Si vous vous demandez pourquoi le mouvement des indignés n’a pas connu le succès qu’il méritait alors que ses revendications étaient partagées par près de 80 % de la population, la réponse est sûrement à chercher du côté du vieillissement de la population. Oui, les révolutions ont presque immanquablement été portées par les jeunes générations. Demandez donc aux révoltés arabes, en Égypte, en Lybie et en Tunisie, les moins de 25 ans représente plus de 50% de la population.
Dans les années 60, années de révolte s’il en est, la contestation dans les pays occidentaux étaient le fait de la génération des 17-30 ans issue du baby-boom. Selon Statistique Canada, en 1961 une personne sur trois (34,0 %) était âgée de moins de 15 ans, cette catégorie atteint aujourd’hui son plus faible niveau de l’histoire avec un peu plus de 17,7 %[1].
Quand votre population est composée à 50 % de jeunes de moins de 25 ans, elle est logiquement plus portée à la révolte contre le système en place. La jeunesse est pleine d’énergie, de désir, de rage, elle n’a rien à perdre. Cela devient un peu plus compliqué avec une population composée majoritairement de personnes de plus de 40 ans, des gens qui pensent plus à payer leur hypothèque qu’à changer le monde.
Le vieillissement n’est pas qu’un frein important à la réforme et au changement, c’est aussi la plupart du temps une des raisons du durcissement des politiques à l’égard des jeunes et du monde de la nuit. Aujourd’hui, la grande cohorte des baby-boomers nés entre 1946 et 1965 a entre 45 et 64 ans et représente la classe la plus aisée et celle qui est généralement propriétaire.
Ce n’est pas nouveau, mais plus les gens vieillissent, plus ils veulent de l’ordre, de la sécurité et de la tranquillité. L’exubérance juvénile s’oppose logiquement à l’involution « sénile ». C’est aussi une question de nombre : quand les jeunes sont majoritaires leurs revendications sont écoutées (1968), quand ils sont minoritaires non (2011). Le rapport de force fait qu’aujourd’hui l’ennui gagne du terrain sur l’euphorie.
C’est mon ami Mathieu Grondin, DJ du milieu interlope qui raconte l’anecdote, elle résume très bien la situation :
« Bilan de l’année d’un DJ : la police a arrêté mon set HUIT fois en 2011. Merci au SPVM et aux citoyens qui désirent vivre en ville comme à la campagne. Vous contribuez à rendre cette ville dynamique ! Alors au seul voisin qui voulait dormir le 1er janvier au matin, incapable de laisser aller et prendre sur lui, et au SPVM au grand complet ainsi qu’à Ferrandez, toujours prompt à défendre les droits des “propriétaires”, je vous souhaite que 2012 soit réellement votre fin du monde. Merci. »
Arrêté huit fois, dont le premier janvier ! Chaque fois au nom de la tranquillité et de la quiétude, dans une ville qui pourtant crie sur tous les toits qu’elle aime faire la fête et qu’elle est plus « récréative » que ses voisines canadiennes.
Montréal n’aime plus la fête. Montréal et ses administrations aiment l’idée de la fête, une idée bien emballée par ces compagnies de pub qui font notre fierté à l’international. La fête a été prise en otage et transformée en une chose affreuse et édulcorée, laide à souhait : la fête est devenue le quartier des spectacles, la métropole culturelle, les festivals… Vous savez le truc où des artistes chantent devant des Fords Fiesta.
Attention, si t’es un peu chaud, après avoir bu trop de bière à 7$ au bar Ford du festival, ne t’avise pas de pisser nonchalamment dans la ruelle. La guerre à la propreté et la sobriété est telle que tu risques 250 $ d’amende, oui tu as bien lu 250 $, plus cher que de brûler un feu en auto (154 $ et 3 pts). Mon ami en a fait les frais la semaine dernière, voilà son constat d’infraction.
À la fin des 80, La Mano Negra, formation rock mythique parisienne, voyait exactement la même logique sécuritaire, policière et hygiéniste transformer Paris en un grand musée sans vie. Ils voyaient déjà les bars miteux et les squats culturels se faire harceler par la police, ils voyaient les anciens soixante-huitards repentis commencer à demander le calme et la sécurité. Ils en ont fait une chanson: Ronde de nuit, « Dans la rue ya plus qu’des matons, Tous les apaches sont en prison, Tout est si calme qu’ca sent l’pourri, Paris va crever d’ennui ». Ils ne se sont pas trompés, aujourd’hui Paris ce n’est plus Pigale, c’est Paris Plage.
