Lori St-Martin et et Paul Gagné viennent de publier chez Boréal de nouvelles traductions de l’oeuvre du controversé Mordecai Richler. Je viens de me taper avec passion et circonspection Le monde selon Barney, publié une première fois en anglais en 1997, dans la période post-référendaire. Cette époque était fertile pour que le traditionnel mépris pour les Canadiens-français et particulièrement pour les nationalistes québécois puisse à nouveau se répandre, puisque les déclarations malhabiles de Parizeau et les lendemains difficiles d’une énième défaite de la cause québécoise permettaient à ce mépris de se donner de nouvelles lettres de noblesses, en mettant de côté le fait que les anglo-québécois sont sans aucun doute la minorité la mieux traitée dans le monde démocratique…
J’ai donc lu avec un peu de distance au départ cette oeuvre supposément magistrale de Richler, l’écrivain qui haïssait le Québec français. Or, ce salaud a réussit à me happer. Mordecai Richler a légué avec Barney un Grand Roman. Un personnage d’écrivain alcoolique paumé et quelque peu pathétique, comme celui de Karoo sur lequel je vous ai déjà entretenu, mais cette fois, le mépris et la critique acerbe de l’auteur est dirigé contre la rapinerie des Juifs, la vacuité culturelle du Canada anglais et l’étroitesse d’esprit (à ses yeux) des nationalistes québécois. Richler tire sur tout le monde, pas seulement sur le Québec français! Et il le fait avec talent, drôleries et tendresse! Derrière le cynisme ambiant et le côté impitoyable du personnage de l’écrivain que l’on imagine comme l’alter ego de Richler, on sent un homme plein d’humanité qui aime malgré tout Montréal et même le Québec…
Il est à noter que la traduction est fort réussie et nous découvrons que Richler parsemait beaucoup son écriture d’expressions en français dans le texte original (passages identifiés dans la traduction en italiques suivis d’un *). Mordecai Richler mérite que l’on se réconcilie avec son écriture. L’homme public était souvent odieux et mal barré, mais l’écrivain avait clairement un talent brut qui mérite que l’on revienne à son oeuvre…
Je me disais ça ce matin en apprenant la mort de Ruth Wilensky, femme de Moe, couple qui produisait ce fameux sandwich pressé au Salami de boeuf + moutarde que l’on achète avec un cherry coke sur Fairmount à Montréal, et dont Mordecai Richler parlait dans L’apprentissage de Duddy Kravitz. Comme le special Wilensky, Mordecai Richler est plus raffiné et intéressant qu’il en avait l’air… Et derrière ce juif en apparence fermé à l’évolution du Québec, il y a sans doute quelque chose comme une part essentielle de nous…
bene amat bene castigat .
J’aime bien cette rétrospective
Maurice Richard, notre plus grand joueur de hockey, et déclencheur méprisé de nos élites de la Révolution Tranquille, est très présent dans l’oeuvre de Richler. « The Rocket » comme le nomme l’écrivain, « un artiste, au fond, que ça lui plaise ou non », l’Acadien émigré en ville est même un peu son double, quand Richler le nomme aussi comme son « Canadian » modèle. Je cite un peu at large, mais faut aller lire ça en profondeur et en détail dans l’essai de Benoît Melançon consacré à Richler. Encore plus aujourd’hui alors que de grossiers amalgames se font dans Outremont à propos de la couleur des autobus scolaires qui amènent les enfants hassidiques à l’école…
Et le décès de madame Wilensky me ramène aussi un autre restaurant sur la rue Bernard, « Lester’s », et son smoked meat fameux. Mais aussi, sur les murs de ce resto, des artefacts d’objets et d’ustensiles de cuisine remontant parfois cent ans dans notre histoire culinaire, la québécoise y incluse.
Et le grand père maternel de Leonard Cohen était rabbin!
Va falloir faire très attention. Notre antisémitisme est bien réel. Il a tendance à se manifester quand on s’y attend le moins. Et ce sont nos purs laine qui s’en chargent. Le populisme, ici, n’y est pas le seul vecteur. Outremont, où je suis né, c’est pas Hochelag’, et les signataires de la pétition en faveur du boycott d’Israël, des universitaires québécois, surtout, me donnent un peu raison d’avoir défroqué des hautes écoles et de leurs littérateurs mal « élévés »…
Richler n’était pas aimé des siens, leurs identitaires, non plus, et voilà ce qui nous montre, nous Québécois, ni plus fins et parfois aussi bêtes que nos frères et sœurs juifs!
*correction: …mal élevés. (maudits accents!)
Le titre de l’ouvrage de Benoît Melançon où il est question de Richard: « L’oreille tendue »
monsieur Bourbonnais,
à 85 ans , j’ai un processus assez lent et j’essaie de vous suivre:
1- » Maurice Richard, déclencheur méprisé de nos élites de la Révolution Tranquille » ??
2. » L’Acadien émigré ? «
Onésime Richard, père du Rocket, a travaillé 40 ans aux les usines Angus, dans l’est de Montréal. Les Richard sont arrivés en ville après la guerre. Ils venaient de Gaspésie et du Nouveau Brunswick. Ils étaient Acadiens. On en trouve encore beaucoup aux Îles-de-la Madeleine.
Et certaines grandes trompettes de nos élites dans les médias se sont opposées avec fureur quand un député fédéral a suggéré que le nouveau pont Champlain soit renommé le pont Maurice Richard. Considérant les ratés dans sa construction, il en est peut-être mieux ainsi. Le Rocket scorait pas ses meilleurs buts dans des flets déserts…
je me sens moins niaiseux, Merci