Pendant mes années universitaires, je co-animais une émission humoristique à choq.fm du nom de La vie…pis toute. Mathieu Charlebois (collègue que j’estime infiniment) et moi-même rencontrions souvent une embuche radiophonique: bien que nous étions capables de trouver des situations loufoques, des répliques humoristiques et des actions comiques, nous étions régulièrement troublés par la fin de nos sketchs: comment, au juste, les terminer?
Sans me comparer à ces géants de l’humour, je m’inspire beaucoup de Monty Python, des idoles pour moi à bien des égards. Ceux-ci avaient contourné le problème de la fin de leurs sketchs de manière bien originale: soit la caméra suivait un personnage (animé par Terry Gilliam ou non) pour atterrir en plein milieu d’un autre sketch, soit un policier sérieux interprété par Graham Chapman venait interrompre la situation en constatant que tout ceci était bien trop loufoque (voire, silly).
(Un peu plus loin dans l’histoire du groupe, ils vivront la fin abrupte d’un de leurs membres avec une élégance incroyable)
Des années plus tard, Mathieu m’invitera à discuter de fins de romans et de films pour la dernière émission de Dans le champ Lexical qu’il réalisait avec Jo-Annie Larue, peintre et journaliste, autre ancienne membre de La vie…pis toute. J’y attaquais des fins douteuses ou géniales, sans trop me questionner sur la chose.
Mais qu’est-ce qu’une fin, dans la vie? Est-ce la mort de l’autre? Ce n’est pas nécessairement notre fin, et si cet événement est abrupte parfois, il est souvent précédé par des mois de maladie ou de démence, bref de malheureuses préparations au départ inévitable. Mais si on est chanceux, on est confronté à ces situations que bien plus tard dans sa vie. Est-ce la rupture amoureuse, de celle d’un garçon immature qui laisse maladroitement sa copine une quinzième fois, et qui constate que c’est effectivement la fin du rapport? La vie offre-t-elle régulièrement des interruptions si étanches, si clairement définies? Ou bien la vie présente-t-elle surtout une série de situations qui se superposent, et que certaines se diluent tranquillement dans notre existence, pour ne devenir qu’un souvenir, tandis que d’autres s’accentuent, pour subrepticement devenir notre réalité?
Si la vie est difficile à placer entre parenthèses, la fin d’un récit présente un problème évident: quand est-ce que toutes les intrigues de notre vie se terminent-elles toutes simultanément, comme dans les livres?
J’ai récemment lu Maléficium, de Martine Desjardins, un des livres les mieux écrits et les plus originaux que j’ai lus depuis des mois. Merveilleusement construit, narré avec une main de maître, recherché minutieusement, le roman est un petit chef d’œuvre de science-fiction d’époque qui m’a rappelé par moments les délires narratifs dans Le parfum de Suskind. Mais comme le roman de Suskind, sa fin m’a déçue, comme la fin de La tendresse attendra de Mathieu Simard: bien que ces œuvres jouissent d’une construction narrative impressionnante, leurs fins me déçoivent un peu, comme trop accrochés par le style littéraire de la nouvelle, à la mode il y a une dizaine d’années: revirement de situation oblige, on croyait se rendre du point A au point B, finalement, on est au point 2. Genre.
En même temps, Fight Club (dont la suite a été annoncée par l’auteur Chuck Palahniuk) m’a déçu par sa fin. Comme Le Parfum. Comme Generation X, dont je ne suis pas certain si le narrateur se transforme en phœnix dans un parc de roulottes entouré d’enfants…Étrangement, dans l’Histoire sans fin, on a affaire à une des plus belles conclusions possibles: pour sauver Fantasia, qui est sur le bord de l’anéantissement total, le jeune héros devra dire le nom de la princesse à haute voix. Nommer comme acte salvateur. Fou.
Je suis présentement à North Bay, dans la jolie maison douillette de ma soeur qui, avec son copain, attend un bébé dans les semaines à venir. Si la fin est parfois difficile à distinguer, les débuts, parfois, sont bien clairs. Et c’est ce début que je suis venu contempler, quelques jours, loin de ma vie à moi, dans laquelle le fins ne cessent plus de finir.
Bien d’accord sur la fin décevante des titres nommés. J’aimerais ajouter aussi que tous les romans de Stephen King ont une fin abominable plate.
La «fin» c’est généralement quelque chose qui survient, en un éclair, à notre insu.
Pas la peine de chercher plus loin.
(Par désolante expérience personnelle, je le sais…)