J’ai versé une larme, littéralement, en lisant cette dernière chronique officielle de Pierre Foglia. Il y a de ces hasards. Malgré les quelques dérives notables d’un chroniqueur hors-pair (et quand je dis « dérive » je veux dire le maintien d’une distance considérable entre ses principes et les miens), Foglia reste évidemment une référence littéraire et journalistique pour moi. Imbécile ignare à l’université, je le lisais avec une certaine vénération, contemplant de loin le métier de chroniqueur, quelque chose qui se méritait après des dures années de travail journalistique pur, selon mes profs pertinents d’un programme qui l’était plus ou moins.
La vie fait de ces hasards. Il y a quelques mois, j’ai demandé à dix personnalités médiatiques ou littéraires locales de me recommander un livre chacun, et ce, dans le cadre d’une quête bien personnelle. Je compte tous les livres que je lis. J’ai la liste. Et en m’approchant de 500, je voulais que les dix derniers soient relayés sur ce blogue, avant la publication pompeuse et inutile de ma liste, sorte de montage photoshop de tous mes selfies au gym, mais version intello, mettons. J’ai reçu des réponses, de Normand Baillargeon, de Matthieu Dugal, de Claudia Larochelle, de Marie-Louise Arsenault. Cette dernière, qui anime avec brio l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit, m’a recommandé 1984.
Comme dans la dernière chronique de Foglia. Ce livre numéro 1 sur la liste des livres le plus appréciés par le public, qu’il a recensé.
Mais ce texte n’a pas rapport avec 1984, que j’ai déjà lu, en fait, mais que je vais relire, à la fin de cette quête, comme une façon de boucler la boucle. La première lecture, c’est Mémoires d’Hadrien, de Marguerite Yourcenar. C’est un conseil littéraire de Marc Beaupré, comédien qui incarne entre autres le personnage culte Marc Arcand dans la toute aussi culte et renouvelée Série Noire.
Le premier livre dans ma quête littéraire était un chef d’oeuvre remarquable, un début intense et profond. Et c’est peut-être mon sens du drame et mon propre désir de trouver des liens là où il n’y en a pas, mais je vois un lien entre la retraite de Foglia et cette lecture des sagesses finales d’un empereur romain fictif sous la main habile, poétique, rigoureuse et cohérente de Marguerite Yourcenar. Ce livre, en fait, c’est comme une armure sublime, et chaque phrase représente une côte de maille qui est en vérité un bijou précis et parfait, faisant partie de l’ensemble riche d’un récit historique, détaillé et pertinent, de nature autant philosophique que politique, militaire et poétique. J’exagère peut-être avec les qualificatifs pour décrire cette oeuvre, mais c’est justement parce qu’elle est si complète.
Bref, Margueruite Yourcenar créé un personnage inspirant, qui parle visiblement à partir d’une autre époque, mais qui a appris à trouver et traduire les vérités universelles qui traversent les époques, des routes grecques en construction à nos réalités modernes et complexes. Comme oeuvre, le premier mot qui me vient en tête (mais un des derniers dans ce billet), c’est « complet ».
Comme cette carrière d’un empereur des mots qui aura diverti et fait réfléchir des esprits des générations durant, qui aura été l’idole de plusieurs cohortes de jeunes aspirants au commentaire voyant en ses formulations les descriptions les plus profondes, simples et limpides d’une vie humaine.
Je ne sais pas comment recommander davantage ce livre de Yourcenar. Comme bouquin qui pourrait faire accepter avec une certaine sérénité la fin de toute grande époque, tandis que Spock disparaît et que Foglia nous quitte, je peux difficilement trouver mieux.
Chapeau bas, monsieur Foglia, je suis de ceux que vous avez marqué, à vie, avec votre plume unique.
La quête
The Picture of Dorian Gray et Le Grand Partout
Cahier d’un retour au pays natal et Soumission
Plume unique ou piètre imitation de Hunter S. Thompson?