PARTIE 4: LA REVANCHE DES NERDS
Produire un disque, c’est tout un chiard. Ça fait appel à beaucoup de techniques et de principes de physique et bien des ingénieurs se sont amusés avec tout ça. Pour cette dernière partie, on leur laisse la place, mais j’ai coulé ma physique en secondaire 5, alors ayez pas peur, je me lancerai pas dans les détails techniques trop complexes…
Le travail d’Amanda Ghassaei, une ingénieure basée en Californie, est particulièrement fascinant. En 2012, elle est parvenue à convertir des fichiers audio en images de sillons dans un logiciel d’imprimante 3D. Elle a pu ainsi imprimer les premiers disques en 3D. Parmi les premiers tests, on retrouve la chanson Smells Like Teen Spirit de Nirvana. Kurt Cobain aurait tripé, lui qui trouvait que Nevermind sonnait trop clean…
L’année suivante, elle réussisait à graver des disques sur du bois d’érable. L’une de ses première essais est la chanson Idiotheque de Radiohead. Même Thom Yorke trouverait que ça sonne fucké…
L’une des maisons de disques où on trouve le plus de savants fous au pied carré est sans doute Third Man Records (l’étiquette du fameux Jack White). Les innovations s’y succèdent et, pour leur troisième anniversaire, ils ont notamment créé le premier disque 3t (pas 33 là, 3), ce qui veut dire qu’on doit faire tourner le disque à 3 tour/minute…à la main. Une prouesse technique qui a permi de presser 56 chansons sur un seul disque. Allô les tendinites.
Artistes variés, The First Three Years Of Blue Series Singles On One LP At 3 RPM (Third Man, 2012)
Voilà pour l’extrême en terme de RPM. Pour ce qui est du format, le fanzine punk Pea Brain a déjà sorti un minuscule disque 2″ qui contient quand même 6 chansons…de 10 secondes.
Artistes variés, Pea Brain ADHD (Indépendant, 2012) Photo: instatagphoto.com
Pour revenir à Third Man, on s’est aussi amusé à créer le tout premier «disque à trois étages» (Triple decker). En gros, ce sont deux 33t collés ensemble avec un 45t au milieu. Bref, un sandwich au 7”! Pour «libérer» ce disque, il faut littéralement briser l’objet et décoller les 33t à l’aide d’un couteau. Le cauchemar d’un collectionneur…
The Dead Weather, Blue Blood Blues (Third Man, 2010)
La même année, Corporate Records a créer un objet qui avait un peu la même gueule que le breveté triple decker (mais le concept demeure différent, aie pas peur Jack). Il s’agit d’un disque 3-en-1 «concentrique» (un 7” dans un 10” dans un 12”). Par contre, l’histoire ne dit pas si le disque a dépassé le stade de prototype…
Prototype de disque concentrique (Corporate Records, 2010)
La chanteuse britannique Nik Colk Void mérite aussi une place parmi les crinqués des crinqués. En 2011, elle lançait un 45t dans une pochette en plastique qui consistait en un moulage du disque. Cette pochette – qu’on peut placer sur sa table comme un disque – est destinée à se dégrader avec le temps. L’idée est d’avoir une pièce musicale «vivante», dont le son change tout au long de sa vie.
Pochette du 45t Gold E de Nik Colk Void (O Genesis, 2012) Photo: Discogs
Vous avez déjà créer un petit film d’animation avec des post-its? C’est fou pareil hein comment ça prend rien pour faire des dessins animés! Un autre principe rudimentaire consiste à dessiner sur un objet qui tourne et de se servir de la rotation pour créer l’animation. On crée alors un zootrope (à retenir pour ta prochaine game de Scrabble). Vous me voyez tellement venir: de nombreux artistes ont créé des zootropes avec des disques. L’un des plus cool a été créé en 1957 sur un disque pour enfants (The Little Red Engine paru chez Raven Records).
Et l’un des plus capoté provient du groupe Sculpture. 100$ que vos yeux vont faire des spirales.
Si vous venez de poigner kek chose avec les zootropes, jetez un oeil à ce palmarès des «10 most mind-bending zoetropes» (traduction libre: les zoetropes qui vont te faire bander la tête).
D’un côté pas mal moins old school, Brian Eno et Karl Hyde ont intégré de la réalité augmenté dans leur album Someday World (Warp, 2014). Si vous voulez mon avis, on perd un peu du charme de la «p’tite machine rouge»…
Ce dossier ne serait pas complet sans parler de l’édition ultra de l’album Lazaretto de Jack White (qui d’autre). C’est un vrai touski de trucs d’ingénieurs! Premièrement, l’album possède deux sillons de départ (ce qui veut dire que l’aiguille peut emprunter deux chemins et donc, qu’il y a deux intro possibles). Deuxièmement, la face B du disque possède un sillon fermé, ce qui fait en sorte que les dernières secondes de la dernière chanson jouent en boucle. Ouin, comme un cd qui saute finalement. Mais qui saute bien, là…
Troisièmement, il y a deux pièces cachées sous l’étiquette centrale. Suffit juste de mettre l’aiguille sur l’étiquette pour accéder aux sillons. Quatrièmement, le disque doit jouer à 33t, mais ces deux chansons bonus doivent jouer respectivement à 78 et 45 RPM. Cinquièmement, la face A joue de l’intérieur vers l’extérieur. Ça change quoi tout ça? Pas grand chose, à part que tu es plus fourré quand vient le temps de faire jouer ce disque…
Sixièmement, et ça, c’est très cool, il y a un hologramme d’ange gravé sur la face A. Quand l’aiguille passe sur cette gravure, l’hologramme est projeté au-dessus du disque. Oui, à ce stade-ci, c’est normal de saigner du nez.
Bon, on commence à faire pas mal le tour de tout ce qu’on peut mettre sur une platine de table tournante. On vous revient dans quelques années avec une sélection de disques-WIFI, disques-drônes et disques-mitrailleuses. À plus!
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Partie 2
Partie 3
Photo en en-tête: www.nps.gov