Coupures au CALQ : Des miettes dans les miettes
Suite à l’annonce de coupures de 2,5 millions de dollars dans le budget du Conseil des arts et lettres du Québec, plus tôt cette semaine, plusieurs organismes ont réagi fortement en dénonçant ce sabrage dans le financement aux projets artistiques. Parmi eux, Diversité artistique Montréal, organisme qui, depuis 2006, «a pour mission de promouvoir la diversité culturelle dans les arts et la culture en favorisant la reconnaissance et l’inclusion de tous les artistes et des pratiques artistiques dans les réseaux professionnels, les institutions culturelles et les circuits de diffusion à Montréal».
Quelle drôle de fête nationale pour tous les artistes et travailleurs culturels qui ont transmis mardi 23 juin, par leurs talents et leur engagement, cette étincelle d’espoir, de solidarité et de bien-être fort réconfortants dans des temps moroses de compressions, d’austérité et de rigueur budgétaire. Car voilà que l’après-midi même, on vient de leur annoncer que leur principale institution subventionnaire au Québec, le CALQ, est coupée de 2,5 millions de dollars pour « contribuer à l’effort budgétaire gouvernemental » a annoncé le ministère de la Culture et des Communications. S’il est annoncé que les artistes et les organismes de création ne seront pas touchés, qui le sera? Qu’importe où elles tombent, les coupes seront inévitablement dommageables pour la vitalité du milieu des arts, et pour les artistes par répercussion.
C’est un comble, à plusieurs égards.
C’est un comble parce qu’il est difficile de croire qu’on coupe des miettes dans des miettes, le budget de la culture étant le plus petit budget de ce gouvernement qui, malgré tout, continue de clamer toute l’importance des arts et de la culture dans notre société. Discours vide ou mythomanie ?
C’est un comble parce que la majorité des artistes connaissent une situation financière difficile, précaire et en constante détérioration ; couper dans les organismes qui les soutiennent ne fera que les fragiliser davantage. En bout de ligne, le milieu culturel – et les artistes au premier chef – seront laissés pour compte, alors même qu’on capitalise des millions de dollars sur la laine de leur dos en proclamant Montréal ville mondiale des festivals et de la créativité artistique.
C’est un comble parce qu’il est à croire que cet art de vivre brandi haut et fort, encore capable de rassembler les Québécois, saura perdurer de lui-même malgré les coups assénés dans les budgets.
C’est un comble parce que comme tout bonimenteur politique, madame David, Ministre de la Culture et des Communications, avait promis lors de l’adoption du dernier budget que le CALQ ne serait pas coupé. Alors que le CALQ travaille fort depuis l’automne 2013 à redéfinir des façons de soutenir plus pertinemment les acteurs du milieu et de s’adapter toujours mieux à un monde en mutation, il est d’autant plus regrettable de le voir coupé dans son élan et son ambition.
C’est enfin un comble parce que tous les travailleurs culturels et les artistes font des heures et des heures de travail sous payées, que les organismes artistiques et culturels se battent chaque jour pour survivre financièrement mais surtout pour préserver des valeurs fondamentales essentielles au bien fondé d’une société qui se veut (et se dit) libre et riche de culture alors que sur le terrain, ses gouvernements respectifs sont incapables d’assurer à l’ensemble de ces personnes et organismes des conditions de travail décentes et respectables, des horizons qui pourraient laisser croire réellement que les arts et la culture, ça vaut plus que quelques miettes de 2,5 millions coupées sans scrupule…
Diversité artistique Montréal (DAM) s’indigne donc face à cette énième coupure qui ne remettra probablement pas le monde à l’endroit, tout comme aucune mesure d’austérité avant elle n’a réellement pu le faire.
J’ai créé il y a quelque jours une alerte Google dans l’espoir d’obtenir des informations plus détaillées sur la coupure en question. Ce matin, une lettre de l’UNEQ dans Le Devoir précisait qu’une commande spécifique de 550,000$ visait les organismes de concertation. J’espérais en apprendre encore un peu avec votre texte, étant donné que le gouvernement n’a pas cru nécessaire de justifier la pertinence de ce nouveau geste dont le premier défaut, quant à moi, est de se présenter sous les espèces de « mesures administratives » alors que leurs impacts sont nécessairement politiques, qu’ils mettent en cause des décisions et des orientations privilégiées par le législateur au nom du peuple.
Désolé de le dire un peu brutalement, mais votre appel à ces bons sentiments que devraient nous inspirer la préservation des arts, de la culture et des conditions d’existence des créateurs ne me convainc de rien du tout. Je suis déjà convaincu. Mais ne suis pas disposé à juger de l’à-propos des gestes posés par le gouvernement sur ces seules bases de même que je ne suis pas gagné à l’argumentaire gouvernemental à l’appui de ses politiques dites de « rigueur budgétaire ».
À ceux qui nous administrent bien plus qu’ils ne nous gouvernent comme à ceux qui réclament notre appui quand leurs poches sont vides, le citoyen que je suis, peu sensible aux effets rhétoriques d’usage, demande à voir. Si le Calq a eu des commandes et qu’ils vous les a relayées, quelles sont-elles? Quelles en seront concrètement les effets? J’ai besoin de cela pour me faire une tête sur l’équité relative des efforts exigés dans toutes les missions. Autrement, je suspendrai mon jugement aussi haut que les généralités convenues qu’on voudra bien me servir.