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Problème de ministre

Vue de Québec, le débat sur la hausse des frais de scolarité offre une autre perspective que celle du porte-parole de l’ASSÉ, « complètement déculotté par la force » du mouvement après avoir été parmi les « les premiers à douter », selon ses dires. Dans la capitale, 4 167 étudiants sont « en grève » à l’Université Laval en date d’aujourd’hui (source) sur une possibilité de plus de 45 000 et aucun des cégeps n’a voté pour l’arrêt des cours, même à Limoilou reconnu pour son militantisme étudiants. Pas étonnant qu’un éditorialiste du Journal de Québec ait titré une de ses chroniques « Un flop » le jour où un nombre d’étudiants inférieur aux attentes a participé à la manifestation organisée par la CLASSE le 1er mars dernier à Québec. En page deux ce matin au Soleil, même le patriarche Paul-Gérin Lajoie y est montré comme se rangeant du côté du gouvernement…

Pourtant, la situation préoccupe beaucoup les citoyens, jeunes et moins jeunes, de la région de Québec. Les images à la télé montrent un portrait différent – perturbant – empreint de vives tensions à Montréal, en particulier. Le passage hier soir de la ministre de l’Éducation Line Beauchamp à l’émission Tout le monde en parle n’a rassuré personne : tout le monde reste sur ses positions, la tension risque de monter.

Le canal de communication semble résolument coupé entre ceux qui représentent les étudiants et le gouvernement. Il faut se demander si la stratégie de personnaliser le conflit avec le porte-parole de l’ASSÉ est la bonne (ajout: victimisation ?). Violent au point de briser les lunettes d’une employé du bureau du comté de la ministre serait le jeune homme et sa bande ? Après cette allusion, on voit mal comment le ton des étudiants pourrait descendre…

Je suis de ceux qui sont partisans du dégel des frais de scolarité, mais comme ex-directeur d’école, je suis bien obligé de dire que la grogne des étudiants a quelque chose de sain. Notre jeunesse nous donnerait l’impression d’être bien molle si elle se mettait à accepter sans protester des mesures qui n’ont jamais passé comme lettre à la poste chez leurs prédécesseurs. Même à Québec, les jeunes me paraissent être en majorité contre la hausse, même s’ils n’ont pas voté « la grève ». Gardons cela en tête.

Aujourd’hui 19 mars 2012, au jour précédant le discours du budget, la ministre Beauchamp a un gros problème sur les bras et elle ne semble pas le réaliser. Il lui faut trouver une porte de sortie honorable aux leaders étudiants. Le conflit ne peut se terminer sans un effort réel de reprendre le contact avec les étudiants. Bien sûr, tant que la position du gel reste la seule défendue par les « assos », les fenêtres d’opportunités sont à peu près inexistantes. Mais il faut ouvrir un canal, pas les fermer un à un avec fracas.

Les responsables de la progression de la mobilisation des étudiants semblent avoir réalisé qu’ils ont fait le plein d’étudiants puisqu’ils se tournent maintenant vers les différents syndicats et les parents pour gonfler leurs chiffres. Quelqu’un au gouvernement devra accepter d’au moins rencontrer les étudiants et rétablir le dialogue pour chercher un espace qui pourrait leur permettre de montrer que leur combat n’a pas été vain. Dans tout conflit avec des jeunes, il n’est pas possible d’écraser à 100% leurs revendications sans briser quelque chose d’important dans leur estime. Mme la ministre, fermeté dans vos convictions ne signifie pas vouloir briser nos jeunes pousses !

Est-ce que ça pourrait être du côté de l’aide financière, de l’accessibilité en général des études universitaires, de la gestion des universités ou même d’un certain étalement de la hausse annoncée ?

Le problème de la ministre actuellement est qu’elle se bouche les oreilles et les yeux comme l’avait fait auparavant Jean-Marc Fournier, peu de temps avant que le premier ministre ne le tourne en ridicule avec un volte-face mémorable dans le dossier de la création d’une commission d’enquête sur la construction.

Si j’étais la ministre Beauchamp, je tenterais de rétablir un dialogue avant que le premier ministre refasse le même coup qu’au ministre de la justice pendant le 31e congrès du Parti libéral du Québec. À ce jeu-là, elle a beaucoup plus à perdre que le premier ministre qui peut sortir un lapin de son chapeau, sans avertissement, gestion de crise oblige. Elle aura passé pour une ministre insensible et obstinée.

Attention Mme Beauchamp de ne pas être utilisée à vos dépens…