Le Forum social mondial, avec sa quantité effarante d’ateliers et de conférences, commençait réellement aujourd’hui. Or, mon expérience de ce premier jour me dit que les moments forts d’un tel événement n’ont pas toujours lieu lors des conférences et ateliers, mais plutôt au détour d’une rencontre et d’une conversation. Le chaos des ateliers, les conférences annulées, l’indiscipline de l’audience m’ont déçu. Mais j’ai écouté une discussion fort intéressante entre deux Tunisiens (un prof et une étudiante) et un militant de l’extrême-gauche brésilienne qui aspire à un contre-modèle au libéralisme dominant pour tout le cône sud…
Les trois étaient des personnes passionnées et fort éloquentes. Et la discussion a pris son envol lorsque le jeune brésilien, athée, a affirmé qu’en Amérique latine, si on voulait pousser vers un changement social et politique d’envergure, il fallait dialoguer avec les personnes qui ont la foi et qui pratiquent la religion catholique ou protestante. Son respect à l’égard de ceux et celles qui croient en Dieu m’a touché. Le gars, qui avait les allures d’un Jésus marxiste, était à la fois utopiste et pragmatique. Il transperçait la sincérité.
Tout de suite, la jeune étudiante tunisienne, voilée et profondément croyante, a insisté sur le fait que le Dieu dans lequel elle croit lui a toujours inculqué un message d’entraide et de générosité envers autrui. Sa posture de gauche lui venait de sa pratique religieuse… Comme s’il y avait une forme de théologie de la libération au sein de son Islam. Chose certaine, elle insistait sur le fait qu’il y a plusieurs interprétations possibles de la religion musulmane, mais que l’entraide, la tolérance et la paix étaient au cœur du message de Mahomet. Elle aussi semblait convaincue que le véritable changement social ne pouvait passer que par le dialogue, le respect et la générosité envers ceux qui ne pensent pas comme nous. Elle semblait même prête à appuyer ces femmes qui veulent porter le niqab à l’université…
Son compatriote tunisien, professeur de langue si j’ai bien compris, a saisi la balle au bond pour surtout insister sur le nécessaire respect que l’on doit porter à l’égard de l’Islam comme religion, sans nous priver de critiquer fortement si nécessaire, certains de ses adhérents. Distinguer la religion du religieux. Départager ce qui relève de la culture islamique au sens large de l’islamisme comme idéologie politique. Il a alors donné un exemple: lorsque les médias occidentaux caricaturent (littéralement) sa religion, ils favorisent un repli identitaire qui fait le jeu des radicaux.
L’homme, modéré et résolument démocrate, était un fier pratiquant de sa religion. Mais il s’inquiétait du fait que les islamistes radicaux – les salafistes – monopolisent les différentes formes de discours cherchant à résister à l’occidentalisation, au néo-colonialisme ou à l’érosion des traditions culturelles propres à la Tunisie et au Maghreb…
Son intervention m’est apparue fort pertinente. Je dresserais même un parallèle avec tous ces partis d’extrême-droite en Europe qui ont profité du défi identitaire qui se pose aux nations devant les difficultés d’intégration des immigrants et l’érosion ressentie de la culture nationale au sein du grand ensemble européen… Devant ces grands débats complexes, les partis d’extrême-droite ont trop souvent été les seuls à se réapproprier le discours national et à répondre à cette légitime préoccupation du maintien de la culture face à la perspective homogénéisante de l’espace économique européen ou encore face au discours vide et creux du multiculturalisme…
Au Maghreb comme au Machrek, les partis islamistes ont en effet récupéré très habilement cette crainte légitime du déclin de la culture arabo-islamique en se posant comme les gardiens d’une tradition qui mérite respect et perpétuation. Or, pour repousser efficacement les formes les plus obscurantistes de l’Islam politique, il faut que d’autres forces politiques et sociales se réapproprient le grand et noble projet de la résistance culturelle face à l’occident. La volonté du monde arabe de maintenir sa culture dans le contexte d’une mondialisation qui lamine les différences est non seulement légitime, mais elle participe à rendre notre humanité commune plus riche et plus vraie. Et dans le monde arabe, la question de la préservation culturelle est indissociable de l’identité et de la pratique religieuse.
Il faut donc respecter l’Islam pour mieux repousser l’islamisme.
J’ai un petit problème avec ce qu’affirme ce professeur : Si on ne peut pas critiquer une religion, mais seulement les individus, comment peut-on par exemple faire des caricatures de l’église catholique sans être poursuivi pour blasphème. Plusieurs groupes religieux, et pas seulement des extrémistes, travaillent présentement à museler la liberté d’expression de cette manière. On doit dénoncer les individus, j’en conviens, mais quand une organisation dérape, il faut aussi pouvoir la critiquer afin qu’elle évolue. Si une institution ne peut être critiquée, on risque fort le totalitarisme…
Je conviens que l’on puisse très bien critiquer le Vatican sans dénigrer complètement le catholicisme ou encore le christianisme. Voilà. Les écoles théologiques qui dérapent ou les courants religieux liberticides doivent dénoncés. Mais les religions doivent être respectées.