Pour 2012, vous pouvez être sûr d’une chose, il y aura moins d’after party à Montréal, moins de fêtes exubérantes et autant de ces évènements insipides, sans alcool, sans drogue, sans envie, dans le beau quartier propre des spectacles. Et pour ceux qui voudront dire non, il y aura toujours plus de contraventions.
[1] http://www12.statcan.ca/census-recensement/2006/as-sa/97-551/p3-fra.cfm
bon c’est où que ça passe d’abord? Y’aurait pas des villes avec des réglements pour les personnes âgées sauf à l’envers? Du genre, amendes pour ceux qui appellent pour tapage nocturne le 24 juin, week-end de fête du travail et jour de l’an?
@oli: La réponse: Berlin. Tu peux boire ou tu veux quand tu veux. Personne te fait chier. Et pour dégriser le lendemain tu vas te foutre tout nu dans un sauna mixte (un vrai sauna fait pour relaxer et non le genre qu’on connait ici…) Oui, honnêtement, quand je compare ma ville et leur ville,. je suis jaloux.
ça se passe dans le spays où la population jeune est majoritaire: teste Rio, Beyrouth, etc
Moi aussi mon set a été suspendu par le SPVM en pleine après -midi sur la rue St-Catherine dans le village ,en plein festival d art durant une performance alors qu on avait une autorisation écrite de la ville, 5 policiers sur les lieux 3 autopatrouilles a 4h de l après midi waouuuuu ….pendant qu on deal du crack a 2 pas au métro en toute liberté …..waouuuu…Bref 1h30 plus tard l autorisation se retrouve enfin entre les mains du policier qui décide alors de laisser repartir la musique mais a un volume beaucoup plus bas …..Juste en passant je jouais de la soul et non pas de la musique électronique a 130 bpm …….La performance des peintres qui m accompagnaient a été entaché par ce moment débile inutile qui nous coute de l argent et oui c est sur nos impôts pour mieux nous servir………..
2012, je propose opération bonne nuit la police. Tout le monde appelle la police pour se plaindre le plus souvent possible, sans arrêt, ils vont finir par se tanner pis s’en (ri$$er des plaintes de bruits.
Montréal est un grand paradoxe.
oui harold, oui.
Est-ce que les vieux sont moins nombreux à s’indigner? Ce n’est pas certain.
Abraham Lincoln disait : « C’est en gardant le silence, alors qu’ils devraient protester, que les hommes deviennent des lâches ». Aujourd’hui tout citoyen d’un pays a plus d’un motif d’indignation, mais tout citoyen indigné n’est pas formé pour mettre les bons mots sur ses vrais maux, ni décidé d’exprimer lui-même son indignation sur la place publique. Pour connaître le monde des indignés, voici le dictionnaire à téléchargement gratuit que j’ai conçu pour vous : http://dico.des.indignes.free.fr. Il vous présente 150 faits, événements, situations, notions, concepts et les perceptions qu’en font les citoyens indignés partout dans le monde. Vous devez savoir pourquoi les gens sont de plus en plus nombreux à s’indigner depuis la crise de la citoyenneté (le divorce entre « le pays réel » et « le pays officiel »).
1. Le citoyen doit s’indigner de certains usages que font des deniers publics les gouvernements et les élus.
2. Le citoyen doit s’indigner de l’usage qu’ils font, en partie, de la confiance qu’il leur a accordée.
3. Le citoyen doit s’indigner de l’image qu’ils montrent aux peuples et nations du monde.
4. Le citoyen doit s’indigner du fait que l’hypocrisie et le cynisme font d’une activité noble (la politique), une activité dépréciée par des élites politiques indignes de gouverner les nations.
5. Le citoyen doit s’indigner de la fuite en avant du pouvoir politique qui ne sait que produire chaque année plus de lois et règlements sans arriver à éradiquer les causes des crimes et délits en augmentation.
6. Le citoyen doit s’indigner du comportement inacceptable des policiers dans de nombreuses circonstances, particulièrement contre les jeunes et les populations des quartiers pauvres.
7. Le citoyen doit s’indigner des liens tissés par le gouvernement de son pays, avec les dictateurs et tyrans, entretenus au nom des intérêts économiques nationaux au mépris des règles de justice.
8. Le citoyen doit s’indigner de la violation systématique des règles éthiques et morales dans son pays.
9. Le citoyen doit s’indigner de la promotion de « pseudo-libertés » qui servent de diversion afin d’empêcher les peuples d’exiger le respect des libertés fondamentales.
10. Le citoyen doit s’indigner de l’égoïsme des riches et de l’indifférence des institutions à l’égard de la misère des peuples pauvres.
