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Et c’est reparti…

 

Et voilà, c’est reparti…

Lundi, 28 mai, la FECQ, la CLASSE, la FEUQ et la TACEQ sont convoquées pour une rencontre avec la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, pour ce qui sera, sans aucun doute, la dernière et ultime tentative de négocier cette fameuse «sortie de crise» après plus de trois mois de grève étudiante, au moins 2 000 arrestations, des blessés dont on demeure sans nouvelles, des centaines de manifs et des sessions précédentes de négociation torpillées à chaque coup par le gouvernement lui-même.

 

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Pour un gouvernement qui, pour des raisons aussi électoralistes qu’idéologiques,  n’a JAMAIS vraiment voulu régler ce conflit dans la conciliation quant à l’objet même de la grève, soit la hausse des frais de scolarité, le vent a tourné et lui colle dorénavant le dos au mur très solidement.

Électoralement, l’entêtement du gouvernement et l’adoption de sa loi 78 ont fait leur oeuvre.  Le PLQ en paie maintenant un prix évident dans les sondages les plus récents. Le rapport de force, il l’a bel et bien échappé.

Or, dans les faits, ce «vent», il monte lentement, mais sûrement depuis des semaines.

Ce vent, c’est une mobilisation étudiante qui ne s’est jamais démentie depuis le début.

Ce dimanche, en point de presse, l’ancien premier ministre Jacques Parizeau, en conférence à l’Université Laval dans le cadre des États généraux sur la souveraineté, disait ne tout simplement pas en revenir de voir un gouvernement laisser pourrir un conflit pendant plus de trois mois.

Mais surtout, il disait sentir «à l’heure actuelle un extraordinaire réveil d’une génération»… Ce qui, tout en traçant un lien avec les mouvements «Occupy»  et des Indignés, n’irait pas non plus sans rappeler les débuts de la Révolution tranquille.

Très vrai. Leurs appuis, rappelons-le aussi, ce mouvement les puise dans toutes les générations.

Ayant couvert moi-même plusieurs des manifestations et encore tout récemment, quelques sessions de «casseroles», autant à Montréal que sur la Rive Sud, la colère, ce constat saute immédiatement aux yeux.

Ce vent qui monte depuis des semaines, ce sont ces manifestations quotidiennes et dont les rangs sont de plus en plus nombreux, déterminés et diversifiés.

En fait, cette colère, elle monte sourdement contre le gouvernement Charest depuis 2009 alors que s’accumulaient déjà des d’allégations de collusion, de corruption et de copinage, lesquelles n’ont jamais cessé depuis.

Ce vent, c’est cette colère maintenant décuplée par l’adoption de la loi 78 dont le but politique réel était de restreindre les libertés les plus fondamentales des Québécois: celles d’expression, d’association et de réunion pacifique. Une colère qui n’en revient pas des arrestations massives de la dernière semaine.

Surtout, une colère qui se «casserole» bruyamment et pacifiquement tous les soirs, à 20h00, à travers le Québec. Ce mouvement de désobéissance civile lancé par François-Olivier Chené, professeur de science po au cégep de St-Hyacinthe vient rappeler au ministre de la Justice qu’il désinforme vertement et sciemment les Québécois lorsqu’ils leur dit, faussement, que la désobéissance civile, c’est du «vandalisme»…

Ce vent, ce sont des centaines de juristes qui, lundi soir, tiendront à Montréal une marche «togée» silencieuse contre cette loi 78 tout simplement honteuse. Une loi qui, de manière pourtant tout à fait prévisible, fut décriée sur toutes les tribunes et est contestée devant les tribunaux.

Ce vent, c’est ce professeur de philosophie, qui, revêtu de son costume de Panda et parfaitement conscient du danger réel de brutalité policière, accompagne les étudiants en grève dans les manifs. Ce faisant, il  illustre parfaitement comment face à un gouvernement fermé, on peut se faire aussi subversif, dans le sens noble du terme, que pédagogue et pacifique. Comme en témoigne, ici, une des nombreuses vidéos qui circulent sur le web.

Pour écouter l’entrevue qu’il accordait à l’émission «Dessine-moi un dimanche», c’est ici, autour de 8 minutes.

 

 

AnarchoPanda – comme il est maintenant connu jusque dans la presse internationale  – il a même dorénavant sa propre page Wikipédia -, marque aussi l’intelligence, la créativité et la solidarité qui caractérisent ce mouvement sans précédent au Québec.

Et, en effet, ce vent, c’est aussi une couverture internationale aussi critique du  gouvernement Charest dans ce conflit qu’elle s’est faite admirative d’un mouvement étudiant vu comme étant imaginatif, volontaire, politisé, mobilisé, informé et conscient des enjeux.

Des enjeux qui, indépendamment de la nature réelle du dénouement éventuel de cette grève – car n’est encore réglé -,  finiront par transcender cette dernière à plus long terme puisque dans les faits, ce mouvement s’inscrit aussi dans une prise de conscience plus large des iniquités croissantes du néolibéralisme ambiant .

Finalement, le seul vrai «dégel» qu’aura provoqué Jean Charest dans les trois derniers mois,  c’est celui de la parole citoyenne…

Bref, la «rue» que certains puissants se plaisent tant à dénigrer parce qu’elle les confronte à leur propre mépris de la population, de nombreux citoyens l’ont reprise avec fierté pour s’y exprimer. Haut et fort.

Une première au Québec depuis des lustres…

Et donc,  ironiquement, alors que son propre entêtement, sa loi 78 et la mobilisation citoyenne sans précédent ont poussé ce gouvernement dans les câbles, voilà que même le milieu des affaires – soit un des critiques les plus virulents du mouvement étudiant – le presse maintenant de trouver pronto une solution au conflit. Question de sauver jusqu’aux festivals des conséquences que pourrait avoir sur leurs affaires une grève qui perdurerait jusqu’à l’automne…

Et lorsque le milieu des affaires parle, le gouvernement, habituellement, écoute.

Bref,  le premier ministre n’a plus le choix. La pression est devenue intenable et sa loi 78, contestée pour cause d’inconstitutionnalité flagrante, mérite l’abrogation, pure et simple.

Bref,  il s’est condamné lui-même à devoir trouver maintenant un terrain d’entente avec les associations étudiantes.

Sinon, les conséquences politiques et économiques cumulées seront telles, que son parti, avec ou sans lui, risque fort d’en être tenu directement responsable par une partie substantielle de la population lors de la prochaine élection générale.

À suivre…

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Dernière heure (en ajout à ce billet, plus tard, dimanche soir):

Plus tard en soirée, dimanche, (via @LauraBeeston) sur twitter, on apprenait que ce 30 mai, les fameuses «casseroles» se feraient même entendre a mari usque ad mare.

Et pas seulement contre la hausse des frais de scolarité au Québec, la loi 78 et le gouvernement Charest… mais aussi contre le gouvernement Harper – la filiation idéologique entre les deux à certains égards étant ce qu’elle est…