J’suis une tête carrée. Vous savez, de ceux qui appellent généralement les québécois des frogs? Vu la popularité du carré ces jours-ci, me suis dit que je pourrais ben l’assumer. Faque c’est ça. J’suis une tête carrée du pays des rednecks, installée dans un bucolique village québécois.
C’est vrai qu’il fait beau, à Sainte-Rose-du-Nord. Beau temps pour un BBQ. Mais j’y arrive pas. Je suis pas capable de savourer ma Corona avec bonheur sur le patio. En fait, je décroche pas de l’ordi. Pis je me sens coupable d’être loin. Mais ça, je l’ai déjà dit.
J’ai deux enfants. Ils me rendent terriblement ambivalente. Ils sont malades en ce moment, vraiment malades. Du genre de maladie qu’on assume quand on a fait le choix de ne pas les faire vacciner par conviction. Si c’était pas de ça, je serais rendue à Montréal, à Québec, sur la ligne de front. Ils me rendent ambivalente, parce qu’ils sont à la fois ma motivation et mon boulet. C’est n’importe quoi ce Québec qu’on va leur laisser. Du moins, tant qu’on n’aura pas lutté pour faire changer les choses. Je pourrai un jour leur raconter ce pan de l’Histoire en train de s’écrire avec ce que j’aurai lu ou vu sur CUTV, pas avec ce que j’aurai vécu. Crédibilité 0.
J’ai lu tantôt le petit texte de Mathieu Cyr, un gars qui se pense tout seul sur son île. J’étais bien insultée, j’avais envie de lui répondre qu’il était franchement condescendant. Mais force est de constater qu’il a raison. Crisse. Autour d’un feu hier soir, malheureusement pas celui de la manif, j’ai entendu toutes sortes de conneries. « Laissez-les donc s’arranger avec leurs troubles à Montréal, on n’a rien à voir là-dedans nous autres. Es-tu étudiante, toi? Pourquoi tu te sens concernée d’abord. » Je vous épargne le reste. On me fait sentir ridicule de vouloir organiser une manifestation ici, dans le village, le 22 mai. À date, trois personnes se joindraient à moi. Même pas besoin d’avertir la police. Je suis sans voix. Mais à Mathieu Cyr, je dirai ceci: tu n’es pas tout seul sur ton île. Faut pas généraliser, et le nombrilisme, ça va dans les deux sens. Il y a du monde à Sherbrooke, Québec, Chicoutimi et partout ailleurs, même à l’échelle de la planète, qui suivent de près ce qui se passe. Qui sont en colère, indignés, écoeurés, fatigués. Qui louent de bus entiers pour contribuer. Et même si le corps n’y est pas, nous sommes des millions, unis de coeur. Et j’en suis.
Je pourrais te répondre que vis en Angleterre… J’occupe un emploi à Godalming, Surrey, j’ai un conjoint, un job, un appartement, toutefois, ma vie est divisée entre Fb et la réalité… Ce qui se passe actuellement au Québec me touche au plus au point.. Je suis triste, frustrée, indignée sans toutefois avoir le pouvoir de changer quoi que ce soi sinon diffuser de l’info. Je crois cependant que charité bien ordonnée commence par soi-même et, si j’influence ne serait-ce qu’une seule personne de là ou je suis…. ce sera toujours bien çà! Marielle, merci de t’impliquer aussi intensément, tu es certainement un modèle pour bon nombre d’entre nous. Être loin de l’action est peut-être notre destiné de transmetteur, d’informateur….
Salut ! C’est beau Ste-Rose, vraiment beau ! T’es allé à l’Anse des femmes ? À l’Anse d’en-haut ? Faut faire le tour au complet 😉 C’est loin Ste-Rose-du-nord, très loin de Montréal. Je dis pas ça par condescendance simplement que les résidents (460 Eh! la population est en croissance) n’ont carrément (rouge) pas le même genre de vie qu’à Montréal. D’ailleurs tu dois bien te rendre compte que plusieurs y résident pour ne plus avoir à subir la vie haletante des grands centres; une forme de résistance active. Et tu l’as dit ils ne se sentent pas concernés. Pour être concerné, il faut être touché. T’as vérifié combien ont des frères et soeurs qui vont à l’université, au CEGEP ? Les étudiants post-secondaire n’habitent pas à Ste-Rose. Mais il pourrait lire les journaux ? Je serais curieux de savoir si le Devoir est livré à Ste-Rose et puis il y a de forte chance que ce soit l’édition du jour précédent. Et les réseau-sociaux oublions Twitter, pour FB ce doit être des réseaux très fermés. Je ne parle pas des autres médias à dessin qui occulte carrément la situation où la traduise tout croche comme tu le sais (Le Quotidien de Desmarais). Ergo, s’ils sont informés, ils le sont probablement très mal. Alors fâche toi pas contre eux. Parle-leur plutôt de la grève de l’Alcan… Ne t’en fais pas trop avec les étudiants. Ils vont recevoir une vague de sympathie qui va faire en sorte que La presse va bouffer son sondage de Samedi 😉 Amuse-toi bien au paradis. Et si il te faut absolument parler politique, parler avec quelqu’un qui est sensible à la situation dans le coin (il y en a plein d’autres) arrête-toi à la Ferme Turcotte pour jaser avec Denise. En revenant vers Chicoutimi, c’est après l’Anse aux foins. Ciao
Merci.
Je suis un étudiant de l’université de Sherbrooke qui vient de St-Fulgence (pour ceux lisant les commentaires, 10 minutes de Ste-Rose-du-Nord). J’ai senti cette apathie lorsque j’ai séjourné dans mon patelin natal il y a quelque temps. Depuis, je n’y suis pas retourné. Cette flamme qui brûle en moi n’est pas le bienvenue au Saguenay, région qui est, ironiquement, reconnue pour son ouverture. Je vous encourage, je vous appuie et je viens d’imprimer cette chronique qui sera dans ma poche demain à Montréal, dimanche dans les rues de Sherbrooke. Je m’engage à apporter un petit peu de vous à chaque manifestation.
Merci. Que c’est bon de sentir cette compréhension!
Je peux comprendre votre déchirement. J’ai quitté Montréal pour la campagne profonde il y a seulement deux ans. Métaphoriquement, j’étais un étudiant à l’époque. Aujourd’hui, je suis un Marielle Couture.
J’incarne enfin mes beaux principes.
Le cochon bio, les poules, les oeufs, les légumes, le bois des voisins, la chasse, la pêche… Quelle place reste-t-il aujourd’hui pour le capitalisme sauvage, pour « Le Système » dans ma vie ?
Je ne veux pas minimiser ce qui se passe présentement à Montréal. J’attends « ÇA » depuis une vingtaine d’années, depuis que j’ai quitté le cocon familial en fait, à ma majorité. Je regrette profondément de ne pas pouvoir y participer activement aujourd’hui.
Mais je n’ai aucun remord. Je suis parfaitement à ma place en ce moment. Peu de gens peuvent vivre comme je vis, comme vous semblez vivre Marielle.
Les « étudiants » ont bien raison de se révolter aujourd’hui, d’exiger autre chose, d’exiger mieux. Ils ne demandent pas la lune, l’impossible. Nous en sommes la preuve.
Et c’est pas rien. Enfin je crois.