La blogueuse, journaliste et féministe Toula Drimonis m’a conseillé de lire On writing de Stephen King dans le cadre de ma quête vers les 500 livres lus. Un de ses conseils, dans ce livre pratique, divertissant, tendre et drôle, c’est « Omit needless words ».
Je n’ai pas été capable d’écrire depuis.
C’est plus ou moins vrai. J’ai un nouvel emploi qui fait que j’écris chaque jour. Des brèves, des actualités. Et face au temps limité des capsules, je dois suivre ce conseil sur une base régulière. Je dois l’appliquer rigoureusement. Mes textes sont réduits à l’essentiel informatif. Parfois, des petits soupçons de personnalités peuvent faire surface, mais ils se font plus rares. Ce sont, à la limite, des cadeaux que je m’offre et qui, je sais, ne devraient déranger personne.
C’est très différent de mes habitudes d’écriture de la dernière année et demi. Ici, je me permettais des textes fleuves, tandis qu’à mon nouveau poste, j’allume le robinet juste assez longtemps pour que le verre d’eau soit satisfaisant. Pas rempli, satisfaisant. La différence est frappante.
Toula et moi rêvons chacun d’écrire nos livres respectifs. Quand on se rencontre, cette éventualité se pointe toujours, comme un El Dorado qui ensoleille spontanément nos journées. Une promesse abstraite d’un volume à la fois sublime et fidèle à nous-même, accessible mais profondément intime. Réussi mais familier.
Quand elle m’a conseillé ce livre, Toula me rappelait que le snobisme de certains (dont je suis coupable) à l’égard de ce maître ne rendait pas justice au talent immense de cet écrivain prolifique. Je n’ai lu aucun roman du géant (je viens tout juste d’acheter The Shining), mais j’ai soudainement envie de dévorer Misery, et Cujo, et Carrie, et The Green Mile, et Shawshank Redemption. C’est qu’il démontre, sans arrogance, l’étendue de sa prouesse littéraire, dans un livre qui nous offre des conseils littéraires. Dans le même paragraphe, Stephen King présente une théorie littéraire qu’il illustre simultanément. La leçon est dans le style, elle est dans la forme autant que dans le fond. Elle est envoûtante. Il donne l’impression d’un rapport intime. J’ai l’impression qu’il me connaît un peu, quand même, malgré tout.
C’est un vrai maître. Une autre leçon récurrente dans le livre, c’est « Murder your darlings. » Ne pas avoir peur de voir le fruit de ses efforts balayés du revers de la main, rejetés, sacrifiés au nom d’un potentiel meilleur. Et il faut être son propre bourreau.
Je l’apprends aussi, chaque jour, tandis que l’utilité de tel ou tel mot est remise en question, au bénéfice du texte dans son ensemble. L’orgueil devrait rejoindre la corbeille, accompagné de tous ces petits chefs d’œuvre imaginés qu’on peut en effet s’épargner.
J’ignore si je pouvais lire ce livre à une période plus appropriée de ma vie. L’écriture fait partie de mon quotidien professionnel depuis des années. C’est avec des mots que je me nourris et que je paie mon loyer. Et c’est enivrant de voir un maître absolu donner une leçon si difficile et compliquée avec autant de grâce et de tolérance pour ses élèves.
Je suis un petit padawan satisfait.
La quête
The Picture of Dorian Gray et Le Grand Partout
Cahier d’un retour au pays natal et Soumission