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Récit d’un attentat 100% internet

Le développement des événements survenus lors du marathon de Boston a rappelé combien les réseaux sociaux font désormais partie de la couverture de telles tragédies. Au delà des motivations politiques, on peut montrer comment cet attentat est un cas exemplaire de culture internet. Nous pouvons identifier cinq phases.

 

1 – La préparation

Il y a d’abord chez ses deux jeunes la découverte d’une mouvance radicale grâce à internet. On sait que Tamerlan Tsarnaev, le suspect qui a été tué vendredi matin par la police avait une chaîne YouTube où il rediffusait des vidéos de propagande de djihadistes. Il avait 147 abonnés… On peut aussi penser qu’il a appris à faire une bombe sur internet parce que cela n’est pas très compliqué… J’ai fait une recherche, ça m’a pris 10 minutes pour trouver via des forums Jihadiste une revue intitulée Inspire qui se présente comme le magazine numérique en anglais Al-Qaïda dans la péninsule arabe. Dans la section « Open source Jihad » qui dit-elle « offre des ressources pour faire tomber les tyrans et s’entraîner à la maison », j’ai trouvé l’article sobrement intitulé « How to Make a Bomb in the Kitchen of Your Mom » qui explique  en détail comment faire une bombe avec un autocuiseur.

Aujourd’hui NBC révèle que Dzhokhar Tsarnaev a avoué avoir appris à faire une bombe en lisant la même revue.

2- L’attentat

L’attentat en lui-même provoque une onde de choc au propre comme au figuré. C’est un moment de stupeur qui suspend pour un temps toute temporalité. Puis, les informations et les images arrivent au compte goûte sur Facebook et Twitter. Vine, l’application mobile crée par twitter et qui permet d’échanger de courte vidéo de style GIF aura connu son heure de gloire puisque les premières images animées de l’attentat auront été partagées sur cette plateforme.

 

3 – L’enquête

L’enquête commence quelques heures après le drame avec le traditionnel appel à tous des autorités afin d’obtenir des renseignements sur l’explosion. Le FBI a ainsi invité les Américains à rendre publics toutes les photos, les vidéos et autres indices qui pourraient aider l’enquête. La police a même préféré passer par Twitter, car elle savait que le message se répandrait plus vite.

C’est là que tout s’accélère d’une certaine façon : l’attentat du marathon de Boston se transforme en une immense enquête collective et ludique. À l’heure des réseaux sociaux, les gens ne veulent pas seulement aider, ils veulent désormais participer. L’enquête s’est transformée en jeu, en géant Où est Charlie.

Des milliers de détectives amateurs se sont mis mettent à chercher, derrière leur écran, le ou les auteurs des attentats grâces aux médias sociaux notamment :

Sur Flickr, on pouvait retrouver toutes les images disponibles des attentats sur la page 2013.4_boston.marathon.bombing. Il y a avait dans ce document toutes les photos rendues publiques et l’on y découvrait l’autocuiseur qui avait servie à fabriquer la bombe artisanale. Je ne suis pas spécialiste en bombe artisanale, mais c’était le même système de détonation que j’ai vu dans la revue d’Al Quaida. Cette intuition m’a depuis été confirmée par l’article de NBC.

Ces images et les évidences étaient ensuite archivées dans un immense document ouvert et partageable Google.doc. Sur le site Reddit, les enquêteurs en herbe ont lancé un appel à se regrouper sous un seul « fil » de la plateforme, baptisé « Find Boston bombers ». Pour vous dire comment on est allé loin dans l’enquête: un post sur Reddit affirmait avoir retracer un individu qui avait acheté deux autocuiseurs sur EBay, oui monsieur. Sur 4chan, le lieu de prédilection des anonymous, ces derniers se sont prêté au même exercice. Le Thread consacré à la traque recensait plus de 350 000 vues. Chose assez caractéristique de 4chan, les recherches s’orientaient principalement sur des suspects à la couleur de peau assez foncée : un Où est Charlie raciste en somme…

Et c’est là que des dérapages ont commencé :

Il y a eu les inévitables théories du complot : certains annonçaient que cet attentat était une immense mise en scène, que l’homme qui a eu les deux jambes arrachées était en fait un ancien soldat américain déjà amputé en Irak, que des Navy Seal appartenant à une compagnie privée auraient déposé les bombes, etc…

Et puis il y a eu les accusations publiques : on a pointé du doigt des gens sur des photographies de foule, on a dressé des procès publics à partir de soupçons et de préconçus souvent racistes. Ce que les médias américains appellent la « culture de la vigilance » (vigilante justice) pose de plus en plus de problèmes avec les médias sociaux parce que tout le monde devient maintenant un suspect et les suspects sont indirectement accusés.

Salah Barhoun, un adolescent de 17 ans d’origine marocaine a connu l’enfer après que certains internautes l’aient identifié comme l’auteur des attentats. Après que sa page Facebook ait circulé sur 4chan et Reddit, il est allé de lui même au commissariat pour qu’on arrête de le harceler. Il y a appris qu’il n’était même pas considéré comme un suspect par le FBI… Ne blâmons pas que les réseaux sociaux puisque le tabloïd du New York Post a lui aussi affiché la photo de Salah en première page…

4- La chasse à l’homme en direct

Services municipaux, enquêteurs, gouverneur, citoyens : tout le monde y va de son tweet de mises en garde. La ville de Boston est bouclée, les spectateurs du monde entier son autant surpris qu’inquiet devant un tel déploiement policier et militaire. Tout le monde était sur le qui-vive. La police de Cambridge finit cependant par suspendre son live-tweet de peur que le fugitif ne s’en serve.

5 – Capture et liesse

La police (Boston Police département) annonce aussitôt la capture et sa victoire sur son compte twitter : « La terreur est finie et la justice l’a emportée ». 143897 Retwets. Après la diffusion d’images de la capture, les médias inondent le public d’images de liesses populaires. Les théories du complot ne sont qu’à leurs débuts.