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Tadoussac: les festivaliers n’en ont rien à foutre de la pluie

C’était ma neuvième fois au Festival de la chanson de Tadoussac et ce n’était que la deuxième fois qu’il y pleuvait plus d’une journée. Habituellement, le plus gros des petits festivals est béni par le soleil et le beau temps.

Il y avait donc moins d’action dans les rues et sur la plage. Il y avait aussi moins d’artistes s’appropriant les rues et les parcs. Il y a quelques prestations extérieures qui ont été annulées, comme le Lever du soleil aux dunes, avec les Chercheurs d’or, le Tour de l’Islet avec Patrice Michaud, De Temps Antan et Lior Shoov. Les prestations sur les plages et en kayak aussi. Coup dur et déception.

La pluie n’a toutefois pas gagné la guerre. Je n’ai vu aucun festivalier amer, aucun artiste frustré ou dépité, aucun bénévole afficher une mine basse. Le sourire dominait quand même, parce que Tadoussac demeure un moment unique et magique. Les salles débordaient, les ambiances étaient chaudes, les prestations étaient généreuses. Il n’y avait que moi qui ai soupiré de perdre quatre plateaux de tournage extérieur!

Je n’ai pu vous faire de retours quotidiens, trop occupé et fatigué en fin de journée pour y mettre de l’énergie. Voici donc un regard rapide, un résumé des quelques spectacles vus. Beaucoup moins que d’habitude.

Jeudi, j’ai commencé la soirée avec Mordicus, groupe rock francophone qui a encore pas mal de croûtes à manger. La formation du Saguenay n’a pas la fougue des Breastfeeders, ni le tonus des Dales Hawerchuck ou la finesse d’un Galaxie. Il manque aussi une direction claire. Lorsque le groupe se mettait à faire un blues-rock très années 80, à la Gerry Boulet comme ils ont revendiqué durant le spectacle, ça allait. Toutefois, parfois ils tentent de s’approcher d’un rock plus actuel ou plus éclaté et là, c’est décevant. Le pire, toutefois, à mes yeux, est la présence scénique du chanteur. J’avais l’impression qu’il a appris par coeur les gestes de Mick Jagger et qu’il les refait maladroitement. Il a presque fait la poule! Au moins, ça m’a fait rire.

La formation française reggae Danakil avait la chance de faire danser l’Auberge de jeunesse de Tadoussac. Le style finit toujours par me lasser après quelques chansons, mais je dois reconnaitre qu’ils le font bien. C’est efficace et la foule a bien répondu à leur rythme dansant.

Un de mes bonheurs du festival suivait au Café du fjord avec Les Hôtesses d’Hilaire. Le groupe du Nouveau-Brunswick nous balance un rock solide, dans la livraison comme dans la composition. L’orgue qui les accompagne est un délice. En plus, le chanteur, mon presque sosie Serge Brideau, est génial. Un charisme de fou, un don pour raconter des anecdotes, une belle grosse voix. Du bonbon. Reste plus qu’à avoir leur album en vinyle. Le groupe travaille là-dessus, à ce qu’ils m’ont dit…

J’ai terminé cette soirée avec Qualité Motel. Je n’ai vu qu’une seule chanson, le temps de satisfaire ma curiosité de cette autre version de Misteur Valaire sur scène. On reconnait bien leur énergie et leur plaisir de la mise en scène. Les gars sont sexys (essaient du moins) et généreux. Ils ont beau dire en blaguant qu’ils donnent tout pour le public, il y a clairement un fond de vérité là-dessous. Des gens qui n’aiment pas l’électro m’ont confié y avoir dansé allègrement!

Photo de Michel Pinault
Photo de Michel Pinault

Vendredi soir, mon principal but était de voir le spectacle de Betty Bonifassi. J’ai toutefois eu du temps pour voir Garoche ta sacoche avant. Faisait un bout que j’écoutais leur chanson, mais je n’avais jamais vu sur scène le duo de Québec et je savais que ça devait être là que prendrait tout son sens leur univers basé sur la dérision. Comme prévu, leur humour fonctionne beaucoup mieux. Il leur faudra trouver une façon de mieux le transposer sur album, ce qui n’est pas évident.

Accompagnée d’un batteur et d’un bassiste maniant aussi le laptop (JF Lemieux), Betty Bonifassi est venue présenter son projet Chants d’esclave, chants d’espoir, au sous-sol de l’Église de Tadoussac. Tout était en puissance: sa voix, la basse, la batterie, la fougue. Un super travail. Parfois les chansons sont déconstruites, très loin du chant d’esclave, parfois on y reconnait la forme typique. Le résultat est très électro, très dans ta face, mais très dansant aussi. La foule en aurait pris beaucoup plus, comme moi, mais Betty avait présenté tout ce qu’elle avait. Un album sortira en septembre. Oh que oui!

Samedi, j’ai pu entrer dans le très couru spectacle de Lior Shoov. Il faut dire que c’était elle, le «buzz» de Tadoussac cette année et que le lieu où elle jouait est très petit (Le Gibard, pour ceux qui connaissent). Israélienne d’origine, elle chante en français, en anglais, en hébreu. Beatbox, instrument inventé, utilisation de la foule. Elle grimpe sur les comptoirs, les tables. Elle hypnotise et réussi à imposer une écoute religieuse dès les premières notes. De la chanson éclatée, de la chanson touchante, de la chanson surprenante. Pour mieux comprendre le phénomène, je vous invite en toute humilité à visiter la captation que j’ai faite avec La Fabrique culturelle.

Mon festival s’est terminé avec Les Soeurs Boulay et les Hay Babies qui ont présenté un spectacle unique, spécialement créé pour le Festival de la chanson de Tadoussac. Leur répétition s’est même faite dans le sous-sol de Catherine Marck, la directrice de la programmation. Elles ont mis sur pied huit chansons communes, provenant de leur répertoire. Huit chansons où les Babies chantent les Soeurs et vice versa.

Les Soeurs Boulay et les Hay Babies en pleine répétition
Les Soeurs Boulay et les Hay Babies en pleine répétition

En un seul mot: beau. Le mariage des voix? Beau. Leur plaisir de jouer ensemble? Beau. Des versions près de leurs racines, aux apparences minimalistes? Beau. Pour insister avec le mot, je dirai que c’était un très beau coup du festival.