Je reviens quelques jours plus tard sur une anecdote. À l’annonce de la mort de Jacques Bertrand, Jeff Fillion a tweeté ceci:
Mon but n’est pas de revenir sur Jeff Fillion. Des gens qui ne savent pas qui est Jacques Betrand, c’est facile en trouver. Cela peut être plus curieux de la part d’un artisan des médias, plus spécifiquement de la radio, mais ça se peut. Jeff Fillion s’est surtout inspiré des radios américaines et non de la radio publique québécoise.
Pointer du doigt sa méconnaissance de Jacques Bertrand est aussi de mauvaise foi que la manière dont il a annoncé publiquement qu’il ne le connaissait pas, en sous-entendant qu’on s’en fiche de sa mort. Je présume ici cette intention, parce que si sa question était réellement « Qui est-il? » suivi d’un article qui explique ce qu’il a fait dans sa vie, alors ça ne sous-entendrait pas une mauvaise foi, mais une étrange stupidité.
Au-delà de cette mauvaise foi, ça m’a rappelé tous les «Who the fuck is Karkwa?!» ou «What the hell is Arcade Fire?!» ou encore «Who the fuck is Paul McCartney?!».
Tout ça est à la fois anecdotique et symptomatique. Ça démontre une tendance de plus en plus grave d’une suffisance personnelle, d’un manque d’humilité, d’une forme de perception nombriliste du monde. À l’époque, Rome était le centre de l’univers, aujourd’hui, c’est soi-même.
Si on ne connait pas ça, c’est que ça doit être de la marde. Rien de moins. Si je ne m’intéresse pas à ça, c’est que ça doit être de la marde. Comme si nos intérêts étaient une question de valorisation de soi plutôt qu’une simple question de goût.
Ça a l’air con, mais c’est symptomatique de cette idée de l’utilisateur-payeur, de cette incapacité de se mettre dans la peau de l’autre, d’un manque d’empathie généralisé, d’un nivellement par le bas. Et moi, et moi, et moi.
Moi, je n’ai pas à payer, avec mes taxes, le service que je n’utilise pas. Déjà, on semble oublier le principe de l’impôt, mais cet argument de «moi je n’en profite pas, donc personne ne devrait en profiter» n’en est pas un. Ce type de raccourcis revient aussi régulièrement dans le salaire des employés de l’État et des fonds de pension. Si, moi, le commis d’épicerie, je n’ai pas de fonds de pension, alors le fonctionnaire ne devrait pas en avoir. Il y a là-dedans un égocentrisme hallucinant. Moi, je peux profiter de certains privilèges, mais que je n’en vois pas un en avoir autour de moi. Parce que rares sont ceux qui pointent du doigt ces «injustices» et qui les refusent lorsqu’ils en profitent.
Je m’égare? Je vois des tendances qui me semblent similaires, avoir une racine commune. Un manque d’ouverture d’esprit, un narcissisme banalisé, fortifié par une pseudo-norme, déguisé en justice sociale. «Pas moi, pas moi, pas moi», comme le disait l’autre jour Mathieu Charlebois.
Et si, dans le fond, c’était mon cas qui n’était pas normal? Que ce n’était pas normal de gagner seulement 10$ de l’heure plutôt que d’accuser un autre d’en faire 22$. Et si, finalement, c’était un manque à ma culture générale de ne pas savoir qui est cet animateur qui a donné envie à des centaines de jeunes de se lancer dans la radio?
C’est une attitude que je ne comprends pas. Ce n’est pas de ne pas connaitre quelque chose, le problème. C’est de même pas faire l’effort de se remettre en question, de mettre les choses en perspective. Juste un peu. La vie, ça ne peut pas marcher en «Tu es avec moi ou contre moi», ou la déclinaison «Tu es comme moi ou contre moi».
Et moi, et moi, et moi.
http://youtu.be/GRaAghtPFRE
Tiens, une question pour les adeptes de cette pensée: Qui est sir Alexander Flemming ?
Vous ne connaissez pas ? Sans doute qu’il n’a rien fait d’intéressant et qu’on devrait jeté à la poubelle son œuvre ?
Eh bien, c’est le découvreur de la pénicilline, le premier antibiotique et celui qui est ;a la base de l’immense majorité d’entre eux. Sans cet « inconnu pour la masse », une grande partie d’entre nous, ou des parents ou des enfants à nous, seraient aujourd’hui morts.
Inconnu donc sans intérêt ?
Et ce n’est qu’un exemple parmi des milliers possibles dans tous les domaines.
Et cette attitude de nier l’importance des gens qu’on ne « connaît » pas ou dont on se fiche, est d’autant plus risible qu’elle étale:
1) une grande ignorance (dont on semble s’enorgueillir)
2) un grand mépris de gens dont on n’a pas réussit à égaler les réalisations
Et c’est d’autant plus curieux que les personnalités publics (Fillion, Martineau, etc.) qui régulièrement étale leur ignorance et ce mépris de ceux qui ont réalisé plus qu’eux sont les mêmes qui hurlent le plus fort pour dénoncer une soit-disant tendance des Québécois à « niveler par le bas » et à « jalouser » ceux qui ont « réussi ».
Ce n’est pas un accident. Je vous suggère de regarder le documentaire « The Century of the Self »: vous apprendrez comment le nombrilisme ambient a été cultivé, encouragé, subventionné même.
Et ensuite demandez-vous à qui le crime profite…
Je suis tellement d’accord! Y avait eu de quoi du genre aussi avec Lhasa… mais ici le problème est encore pire. On ne peux pas lui demander de connaître les grands noms de tous les milieux et de toutes sortes d’élites (philosophie, médecine, cinéma, musique, etc.) ou d’avoir une culture générale (si l’effort est trop grand…) ça peut aller… par contre ici il s’agit de son propre milieu, même s’il n’est pas dans le même crédo, il doit savoir un minimum qui sont les autres qui ont marqués à leur façon les médias, du moins ses contemporains, étant lui-même dans ce domaine… Comme un jeune réalisateur s’intéresse à savoir ce qui a été fait dans l’histoire du cinéma… en fait ça c’est s’il s’intéresse vraiment au métier qu’il fait et à être professionnel….(j’ai jamais compris la fierté de montrer son ignorance…) Est-ce qu’à l’école des médias on leur dit aussi que la radio est également un bien culturel et qu’à force de « basher » sur la culture il se tire non pas dans le pied mais directement au coeur… c’est bien beau avoir des opinions mais quand la réflexion derrière est inexistante ça manque de crédibilité et surtout de pertinence…
C’est idiot, d’accord, mais n’oubliez pas que le narcissisme et le nombrilisme est maintenant présent autant à gauche qu’à droite.
L’humanité est à chier et on ne peu plus se protéger.
Global.
« Who the Fuck is Mickaël Bergeron ? «
Who the Fuck is lui?