S’il vous plaît, interprétez ce qui suit comme une petite reflexion sur une pensée politique taboue plutôt que d’un prosélytisme idéologique. Je n’essaie aucunement d’inciter qui que ce soit à voter ou non. Je cherche tout simplement à trouver les failles potentielles dans un discours critique à l’égard de l’abstentionnisme.
Dans la rhétorique qui mène à l’humiliation potentielle de l’abstentionniste (ce que j’appelle le slot-shaming), l’électeur expliquera à l’abstentionniste que son abstention ne présente pas de solution au problème politique actuel qui est assez difficile à nier. Ce faisant, l’électeur avoue explicitement participer pleinement au problème actuel, faute d’avoir trouvé de solution. Génial.
Dans la rhétorique électoraliste, on érigera comme profession de foi que le vote d’un électeur progressiste habitant dans un château-fort libéral ou péquiste comptera quand même. Cette prédiction est davantage basée sur une profession de foi que sur l’illustration technique d’une route tangible qui mène de l’urne aux résultats concrets à court, moyen ou long terme sur le paysage politique québécois. Ainsi, il faut plutôt faire confiance aveuglément aux conséquences positives du vote, en faisant abstraction assez rigoureuse des éléments contredisant cette affirmation. Voter, c’est un peu comme prier. Pourquoi ne pas le faire, au cas où?
L’électeur désespéré, incapable d’assumer sa terrible impuissance, rappellera quelques détails techniques, de l’ordre du petit deux ou trois dollars qui seront distribués de telle ou telle manière à des partis qu’on aime ou qu’on n’aime pas dépendant que l’on soit inscrit ou non sur la liste, qu’on vote ou non, qu’on annule son vote ou qu’on vote pour le parti de notre choix. Il faut avouer que nous sommes rendus au stade le plus triste et désuet de notre démocratie lorsque mon implication politique revient à donner des parts égales ou non d’une canette de Coke à différents partis. Hey, vote le jeune, tu vas donner 1,50$ au parti que t’aimes bien.
Il est aussi drôle de constater que si, de par mon abstention, l’État partage équitablement l’argent, supposé être remis à un parti, à tous les partis dépendant de leur performance, je participe en fait à l’exercice démocratique en m’abstenant de voter.
Et bien que l’abstention soit un non-geste tout à fait ponctuel, il est souvent dépeint comme une trahison systémique du processus démocratique si chèrement acquis. En ne votant pas à ces élections, je cause des répercussions négatives qui participent au gouffre politique vers lequel on avance. Or, m’abstenir aujourd’hui, ce n’est pas abdiquer mes responsabilités d’électeur à tout jamais. C’est surtout manifester mon désaccord avec ce jeu pipé d’avance dans lequel des individus sympathiques recevront quelques coups de pouce dans un cirque où mes priorités ne seront jamais considérées par des élites qui se partagent le pouvoir ponctuellement aux cinq aux dix ans en allant demander l’appui sympathique mais absolument non-essentiel de la population.
Parce que même si trente personnes dans tout le Québec se présentaient aux urnes, les vainqueurs et les prétendants au trône vanteraient les mérites du système qui les favorise naturellement depuis des décennies.
Jusqu’ici tout va bien.
Coudonc, à lire les articles du Voir, on pourrait penser que nous sommes au Rwanda ou en Corée du Nord.
Et à lire les commentaires, on se croirait sur Youtube.