Si la démocratisation des moyens de production artistiques et créatifs, jumelé à l’accès massif à Internet, a contribué à une explosion culturelle, on a aussi assisté à une uniformisation de notre consommation culturelle. Exit les lecteurs CD, les DVD, les magazines et les livres, tout se consomme plutôt facilement sur une tablette, un téléphone ou un ordinateur, bref, un écran plat. Les concerts font encore exception à cette règle, tout comme les salles de cinéma (si on y va) mais règle générale, notre consommation culturelle est aplatie. C’est pour ça que j’ai vraiment aimé aller au musée. Certes, l’exposition au Musée des Beaux-Arts de Montréal, de Van Gogh à Kandinsky, s’est avérée traditionnelle et conservatrice, mais ça reste une consommation active de culture. C’est tout le corps qui décide de se placer devant une œuvre et de la contempler.
1. Musée d’art contemporain
En ce sens, j’ai vraiment apprécié la Biennale au Musée d’art contemporain. Différents artistes de différents pays qui exposent des toiles, parfois cachées par des rideaux mobiles, des animaux morts gisant ici et là, bref, une expérience culturelle à trois dimensions. Mon coup de coeur? L’étalement, sur trois murs, d’affiches qui ont retranscrit une série de textos des agresseurs suite à un viol collectif notoire à Steubenville (en haut de cette page). Frappant. S’il est possible de dialoguer avec l’œuvre, de marcher autour, de la voir changer dépendamment de mon investissement en elle, je vais avoir l’impression de faire partie d’un dialogue, avec un individu absent, et ça, je trouve ça génial.
2. Humour: Hannibal Buress
À leurs meilleurs, les humoristes sont des philosophes sur scène, capables de faire passer des réflexions absurdes, tristes, difficiles ou nécessaires à un public grâce à l’humour. Au pire, ils sont les calculateurs scéniques des mises en scènes humoristiques qui leur garantiront des spots publicitaires et des premières parties au Saint-Denis. Hannibal Buress, un humoriste américain, se retrouve dans la première catégorie. Son numéro d’une heure sur Comedy Central est brillant, drôle, et révèle un homme qui est définitivement sur le point d’être un nom important dans cette industrie si compétitive. On donne ici dans la super-analyse, les gags étirés intelligemment, et une bien belle présence scénique! À voir! Et si Hannibal Buress ne vous plaît pas, Guillaume Wagner vous suggère cinq autres numéros de stand-up à regarder pendant les fêtes!
3. Télévision: Eric André
Bon nombre de mes expériences culturelles sont possibles grâce aux suggestions de mes proches. C’est une amie qui m’a invité au MBAM, et c’est cette expérience qui m’a inspiré à inviter une amie au MAC. Mes frères et soeurs sont parmi mes meilleurs pushers culturels, et c’est mon frère qui m’a fait découvrir The Eric André Show, sur Adult Swim, une sorte de faux talk-show qui échappe à toute catégorisation statique. Hannibal Buress y collabore en tant que co-animateur dans cette série déjantée. Les décors y sont détruits à chaque épisode, et les invités, somme toute assez célèbres, ont droit à de bien drôles de traitements (la présence de James Van Der Beek, plus haut, est complètement hallucinante). Il est toujours difficile, voire impossible, de deviner l’écoulement de l’épisode. D’ailleurs, quand on abandonne l’idée de deviner ce qui peut suivre, on entre tête première dans un esprit créatif étrange, farfelu, agressif et férocement original. À découvrir!
4. Musique: FKA Twigs
Découverte pour ma part grâce à l’exhaustif Dazed 100 qui présente les figures à suivre en 2015 apparu dans mon fil d’actualité grâce à Tamy Emma Pepin, FKA Twigs est une musicienne talentueuse avec un sacré sens du vidéoclip! Qu’elle domine l’écran avec des doigts d’un géant enfoncé dans sa bouche, qu’elle trône comme une reine égyptienne (rappelant Kanye West à ses débuts), ou qu’elle se déhanche dans une maison abandonnée en pleine forêt mexicaine, FKA Twigs jumelle brillamment un son original avec une identité visuelle propre à elle. J’adore.
5. Musique locale: Safia Nolin
Confession: si je conseille de découvrir Safia Nolin, c’est pour faire suite à cette petite soirée au Quai des brumes, tandis que les astres s’alignaient pour me permettre de rencontrer des amis de longue date que je n’avais pas vu depuis longtemps. J’avais fumé sous la pluie aux cotés d’amies et d’étrangers, dont Safia Nolin qui, quelques minutes plus tard, déversait un torrent tranquille et sublime d’émotions traduit avec une voix douce et maîtrisée et une guitare seule et mélodieuse. Chaque fin de chanson se présentait comme une fin de transe, un réveil tranquille qui nous extirpait d’un sommeil conscient et merveilleux. Talent incroyable. Si Safia Nolin reste fidèle à elle-même, ou du moins à ce qu’elle a présenté ce soir-là il y a quelques mois, elle risque d’enchanter de nombreuses oreilles de plus en plus attentives dans les années à venir. Et moi je pourrai dire comme un douchebag désagréable que je l’avais vu devant une vingtaine de personnes au Quai des brumes, un soir d’automne en 2014.
6. Cinéma: The Interview
Plusieurs critiques négatives sont sorties après la diffusion anticipée de ce film suite aux menaces d’auto-censure de Sony après les attaques virtuelles à son égard. Mais il s’agit d’un film hollywoodien vraiment drôle. Seth Rogen et Evan Goldberg y réalisent un film avec une prémisse originale plutôt rare dans l’industrie (un animateur et son producteur acceptent une entrevue avec Kim Jung-Un et sont par la suite recrutés par la CIA pour l’assassiner), tandis que James Franco y offre une performance réellement hilarante, créant un personnage original, et complexe dans sa simple stupidité. Le duo Rogen-Franco est hilarant, Kim Jung-Un est bien plus original et tri-dimensionnel que je ne me l’imaginais, et on a droit à de nombreux moments de rires à haute voix. À regarder (au cinéma, sur YouTube ou dans les jolies méandres d’un web encore un peu libre!)
7. Journalisme: Vice
Vice n’a plus besoin de faire ses preuves ou de nous rappeler son existence, mais ses reportages recherchés sont des petites perles de journalisme et de documentaire. Qu’il s’agisse d’une entrevue avec un des architectes présumés de la torture américaine dans un lac isolé entouré de crocodiles, du portrait d’un collectionneur de dettes particulièrement violent et notoire en Angleterre ou d’une recension effrayante de la montée du KKK aux États-Unis (une occurrence récurrente après les conflits armés), ces documentaires de 15 à 30 minutes sont toujours concis, précis, probants, merveilleusement réalisés, et laissent place à la réflexion. Toujours un plaisir!