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Oslo, retour sur des espoirs brisés

Je suis allé voir la pièce Oslo, de J.T. Rogers, à la compagnie Jean-Duceppe. La pièce raconte dans le menu détail les négociations secrètes qui se sont tenues à Oslo, au courant de l’année 1993, entre certains responsables palestiniens de l’organisation de libération de la Palestine (OLP) et des intellectuels israéliens. Ces tractations, ultimement parrainées par le ministère des affaires étrangères de la Norvège, ont fini par attirer dans leur sillage des officiels israéliens et ont débouché sur un premier accord de principe officialisé et signé en grandes pompes à Washington le 13 septembre 1993. On y voyait Yasser Arafat, le leader historique de la cause palestinienne, serrer la main du premier ministre d’Israël, Yitzhak Rabin et du ministre des affaires étrangères israélien de l’époque, Shimon Perez, tous entourés d’un Bill Clinton enthousiaste, qui récupérait tout le prestige d’un travail de terrain mené par une puissance modeste, la Norvège.

La pièce est fort intéressante, divertissante, parfois drôle, et elle offre une rare incursion, dans le détail, de ces négociations historiques originales: en tenant des négociations secrètes, on diminuait la pression sur les acteurs, puisque l’éventualité d’un échec ne les affaibliraient pas… De plus, les diplomates norvégiens de l’époque ont créé des conditions favorables au dialogue: environnement agréable, bonne bouffe, alcool, service hors-pair et posture originale, puisque les rencontres portaient aussi sur des sujets personnels, sur la vie et le parcours de chacun des adversaires ici en cause. En découvrant leur humanité commune, les belligérants se sont alors ouverts au dialogue…

On le sait, la stratégie des petits pas d’Oslo n’a finalement pas marché. En 1995, Yitzhak Rabin a été assassiné par un de ses propres citoyens pour avoir signé un premier accord devant mener à la paix. Et la violence, la colonisation des territoires palestiniens par Israël, la mauvaise foi, les écarts entre cette «paix de papier» et la réalité sur le terrain ont fini d’achever cette période d’espoir…

Alors, pourquoi revenir sur cet échec? D’abord pour nous rappeler que des adversaires inextricables peuvent, si on y met un réel effort, amorcer un dialogue et s’entendre sur certains points: ce fut alors la reconnaissance mutuelle entre Israël et l’OLP et l’accord Gaza et Jéricho d’abord qui consignait une autonomie palestinienne dans ces deux petits territoires sous occupation. Une autorité palestinienne naissait. En attente d’un véritable État avec continuité territoriale et Jérusalem comme capitale conjointe… J’étais en Israël et en Palestine en 1994, quelques mois après cette poignée de main historique photographiée dans la roseraie de la Maison Blanche. J’y ai vu un des premiers défilés de la police palestinienne, en uniformes bigarrés avec le drapeau palestinien qui flottait sur des Jeep en piteux état. La ville de Jéricho était alors une ville «libérée» de l’occupation et on envisageait que par étapes, d’autres villes palestiniennes de Cisjordanie allaient tomber sous souveraineté palestinienne.

25 ans plus tard, le conflit israélo-palestinien semble plus bloqué que jamais. Le gouvernement actuel d’Israël est sans doute le gouvernement le plus intransigeant et le plus radical de l’histoire de ce pays. Il s’est engagé dans un processus de déshumanisation du peuple palestinien et il poursuit, par la colonisation des territoires, un travail de conquête coloniale sans pareil actuellement sur la planète, au mépris du Droit international. Il n’est malheureusement pas exagéré de comparer les politiques actuelles de l’État d’Israël avec le régime d’apartheid qui a été implanté en Afrique du Sud entre 1948 et 1994…

Le blocage est donc total. Et «l’arbitre américain» a plus que jamais perdu sa crédibilité. Pourquoi ne pas envisager alors qu’une puissance modeste puisse à nouveau chercher à créer les conditions d’une désescalade? Ironiquement, j’ai déjà lancé cet appel à Justin Trudeau au lendemain de son élection. Je savais que je prêchais alors dans le désert (sic). On le voit avec les sables bitumineux et le spectre des changements climatiques, Justin Trudeau n’opérera aucun changement, sinon que dans les apparences: en apparence, il affirme que «le Canada est de retour» sur la scène internationale. En apparence, il nous parle de politiques environnementales. En apparence, il affiche une certaine humanité envers le drame perpétuel qui s’abat sur le peuple palestinien. Mais dans les faits, Justin Trudeau nous enfonce des oléoducs et des pipelines dans le cul avec nos taxes et poursuit une politique de complaisance envers le projet politique agressif et inhumain du gouvernement actuel d’Israël…

Quel pays osera reprendre les paroles de Nelligan et affirmer: «Je suis la nouvelle Norvège» ?