Je viens de visionner le dernier épisode des Francs-Tireurs, qui présente une très bonne entrevue avec Marc Séguin, l’artiste-peintre et écrivain de grande renommée. Le cinéaste Bruno Boulianne en a fait un portrait beaucoup plus prenant, proche d’un vrai tableau, dans son documentaire Bull’s eye, un peintre à l’affût.
Je suis en train de lire le dernier roman de Marc Séguin, intitulé Hollywood. Je n’aime pas ceux qui racontent l’histoire de leurs lectures, surtout si en jasant, ils sortent de la situation qui crée la trame historique pour rentrer dans les détails de l’histoire… C’est comme ceux qui racontent le film pour nous inciter à aller le voir! Shut up! Comme disait Yvon Deschamps: «on veut pas le sawoir, on veut le Woir!»
Je me contenterai donc de vous dire que l’univers de Marc Séguin est celui de l’Amérique. Comme un Will James de son temps (1), il écrit, il décrit, il dépeint la mentalité américaine, il l’incarne et la magnifie, sans négliger ou au contraire en insistant sur sa dimension ordinaire si je peux dire. Cette Amérique de la banalité du quotidien, puis celle de ses extravagances.
Je dirais que sa littérature a un côté trash, comme son œuvre en arts visuels d’ailleurs. Mais l’art de Marc Séguin s’incruste en nous, il crée des images, il habite intelligemment l’esprit, il intrigue, il fascine.
Si je dis de Marc Séguin qu’il est Américain, c’est parce qu’il s’inscrit dans le sillage de tant de Canadiens (les premiers «Canadiens» sont les Français du Canada), puis de Canadiens-français et de Québécois qui ont fait le grand saut vers les States pour tenter de réussir. Et qui ont réussi! Nos grands explorateurs qui ont découvert le continent, puis guidé Lewis and Clark vers le Pacifique, tous ces «tisserands du pouvoir» qui sont partis entre la fin du XIXe et le milieu des années 1930 vers les USA pour fuir la misère d’ici, tous ces artistes, cowboys ou beatniks, qui comme Will James ou Jack Kerouac ont contribué à créer l’imaginaire américain… Marc Séguin peut s’en réclamer, même s’il écrit en français. Après tout, les Québécois sont beaucoup plus Américains qu’ils ne le pensent, de tous temps.
Et si vous écoutez le discours assez dur que tient Marc Séguin aux Francs-Tireurs autour de ceux qui au Québec, «chient dans la gorge» de ceux qui réussissent, vous vous direz qu’il y a une colère à l’égard du refus québécois de voir plus grand. Comme si nous étions trop petits pour faire partie des grands! Comme si la condition du Québécois était une impossibilité historique ou un drame qui empêche le réel exercice de la liberté…
Que dirait Denys Arcand du discours sévère que porte Séguin sur cette culture qui glorifie ses artistes une fois morts ou en déclin plutôt que de faire comme à New York et de célébrer en grande pompe les talents du pays?
De mon côté, je ne peux pas m’empêcher de faire un lien avec ceux qui dénigrent Lisa LeBlanc en y voyant encore une illustration de notre médiocrité… Je les invite plutôt à lire cette lettre fort bien envoyée à Christian Rioux du Devoir, qui soufrerait d’hypocondrie culturelle en s’acharnant sur la petitesse de notre culture…
D’ici là, je replonge dans Hollywood et je cours me procurer La foi du braconnier.
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(1) Will James est un des écrivains qui a le plus contribué à définir la culture et l’image du Cowboy de l’Ouest. Or, il s’avère que ce mythe de l’Ouest s’appelait Ernest Dufault et qu’il a grandi au Québec avant de partir à la conquête de l’Amérique. Jacques Godbout en a fait un film: Alias Will James.
Pour un point de vue dissonnant sur Marc Séguin: http://voir.ca/olivier-lamoureux/2013/01/16/marc-seguin-l%E2%80%99art-du-paradoxe/
Jean-Félix, vous avez raison, bon nombre de Québécois participent et ont participé brillamment à construire une identité américaine. Mais il y a aussi ce fait, par exemple, qu’après la Deuxième guerre mondiale, les compagnies de disques américaines obligeaient les chanteurs québécois à enregistrer des versions françaises de succès états-uniens. Et ce, même si ces chanteurs étaient aussi des auteurs et créateurs de musique. Le chanteur québécois devenait littéralement la doublure d’un chanteur états-unien. Ça se voit encore aujourd’hui, vous savez, dans toutes sortes de domaines. Ce sont ceux que Falardeau nommait des sous-contractants … Je pense qu’il faut apprendre à faire la différence entre copie et créateur. Je ne crois pas que les Québécois démolissent systématiquement les artistes qui réussissent aux EU mais ils portent très certainement une sévère critique à ceux qui vont faire le singe chez nos voisins du sud.
Lire Normand Baillargeon sur Lisa Leblanc: http://voir.ca/normand-baillargeon/2013/01/28/lisa-leblanc-une-etrange-mai-rassurenate-familiarite/#comment-2194