Le sublime.
C’est mon idéal. Dans mes rêves mégalomanes les plus fous, j’espère un jour l’atteindre. En attendant je le rencontre parfois dans mon aventure littéraire. Et je l’ai rencontré, infatigable et délectable, dans The Picture of Dorian Gray, d’Oscar Wilde. Un conseil littéraire de Véronique Grenier, blogueuse, professeure de philosophie et créatrice du blogue Les p’tits pis moé.
Ça m’a frappé de plein fouet assez tôt, tandis que l’auteur installait immédiatement la scène et l’ambiance du livre: Basil Hallward est un peintre talentueux mais naïf et romantique. Il servira de moteur de l’histoire plutôt que de personnage réellement important. Il discute avec son ami Lord Henry Wotton, un bourgeois cynique qui s’avère être un de mes personnages préférés en littérature. Il rentre dans le panthéon avec Chenault dans Rhum Diaries de Hunter S Thompson, Barney dans Barney’s Version de Mordecai Richler et, inévitablement, Atticus Finch dans le classique To Kill a Mockingbird (qui connaîtra une suite, d’ailleurs!).
Chaque citation de Wotton est empreinte d’une sagesse tellement cynique et individualiste qu’elle se contredit légèrement. Mais il discute avec cette rare grâce et cet indéniable charisme qui fait de lui un des invités les plus convoités d’une société plutôt snobe. Cependant, il ne sera pas aussi convoité que Dorian Gray, qu’il rencontre pour la première fois tandis que son ami Basil est en train de peindre son portrait, une oeuvre qui s’avérera plutôt sublime au premier regard.
Tellement sublime, d’ailleurs, qu’en la voyant le jeune Dorian, conscient de sa beauté particulière mais encore naïf et étranger aux coutumes du monde qu’il commence à intégrer, souhaitera ressembler à jamais à cette illustration de sa personne. L’image est tellement parfaite qu’il souhaite l’incarner pour toujours.
Le procédé narratif de be careful what you wish for est peut-être un cliché sur-utilisé aujourd’hui, mais ce souhait se réalise, et l’homme évoluera dans cette société victorienne avec le visage intact tandis que son portrait illustré sera marqué par ses dérives morales.
Le récit est aussi original et captivant que l’écriture est riche, désinvolte, sulfureuse, lucide et intransigeante. Les défauts universels qui habitent les hommes et les femmes de cette société sont illustrés avec une perçante acuité, qui laisse pourtant place à une prose aussi joyeuse qu’enivrante. C’est un tour de force, ce livre.
Bon, je sais. Tout le monde sait que c’est un tour de force. Je ne suis pas en train de faire découvrir un secret caché de la littérature contemporaine. Dans ma bibliothèque, j’ai plusieurs petites sections: certains auteurs que j’affectione particulièrement ont leurs propres rangées: de Beigbeder à Roth à Laferrière en passant par Palahniuk (early days), Bukowski et Vonnegut. J’ai ma section littérature québécoise, essais québécois, romans américains classiques ou contemporains et Les grands classiques. C’est une section que j’aborde rarement. Pour moi, ce sont des Everest littéraires qui nécessitent un certain entraînement avant de pouvoir les aborder de façon optimale.
Et là, je viens de gravir une sacrée montagne. C’est pas mal beau au sommet, d’ailleurs.
Aussi: Le Grand Partout de William T. Vollmann, un conseil littéraire de Matthieu Dugal
En lisant cette série d’histoires d’un homme qui aime voyager clandestinement sur des trains partout aux États-Unis, j’ai eu l’heureuse et soulageante impression de lire l’anti-Atlas Shrugged, d’Ayn Rand. Si ce dernier est arrogant et pompeux, pamphlétaire et illusoire, Le Grand Partout reste tranquille et serein, critique et ouvert. Vollmann raconte ses nombreuses aventures au bord de chemins de fer qu’il adopte le temps d’une nuit, d’une semaine, ou d’un voyage improvisé, des fois seul, des fois accompagné de marginaux sympathiques.
Il dresse les aspects universels qui unissent ces voyageurs clandestins, qui forment une sorte d’anti-communauté de plus en plus hostile, fermée et réprimée par les autorités. En gros, il illustre comment on fuit tous quelque chose, comment on est à la recherche d’un lieu personnel sacré, et comment on est souvent à la recherche d’un coeur plus que d’un lieu spécifique.
C’est un portrait saisissant d’une époque qui témoigne de ses derniers balbutiements, humbles, avant de tomber inévitablement dans l’oubli d’une société trop pressée par le progrès et le changement pour s’arrêter et regarder derrière elle, pour voir d’ou elle vient et constater ce qu’elle quitte.
La quête
The Picture of Dorian Gray et Le Grand Partout
Cahier d’un retour au pays natal et Soumission
Je n’ai pas lu le livre lui-même, mais je connais depuis très longtemps The Picture of Dorian Gray d’Oscar Wilde.
Grâce à l’excellente adaptation cinématographique (MGM, 1945) qui en a été faite. Une toute jeune Angela Landsbury – connue pour avoir par la suite tenu la vedette de la série télévisée Murder She Wrote – y tient d’ailleurs un rôle.
Un film tourné en noir et blanc, sauf pour quatre brèves scènes en couleurs, très impressionnantes à titre d’effets spéciaux. Ce qui pourra d’ailleurs être rapproché de l’opposition noir et blanc versus couleurs qu’on trouve également dans The Wizard of Oz mettant en vedette Judy Garland.
Un très bon film s’appuyant sur une très bonne histoire. Une occurrence hélas trop rare…