On annonçait cette semaine la venue prochaine sur l’île de Montréal d’un nouveau temple du consumérisme, le Royalmount (aussi appelé 15-40, parce que situé aux intersections des deux autoroutes). Un autre éléphant imbécile en devenir qui dévitalisera encore plus le reste de la ville, peut-être même son cœur battant que l’on cherche à réanimer: la Ste-Catherine.
Je regardais hier sur l’extraordinaire site de l’ONF, un documentaire sur le quartier Griffintown, datant des années 1970. On y voit le professeur Joseph Baker, architecte et urbaniste associé à l’université McGill et un de ses étudiants-chercheurs, nous proposer un tour guidé de ce quartier en processus d’autodestruction, délaissé par la ville, dans lequel réside pourtant encore des dizaines de familles dépourvues, dans un quartier zoné industriel, comme si elles étaient une nuisance. Ce très beau portrait d’un professeur d’université au service de la communauté dans laquelle il s’investit directement, en jouant le rôle d’un animateur social à l’écoute et en appui aux forces vives du milieu, mériterait d’être mijoté par nos élites actuelles, tant celles au sein des universités que celles au pouvoir… Le prof Baker a installé ses bureaux dans le quartier. Il documente, consulte et écoute les gens du milieu. Il réclame des logements sociaux et propose des projets qui seraient encore pertinents aujourd’hui, presque 50 ans plus tard…
Le professeur Baker et son étudiant, tous deux anglophones, parlent d’ailleurs un excellent français. Les gens (prononcez «gensse») dans le film, issus d’un milieu ouvrier modeste, manifestent également une excellente maîtrise de la langue française et en plus, chose rare, le français semble même être la langue commune entre les anglos et les francos!
On voit dans le film aussi un responsable de l’urbanisme pour la ville de Montréal. Un homme lucide, franc, articulé, qui avait alors un plan intéressant pour éviter le déclin rapide de ce quartier qui ne s’est pas encore relevé de son déclin en 2015. La ville de Montréal ne pense pas son territoire. Sans doute parce que les élus et décideurs ne sillonnent pas assez ses rues. Ils ne voient pas les erreurs de planification, ils ne constatent pas les oublis et négligences, ils méprisent l’intelligence et la connaissance du territoire que les citoyens ont et dont ils font usage quotidiennement.
Donc, quand je dis «architectes, dans la rue», ce que je veux, c’est qu’on prenne le mot architecte dans son acception la plus large: celle de créateurs, d’inventeurs, de penseurs et de bâtisseurs de la nouvelle ville qu’on pourrait avoir. Et de la faire! Quand je dis «architectes, dans la rue», je pense aussi aux étudiants qui depuis 2012, sont devenus des architectes de l’espoir. Un espoir pour un monde plus juste, un espoir d’un monde plus démocratique, libéré de sa dépendance outrancière et dangereuse au pétrole et à la consommation. Nous pouvons nous remobiliser et devenir ces architectes de plus beaux lendemains.
Depuis trop longtemps à Montréal et au Québec, nous sommes à genoux devant les promoteurs de toutes sortes. Il est temps de redonner à nos pouvoirs publics une expertise qui sera la leur. La ville de Montréal et le Ministère des transports devraient devenir les principaux employeurs des divers experts issus de nos universités québécoises pour repenser la façon que nous avons de développer notre territoire.
On est écœurés de la non-planification et des actions contradictoires des divers paliers de gouvernements, de la concurrence déloyale des banlieues ou villes non-fusionnées, de la vision caduque et inféodée au mode de vie pétrolier favorisée par nos gouvernements. Le pipeline Énergie-Est, le Plan nord, le complexe 15-40 et tant d’autres exemples de la plus grande à la plus petite échelle de notre territoire, participent tous à cette fuite en avant que nous offrent nos décideurs politiques de Montréal à Ottawa en passant par Québec.
Je propose que l’on prenne exemple sur le prof Baker dans le film Griffintown et que l’on deviennent des architectes dans la rue.
https://www.onf.ca/film/griffintown
Quelques liens à consulter en lien avec ce sujet:
1- http://www.monprojetmontreal.org/quinze40?recruiter_id=31996
2- http://blogue.onf.ca/blogue/2015/05/21/montreal-dhier-aujourdhui-films-onf/
Alain Dubuc, la prima donna de La Presse a tout réglé ça en 2 tours de gueule .
Une autre raison d’espérer que les architectes se mobilisent: pour défendre notre patrimoine! http://www.ledevoir.com/politique/quebec/440912/patrimoine-quebecois-urgence
Fred Kent en rajoute en suggérant que les spécialistes fassent confiance aux gens de la rue: http://journalmetro.com/actualites/montreal/783618/fred-kent-lexpert-cest-la-communaute/
Cette entrevue publiée dans Le Devoir est bcp plus riche: http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/441215/fred-kent-le-pape-de-l-urbanisme-citoyen
Jean-Claude Marsan dénonce lui aussi l’aplaventrisme de nos pouvoirs publics devant les promoteurs… http://www.ledevoir.com/politique/montreal/441505/point-chaud