Quand j’ai découvert Avec pas d’casque, par le biais de leur chanson L’amour passe à travers le linge, j’ai tout de suite pensé que Chéri, qui craque pour l’univers débridé et rustique des Frères Goyette, serait séduit par leur country lo-fi et leurs textes emplis d’une poésie grise et magnifique. Et Chéri fut séduit, évidemment (je ne me trompe jamais), mais les écoutes se sont accumulées dans mon ipod, et c’est finalement moi qui suis tombée complètement en amour avec ce band qui tâche de vaincre la grisaille par la grisaille. D’abord pour les textes, dont les images fessent comme un gun à clous qui marche bien, mais aussi pour l’impression de douce chaleur humaine qui se dégage de leur œuvre. Même si, à ce jour, je préfère leurs deux premiers albums, un peu plus désordonnés, leur plus récent opus, Astronomie, sorti en mars dernier, est un album achevé et vaguement lyrique qui devrait être la trame sonore idéale de toutes vos ballades automnales. Tenez vous le pour dit.
Jeudi dernier, en ouverture du Festival Diapason, avait lieu un spectacle réunissant Quoi qu’en diront les médias (allez voir leur bandcamp, c’est bon !) et Avec pas d’casque au Patio Vidal de Laval. Même si c’est le propre du Festival Diapason d’organiser des concerts dans des endroits inusités (parlez-moi de voir les Dales Hawerchuck dans une buanderie, par exemple), l’idée d’aller voir un show dans un Patio Vidal m’a un peu déstabilisée: pour moi, le Patio Vidal, c’est une succursale, celle de Beloeil, nommément, et une circonstance, la poutine de la victoire après avoir très hasardeusement traversé le pont des trains suffisamment éméchée pour mériter une poutine de la victoire après. Pénétrer dans ce beau restaurant brun du boulevard de la Concorde, à une heure du jour où il fait encore soleil, était donc une première pour moi, mais le fait que la configuration du lieu était profondément ancrée dans mes gênes m’a rapidement rassurée. L’ambiance toute feutrée (c’est le cas de le dire, avez-vous vu ce beau tapis à motifs ? c’est d’un feutrage à donner envie de se rouler dessus), qui a d’ailleurs donné lieu à quelques savoureuses blagues sur les soupers-spectacles (dans le genre, poutine et poésie), s’adonnait parfaitement avec la musique d’Avec pas d’casque, et favorisait le genre d’intimité entre un groupe et son public qui crée des moments magiques.
Et moments magiques il y eut. La foule, en partie réchauffée par le pré-concert intime qui a eu lieu au Club Vidéo 20/20, a été d’une écoute exemplaire, et les membres du groupe ont été particulièrement généreux, y allant d’un setlist regroupant autant de chansons d’Astronomie que de chansons de Dans la nature jusqu’au cou et de Trois chaudières de sang, et d’un rappel comprenant notamment leur version de A boy named Sue, Un gars qui s’appelle Carol, et une version hystérique et particulièrement énergique de L’amour passe à travers le linge. L’ambiance familière et insolite a donné lieu à une sorte de convivialité particulière, où fusaient les bonnes blagues corrosives sur la politique lavaloise et les guitares désaccordées, sans parler de ce drôle de moment où il a fallu aller chercher le capot oublié dans le char. Je pense que c’est là tout le propos du Festival Diapason: créer des moments uniques, dont le public (et, on l’espère, le groupe aussi) se rappellera longtemps. Le tout m’a suffisamment enthousiasmée, en tout cas, pour m’inciter à trouverdes billets pour le prochain d’Avec pas d’casque à Montréal, à la Salla Rosa.
Je vais aussi faire quelque chose que je ne fais pas souvent: je vais vous exhorter à aller à Laval faire un peu de place dans votre cœur à la musique émergente et aux shows dans des endroits saugrenus. Faites-vous plaisir, consultez la programmation!