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Le monde sera meilleur ou pourquoi être idéaliste

Le monde sera meilleur d’Édith Patenaude est une drôle de bibitte.

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Tout d’abord, c’est une pièce de théâtre qui prend d’assaut les décors des autres pièces que présente Le Périscope lorsqu’il n’y a pas de représentation. En fin de semaine, elle s’emparait du décor de L’éveil, puis ce sera celui de Tribus, plus tard, et de Grace, en février, pour finalement faire sien l’univers de S’aimer, en mars.

Il y a le ton, aussi. Entre le récit d’anticipation et le manifeste, entre la réflexion personnelle, l’acte brute et la mise en scène ficelée et calculée. Édith Patenaude, qui a écrit, mit en scène et s’interprète, joue avec le vrai et le faux, du début à la fin, ou presque. Même si l’émotion est palpable à la fin, même si la fragilité n’est pas jouée, même si Édith se confie comme si c’était spontané, même ça, ça aura été répété.

Avait-on besoin de broder autant de fiction? De nous plonger dans quelques mois après un fatal krach, qui mettra à la rue plus seulement la Grèce et l’Espagne, mais aussi l’Europe, les États-Unis et le Canada. Même le Canada qui « aura élu les Conservateurs juste pour sauver son économie » et son système bancaire si stable.

On n’en avait probablement pas besoin pour passer le message, ou pour rendre l’émotion, mais cette histoire fictive d’un couple qui perd tout et qui mène le père de la jeune trentenaire à la mort est la sève de cet arbre aux multiples branches.

Si le tronc est la quête de sens, les branches vont gratter plusieurs réflexions, à différents niveaux: le système capitaliste, la bonté, l’amour, le lien parental, nos relations avec les autres, l’égoïsme, la carrière, la vengeance, la responsabilité individuelle et sociale, le gouvernement, le théâtre et j’en oublie sûrement.

Entre le kidnapping d’un spectateur au tout début de la représentation, entre cette critique sociale, entre ce procès d’un conseiller financier, entre cette fille qui pleure son père, il y a surtout Édith Patenaude qui s’ouvre. Derrière les personnages, ce sont ses réflexions. Et rien n’est caché. Le jeu est mis de l’avant et souligné à gros trait. «Ce qu’on vient de vous dire, c’est écrit», dit-elle après une confidence.

On réfléchit, on rigole, on s’émeut. Le monde sera meilleur est un vent changeant, qui secouera tantôt nos propres branches, ou les flattera.

Par ce théâtre, Édith semble nous expliquer son idéalisme – ou pourquoi elle le demeure, malgré tout ce qu’elle gratte. Les principes, les idéaux, les valeurs, l’amour, surtout, tout ça, permet de construire le futur. Elle n’abandonne pas, parce que malgré les tendances lourdes, demain n’est pas encore écrit et tout peut changer encore. Elle nous invite à viser le meilleur plutôt que de se contenter du moyen.

Là où le message réussit le mieux, c’est justement lorsque Édith Patenaude s’ouvre, se confie. Si elle craint que son spectacle, au final, ne soit qu’une autre histoire qui parle du sens de la vie, elle réussit son coup lorsqu’elle laisse tomber les personnages. Pas parce que ce qu’elle dit est nouveau, mais parce que c’est dit avec fragilité et humilité.

Finalement, en plus d’être la sève, la fiction qu’il y a dans Le monde sera meilleur est peut-être le dernier bouclier que l’auteure s’est gardé, afin de pouvoir affronter le public. C’est une chose de jouer devant des dizaines de personnes, c’est une chose de livrer des émotions fortes, de jouer la tristesse, la vulnérabilité, c’en est une autre de se présenter, sans artifice.

Comme tu nous as parlé presque personnellement, à la fin de ta pièce, je me permets moi aussi de te parler presque personnellement. Tu as peur de virer en psychopop, mais tu es à des lieux de ça, Édith. Tu ne fais aucune morale, tu nous partages tes impressions avec humilité. La psychopop tend à vouloir nous convaincre alors que toi tu sembles simplement vouloir t’ouvrir à nous.

Comme toi, je trouve la vie absurde. Elle n’a aucun sens. Comme toi, je pense qu’elle prend le sens que l’on veut lui donner. Tu as parlé d’amour. Il n’y a pas longtemps, j’écrivais aussi que l’amour était le «sens» de ma vie.

Je vais même me citer. «L’amour au sens large. L’amour familial, l’amitié, l’amour passionnel, l’amour profond, l’amour de soi. Rien de « peace and love » là-dedans. L’amour que nous auront donné ou ne nous auront pas donné nos parents a un impact sur toute notre vie. Les amitiés qui se nouent et qui se dénouent nous construisent, nous fortifient, nous stimulent et nous épuisent. Les passions nous inspirent, nous motivent, nous poussent. L’amour profond est comme les courants marins, parfois imperceptibles, mais cruciaux et aux influences insoupçonnées et plus grandes que les fluctuations quotidiennes. L’amour de soi définit nos relations avec tout le reste.»

On cherche non seulement à être aimé, mais on a aussi besoin d’aimé et de s’aimer. Je crois profondément que cela guide la vie de tout le monde, inconsciemment ou non. Et le pire, c’est que tout ça peut être tout aussi profondément égoïste.

Même si j’ai trouvé que tu aurais pu encore plus ramener ça à toi, j’ai aimé ta pièce. Elle va au-delà des qualités artistiques, c’est humain. Merci, pour ce partage.

***

Le monde sera meilleur est présenté quatre fois dans la saison 2015-2016 du Théâtre Périscope, dans quatre décors différents.
4-5 octobre 2015 (dans le décor de L’Éveil)
25-26 octobre 2015 (dans le décor de Tribus)
6-7-8 février 2016 (dans le décor de Grace)
19-20-21 mars 2016 (dans le décor de S’Aimer)
Samedi 20 h – Dimanche 16 h – Lundi 19 h