Je viens de terminer une lecture que je suggère à tout le monde: Les tranchées, de Fanny Britt, publié par les éditions de la revue Nouveau projet. J’avais adoré la publication précédente de la même série, soit Le sel de la terre de Samuel Archibald.
Cette fois-ci, l’auteure nous amène dans une réflexion et un dialogue sur l’identité féminine, la maternité (ou non), le féminisme et les tiraillements qui semblent constants chez de nombreuses femmes entre volonté de construire son identité à soi et sa carrière et appel de la maternité qui implique un sacrifice ou une mise entre parenthèses de plusieurs aspirations personnelles.
Je ne veux pas déformer ni dévoiler le propos de Fanny Britt, mais je constate qu’elle réussit non seulement à proposer une réflexion fort intéressante à partir de son parcours et de celui de quelques-unes de ses amies et relations, mais qu’elle réussit aussi pour l’homme que je suis à identifier ce que j’ai souvent perçu chez ma blonde depuis qu’elle est mère (nous avons trois enfants), à savoir «l’amour submergeant et tyrannique» de la maternité. Cet amour que l’on a voulu, désiré, qu’on ne regrette pas, mais qui fait naître toute une série d’angoisses, de sentiments de culpabilité et de questionnements. Comme père, je me suis bien sûr reconnu dans ces angoisses, mais j’ai surtout pris conscience plus clairement du statut particulier et incomparable de la femme, de la mère…
Le corps de la femme enceinte comme celui de la femme qui vient d’accoucher devient une sorte de chose publique. Il y a tout un discours médiatique sur les comportements à adopter pour bébé et sur les actions et pratiques pour être considérée comme une «bonne mère». Dans cette optique, Catherine Chouinard et Chantal Bayard viennent de publier un livre portant sur le discours public autour de l’allaitement. Comme chaque accouchement, chaque expérience d’allaitement est différente et il est nuisible de développer comme nous l’avons fait depuis quelques années un discours culpabilisant et univoque sur l’absolue nécessité d’allaiter. Cela vient ajouter une couche sur toutes les injonctions et modèles que la femme doit adopter. Bien sûr que l’allaitement devrait être l’option privilégiée, mais celles qui n’allaitent pas, pour toutes sortes de raisons, ne devraient pas être considérées comme des parias… Fanny Britt nous entretient de tous ces «modèles» imposés ou véhiculés, de toutes ces superwowen qui finissent par créer une pression immense sur les femmes et qui nuisent à leur plein épanouissement.
Les hommes ne sont pas confrontés à ces exigences de la même façon. On me dira qu’ils ne s’imposent pas eux-mêmes de telles pressions. C’est vrai, mais je répondrai que la société dans son ensemble n’exige pas que l’homme mette de côté sa vie et ses projets pour s’occuper des enfants. Fanny Britt souligne qu’on questionne toujours une «femme de carrière» sur comment elle concilie son travail avec les exigences de la vie familiale. Rarement pose-t-on la même question aux hommes.
De quoi ont besoin les mères? D’un discours public qui accepterait toute la diversité des femmes (même celles qui n’ont pas d’enfants). De conjoints qui s’impliquent davantage dans les tâches familiales. Elles auraient besoin qu’on les appuie dans leurs choix. Qu’on ne juge pas leurs ambiguïtés et leurs paradoxes. Qu’on laisse leur intuition les guider.
Je dirais en tout cas que tout amoureux (ou aspirant) devrait lire Les tranchées de Fanny Britt. C’est une sorte d’incursion dans l’univers féminin. Et ça contribuerait peut-être à faire en sorte que plus d’hommes (et de femmes) se disent féministes!
À lire et à méditer.
bonne suggestion de lecture.
Son grand-père- définissant quelqu’un qui » s’éparpille « :
Jack of all trades , king of nothing .
j’ajouterais : » master of none «