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Deux lenteurs qui s’opposent.

Ça me frappe, et c’est possiblement évident, mais ces philosophies, celle d’un néo-libéralisme à l’heure de l’austérité et celle d’un environnementalisme à l’heure du non-retour, ce sont deux appels au ralentissement.

Il y a une opposition directe entre deux discours, qui a pu être résumée cette semaine d’un coté par les propos anti-intellectuels et anti-Greenpeace plutôt primitifs du maire du Saguenay, Jean Tremblay, héros viral du webqc, et de l’autre par l’intervention de la brillante Naomi Klein à l’émission Tout le monde en parle. Tandis que l’un nous somme d’arrêter d’écouter les intellectuels et de laisser la gestion de l’environnement et des ressources naturelles et des emplois à nos gouvernements élus, l’autre appelait à un soulèvement populaire cherchant à stopper la crise climatique causée, visiblement, par notre sur-consommation.

Ça me frappe, et c’est possiblement évident, mais ces philosophies, celle d’un néo-libéralisme à l’heure de l’austérité et celle d’un environnementalisme à l’heure du non-retour, ce sont deux appels au ralentissement.

Nos élites politiques, un peu partout en Occident et ailleurs, nous avertissent de la lenteur à venir. Nous sommes incités à accepter les ralentissements qui nous sont imposés. Moins de services sociaux, moins de régulations, moins d’accessibilités à des programmes visant à aider la société. La société, nous disent-ils, ne peut pas aider la société. Elle doit aider le gouvernement et l’entreprise. Elle doit aider au redressement. Les sacrifices de ces élites sont difficiles à saisir, puisque leurs salaires augmentent, et les profits de certaines banques et autres institutions financières sont tout simplement faramineux.

Je m’excuse pour le lieu commun. Je sais que tout le monde sait ça.

Mais du coté de l’environnemntalisme, ou de l’écologie responsable, ou de la pure logique de survie considérant la situation catastrophique dans laquelle on se retrouve, on prêche également à la lenteur. On nous demande de consommer moins d’essence (bien qu’on ait de la misère à se l’offrir), de moins gaspiller de resources naturelles, de freiner notre dépendance à des pays en développement pour avoir accès à leurs matières premières pour façonner nos gadgets. Nous n’avons jamais eu de période aussi faste en termes de développements technologiques et d’accélérations des progrès techniques, mais il faudrait arrêter. Il faudrait, par exemple, ne pas acheter la nouvelle montre Apple. Il ne faudrait pas s’offrir ces caprices qui nous donnent l’impression d’avoir un léger pouvoir économique sur nos vies tandis que l’argent s’envole au gré des loyers et des factures. On devrait se priver, volontairement? Manger moins de délicieuse viande, source incroyable de pollution et autres méfaits massifs?

Bref, le discours progressiste, ou écologiste, propose lui aussi une certaine austérité. Mais une austérité qui n’est pas coercitive. Le seul argument de vente de ce régime de minceur, c’est les conséquences néfastes prévisibles et de plus en plus imminentes. Difficile à vendre. Tandis que l’austérité, elle, elle ne se vend pas, elle s’impose.

Ralentir. On connaît les modes, plus ou moins influentes, de slow food, même de slow media, mais la réalité est que nos vies sont définies par une étonnante vitesse. Une vitesse capable de rendre les paroles ridicules d’un maire virales et connues de tous via le simple partage citoyen. Tandis que les appels à la modération se font moins entendre (sauf si on parle de l’Islam, évidemment).

J’écris ceci, tandis que, suite à une petite panne d’électricité, je retrouve rapidement mon ordinateur allumé. Pendant cette petite panne, je me suis demandé comment j’allais écrire ce billet. Je me suis dit que c’était impossible de l’écrire sur papier, dans le noir, pour moi tout seul, tandis qu’en vérité il était voué à la difusion immédiate auprès de mon réseau, tandis qu’il se voulait un dialogue plutôt qu’une réflexion personnelle. Qu’aurais-je pu faire de cette réflexion esseulée, exprimée une semaine ou un an après sa conception?

Je me demande si cet empressement que je ressens m’empêche d’écrire quelque chose de plus long, de plus profond. À quel point le besoin de contact immédiat avec un lectorat influence-t-il la formation de ma pensée? Pas juste dans son fond, mais surtout dans sa forme? Suis-je devenu habitué à exprimer des idées assez brièvement, en quelques paragraphes, à la courte durée de vie, avant d’être oubliées et rangées dans les archives du passé d’une bête insatiable de présent?

La lenteur, donc, qu’on nous suggère. L’austérité et la modération. Mais pour différents maîtres. Nos élites ou notre destin.

Et moi qui ne peux pas ne pas écrire.