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Déprime médiatique, la suite

Hier soir, dans un élan d’émotion, je vous partageais une déprime face à la situation médiatique actuelle, avec Radio-Canada, les radios de Québec, Le Soleil, …

Ce matin, j’apprenais que les correspondants de l’Est-du-Québec, donc Bas-Saint-Laurent, Gaspésie et Côte-Nord, étaient flushés. Rien pour aider à ne plus être en crisse.

J’ai déjà été parmi ces correspondants, j’ai des amis qui le sont pour quelques semaines encore. Au-delà de cette charge plus personnelle, je pense surtout à un combat, on peut dire ça ainsi, qui me tient à coeur depuis mes six années vécues en région: la non-représentativité de celles-ci dans l’univers médiatique.

Je ne sais pas comment Gesca compte couvrir les régions par la suite, mais j’ai peur. Il va faire quoi quand un autre déraillement de train et un déversement de diesel se reproduiront sur la Côte-Nord? Il va faire quoi pour couvrir Cacouna? Je salue au passage Québecor qui a engagé des correspondants en région lorsqu’il a vendu ses hebdomadaires régionaux.

ICI Radio-Canada Première a enlevé ses émissions régionales les fins de semaine, il ne reste que les émissions du matin et du retour. Le Soleil met fin à ses contrats avec ses correspondants de l’Est. Je suis triste pour les régions. Des tribunes de moins, des relayeurs de moins. Sans parler des CLD…

AJOUT: La FPJQ-Gaspésie dénonce ces compressions. «Leur disparition nous apparaît d’autant plus choquante qu’elle survient en des temps où la qualité et la diversité de l’information sont durement malmenées et alors qu’on tend de plus en plus à confondre répétition avec information et multiplication des plateformes avec contenu.»

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Autre tendance qui ajoute à ma déprime est la «buzzfeedéïsation» de certains médias, en particulier le Journal de Québec (j’imagine que celui de Montréal fait pareil, mais je le suis moins, étant un gars de Québec).

Voyons un peu les titres de BuzzFeed.

BuzzFeedTitres

Leur force et but avoué est de susciter la curiosité, d’être cool, drôle, «funny», bref, d’accrocher le lecteur avec un titre qui donne envie de cliquer.

Ils ont fait plein de bébés, comme BuzzFil.

BuzzFilTitre

Sur ces médias, tout est «INCROYABLE!», «RENVERSANT» ou «VOUS N’EN REVIENDREZ PAS». Un peu comme les contenus «Exclusif» trop abondants, trop c’est comme pas assez. Ce n’est pas vrai qu’un vidéo d’un chien mangeant un cornet est «DÉBILE!»

Le Journal de Québec a adopté cette mode depuis quelques semaines. Des «Top6 de vivre à Lévis» aux «10 choses que vous ne savez pas sur Sept-Îles», il y a un virage assumé.

J’ai regardé un peu les titres des derniers jours du média et voici ce que j’ai trouvé.

Des textes «MALADE MENTAL!»

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Des titres qui nous aident à savoir quoi penser de la nouvelle, quitte à déroger de la neutralité journalistique.

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Des tops plus fous les uns que les autres.

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Ça me rappelle qu’il y a quelques mois, Sympatico recherchait un nouveau blogueur. Dans ses critères, on voulait une personne qui souhaitait devenir célèbre, susciter des clics, à devenir viral, à avoir du klout. Ce n’était pas tout à fait dit comme ça, mais c’est ça que ça voulait dire. Je me souviens que ça m’avait dégoûté et déprimé.

Le résultat donne un blogueur qui a toujours recherché une reconnaissance sur les réseaux sociaux et qui n’a pas peur de mettre de l’avant son opinion, qu’importe si c’est basé sur rien du tout, du moment que l’opinion se propage!

Peut-être parce que je n’ai jamais fait ce métier pour être reconnu, au point que je me suis nui à tant me complaire dans l’ombre et à ne pas faire circuler tout ce que j’ai fait depuis 13 ans, mais ce culte du clic me fait chier.

Je crois fermement qu’on peut faire des trucs de qualités et rejoindre un large public. Je ne suis pas contre la légèreté. J’en lis aussi des trucs de style «Top 10 de». J’ai écrit des textes légers, j’ai écrit des chroniques niaiseuses. J’ai fait des émissions de radio très «Série B», pour le plaisir de le faire. Mais lorsque le but premier est d’attirer le clic, je sors de la pièce.

Bordel, tout ça, ça me gosse. Je me demande régulièrement ce que je fous dans les médias. Je crois profondément en l’idéal du média, au contre-pouvoir, à cette possibilité de mettre en lumière des situations, des citoyens, des talents, de dénoncer des injustices, des cas problématiques, des dérapages. Mais l’industrie, elle, m’énerve souvent.

Suis-je en train de m’acharner dans un idéal qui n’existe pas?