11. Le citoyen doit s’indigner devant le harcèlement que font subir, aux plus vulnérables, les marchands et leurs auxiliaires (publicitaires, banquiers, assureurs) pour les inciter à consommer toujours plus.
12. Le citoyen doit s’indigner de l’indignation sélective des élites politiques et intellectuelles de son pays face aux drames et injustices dans le monde.
13. Le citoyen doit s’indigner du refus de réagir vigoureusement ensemble à la dégradation avancée de l’environnement physique et bactériologique de notre planète.
14. Le citoyen doit s’indigner du désordre moral sciemment entretenu par la prolifération volontaire de certaines productions culturelles décadentes servant à abrutir les classes populaires sans moyens d’auto-défense intellectuelle.
15. Le citoyen doit s’indigner des choix de société conçus pour que le futile (gaspillage) prenne la place de l’utile (nécessaire), en miroitant la perspective d’un bonheur éternel au consommateur.
16. Le citoyen doit s’indigner des choix de société sciemment établis pour protéger des intérêts particuliers, tout en œuvrant pour détourner l’attention des citoyens des problèmes inhérents à ces choix.
17. Le citoyen doit s’indigner du contenu des programmes éducatifs qui produisent en masse, parmi les enfants des classes populaires et moyennes, des citoyens intellectuellement désarmés ne pouvant jamais réfléchir seuls sans l’aide de « la voix» des medias, plus particulièrement celle de la télévision.
18. Le citoyen doit s’indigner du détournement des consciences, transformant certains citoyens en simples chambres d’échos aux slogans conçus par les «intellectuels escrocs » et les «intellectuels faussaires».
Certes les médias nous montrent souvent des citoyens indignés qui n’arrivent pas à mettre les mots justes sur leurs maux. Et dans la masse des indignés réunis sur une place publique symbolique, on retrouve des militants aguerris à toutes les luttes, à côté d’un grand nombre de jeunes révoltés, poussés par des ressentiments diffus. Mais les élites politiques et intellectuelles des pays opulents ont tort de sous-estimer ces mouvements, comme les dictateurs arabes et leurs soutiens occidentaux n’avaient compris que trop tardivement, qu’ils avaient eu tort de mépriser les peuples arabes, en croyant que leurs polices secrètes pouvaient bien les renseigner sur l’état de l’opinion et leurs miliciens pouvaient faire régner éternellement l’injustice par la terreur. [ …] Le choix de cette liste de 150 termes permet une meilleure compréhension des enjeux d’un dialogue entre les élites et les citoyens indignés qui tarde à s’amorcer. Il suffit de voir aujourd’hui dans les pays où de graves problèmes se posent comment les élites créent des politiques pour détourner l’attention des citoyens indignés, organisent de « faux débats » pour contenter le peuple, allument des contre-feux à chaque fois qu’elles sont mises en cause, maquillent la vérité ou éludent les questions, propagent des mensonges notamment dans les domaines économiques en prenant les citoyens pour de vrais incultes des questions économiques.
Tout à fait OK avec votre article : Paris est mort et (mal) mort aujourd’hui.
J’ignorais que cela ait gagné Montréal…J’y ai vécu une petite année -89/90- et en garde des souvenirs de fêtes, rencontres, happenings théâtraux et autres dans les bars de St-Denis ; pas Ste-Catherine, oh non au secours pas Ste-Catherine de mon souvenir!!!!-
Londres, hélas, suit le même chemin sinistre que Paris -alors que j’y étais fréquemment depuis mes douze ans et jusqu’en 76/77 et 78 : apothéose !
Reste Berlin, me dit-on depuis plusieurs années. Je vais tenter bien que je ne parle pas l’allemand…
Moyennement d’accord.
Mais je ne suis pas du tout d’accord avec votre catégorie d’âge. À moins de 49 ans environ, on n’est pas un baby-boomer. Les derniers boomers sont nés en 1960.
La génération X, dont une majorité a entre 40-49 ans est loin d’être aisée, endormie et pépère !
M. Loszach, un peu de rigueur SVP!
D’où tenez-vous le fait que lesdits « vieux » soient responsables du resserrement des mesures policières à l’endroit des fêtards? Pourquoi les plaintes viendraient-elles des baby-boomers, plutôt que des jeunes bobos qui s’achètent de beaux condos sur le plateau? Les pauvres sont-ils supposés accepter le bruit plus que les méchants propriétaires? Les vieux ne pissent-ils pas aussi sur la voie publique? Sont-ils excusés?
Je crains que l’argument du terrifiant vieillissement de la population ne tienne pas la route! Ne cédez pas à l’âgisme, c’est si facile…
Allez à Istanbul! L’une des villes les plus festives que j’ai vues. Y compris dans ses lieux sans alcool!