Monsieur Chénier, le problème plus complexe que cela. En 2011, une résolution fut présentée aux Nations Unies afin de prévenir le blasphème. Cette résolution, poussée par le Pakistan, aurait interdit toute forme de critique de la religion, comme celle complètement idiote du pasteur Jones aux États-Unis qui brûlait des copies du Coran, jusqu’aux caricatures publiées dans les journaux. Et dites-vous que les Musulmans ne sont pas seuls dans ce bateau. Le pasteur Jones serait le premier à vouloir exécuter une personne brûlant la Bible, et des caricatures comme celle-ci, http://25.media.tumblr.com/tumblr_m6l0syhrRM1rpmnpso1_500.jpg , serait passible de poursuites… Le respect doit toujours faire partie du dialogue entre les personnes et les groupes de tout acabit, mais le risq
je poursuis, le risque est de faire taire toute critique et toute évolution si on exige le respect automatique d’une religion, peu importe les gestes posés par ses croyants. Et je suis un croyant, doublé d’un théologien.
Et vous marchez sur des oeufs à nous raconter tout ça d’où vous êtes en ce moment, Monsieur Chénier.
Je commenterai lorsque vous serez revenu…
» Mais les religions doivent être respectées »
(1)
le respect va commencer quand on va respecter la liberte de conscience des enfants.
Sans liberte de choisir veritablement une religion ou la non croyance il n’existe pas de veritable liberte d’expression religieuse.
That it that all.
(2)
« faut aussi pouvoir la critiquer afin qu’elle évolue »
La critique est legitime point … pas parce qu’elle vise a faire « evoluer » ceci ou cela.
Le point c’est comme non croyant nous n’avons pas a respecter les dogmes et croyances et on meme le droit dans la limite de nos chartes de les trouver ridicules au meme titre que n’importe quel comportement de citoyen.
That is that all.
(3)
« En 2011, une résolution fut présentée aux Nations Unies afin de prévenir le blasphème »
C’est en « background » ici et je dirais un gros non a mettre dans un quelconque code, dans une resolution ou meme dans une netiquette la notion de blaspheme.
Que les croyants s’imposent se qu’ils veulent … chastete ou a l’oppose partouze … je m’en calisse … tant qu’eux et leurs dieux respectent nos codes a nous et par la meme occasion
pourrait reflechir a respecter la liberte de conscience des enfants.
(4)
« Le respect doit toujours faire partie du dialogue entre les personnes »
Quand on decrete la verite … venu de dieu directement ou par l’entreprise d’un temoignage mystique quelconque aussi farfelue les uns que les autres … il n’y a pas de dialogue possible.
On s’incrit dans une demarche qui exclus le dialogue et ne laisse place qu’a un simulacre de dialogue non croyant-croyant qui moi m’interesse pas.
La seule possibilite de dialogue et meme encore ca donne lieu a de nouvelles eglises, des schismes, des sectes … c’est l’exegese par les croyants des differentes interpretations a donner a ces differents temoignages mystiques et le bouquin qui souvent vient avec.
Mais plusieurs confession religieuses refusent meme ce dialogue « intra » et on opte pour une lecture litterale.
Pour ma part le seul dialogue qui me fait pas perdre mon temps c’est le dialogue avec les dieux de type pantheisme qui sont partout, nulle part et qui intereagissent avec rien …. et qui sont habituellement assez silencieux et d’une bonne ecoute …
(5)
« qui lamine les différences est non seulement légitime, mais elle participe à rendre notre humanité commune plus riche et plus vraie »
le genre de bullshit qu’on repete quand on veut pas avoir des gros yeux des anthropologues ou qui fait pas trop de vague dans un salon …
La rhetorique de plus de dieux et de croyances = une humanite plus riche
J’achete pas ca …
Une humanite avec plus de science, une education plus accessible a tous, exploration spatiale, litterature …
C’est ca qui rend le monde riche …
Pas combien de fois un dieu x nous dit de prier par jour …
(6)
Et pour finir comme athee …
Moi je soutiens pas simplement l’inexistence et la fabulation ici et la ….
Je plaide pour l’inutilite meme s’ils existaient des differents dieux … …
Aucun d’entre eux et leur livre n’est interessant au point de vue de la litterature, de la science, du vivre ensemble et du juridique ils n’ont rien a me dire qui m’interesse.
J’accepterai de bon coeur d’aller dans l’enfer de leur choix.
Attention de ne pas confondre mon propos. Celui-ci adoptait une posture conséquentialiste: pour mieux lutter contre l’obscurantisme islamiste qui gagne du terrain en Tunisie (et ailleurs), il ne faut pas tenir un discours radical anti-religieux, du moins dans ces pays qui voient les barbus profiter du discours hostile à la religion en se présentant comme les gardiens de la préservation culturelle… Voilà. C’est tout. Je suis très critique à l’égard de toutes les religions, surtout lorsqu’elles instrumentalisent la spiritualité pour implanter leur idéologie mysogine et anti-démocratique. Mais en Tunisie, les radicaux profitent de la rhétorique anti-religieuse. Il faut en tenir compte si on veut qu’ils retraitent dans leur projet de réislamiser le pays…
Je rajouterais une dernière chose qui semble émailler le discours hostile à l’islam chez nous, soit une absence de distinction entre: l’islam, religion polymorphe, éclatée, fort décentralisée et diverse. Et l’islamisme, cette idéologie politique qui se sert de la référence religieuse pour faire avancer son projet politique réactionnaire et la plupart du temps dangereux…
Autre exemple de ceux et celles qui confondent la nécessaire critique avec le non-nécessaire et nuisible dénigrement: http://voir.ca/cyberboom/2013/05/24/lise-ravary-et-lesprit-critique/