ce bien la`ce que tu voulais dire?
Jean, dans la première phrase je fais référence aux articles précédents où j’énonçais les limites de ces options.
Pour Bernays, je ne voulais pas me lancer dans une critique de sa pensée, mais exposer l’attitude des « élites » envers les citoyens de l’époque. J’aurais du ajouter qu’il a influencé des générations de propagandistes commerciaux et politiques et a donc pollué mentalement la place publique. Bernays est l’homme qui a rendu la cigarette populaire chez les femmes, il y en aurait long à critiquer juste pour ça! Je dis simplement que les citoyens doivent reprendre le contrôle de la conversation politique, et pour y arriver il doivent utiliser tous les moyens dont ils disposent pour informer, convaincre et influencer leurs concitoyens et les gens qui ont le pouvoir direct et indirect d’arrêter les oléoducs.
J’espère que ça réponds à tes questions.