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La Force, le destin et le pardon

Comme plusieurs personnes, j’ai réécouté les six premiers films de la série Star Wars avant d’aller voir le septième sur un grand écran en fin de semaine – un autre truc pas original.

Ne vous attendez pas à une critique du film ici, j’ai des collègues qui l’ont fait déjà et d’autres qui le feront encore, sans parler de tous les commentaires émis partout sur les Internets par à peu près tout le monde.

Outre que les épisodes I, II et III auraient vraiment pu être meilleurs et que George Lucas n’aurait jamais dû retoucher ses films originaux avec de maladroites retouches infographiques, quelque chose m’a particulièrement touché dans le long parcours d’Anakin et de Luke Skywalker… et qui semble se continuer avec Kylo Ren/Ben Solo – je viens de faire un divulgâcheur et je l’assume pleinement.

Bien sûr, il y a cette grande philosophie du Bien et du Mal, du côté lumineux et obscur de la Force. D’ailleurs, c’est fou comment j’ai pu être influencé par Yoda dans ma vision du Bien. Je suis incapable de la moindre miette de haine et c’est sûrement de sa faute. «La peur est le chemin vers le côté obscur : la peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine… mène à la souffrance.», ça m’est foutrement rentré dans la tête.

Au-delà de cette vision manichéenne du Bien et du Mal, il y a un fatalisme vraiment troublant. À écouter Obi-Wan, Yoda et compagnie, on dirait que dès que tu mets un pied dans le côté obscur, c’est foutu. C’est un suicide. L’image est là: Dark Vador a tué Anakin Skywalker lorsqu’il a plongé dans le côté obscur. Kylo Ren a tué Ben Solo. C’est littéralement dit comme ça.

La doctrine Jedi martèle tellement que le premier pas mène vers le second qui mène vers l’autre et que, finalement, on marche dans l’obscurité le temps de dire «Tatooine» que se dire qu’il est trop tard dès le premier pas est un réflexe presque normal.

Je ne veux pas ici lancer un débat sur la transformation d’Anakin en Vador, sur quel geste a été celui de trop, sur les différentes étapes et sur la source de sa noirceur ou de la lumière en lui. Je me demande à quel point Lucas a volontairement voulu écrire sur le fatalisme et sur le pardon.

Le plus gros problème d’Anakin Skywalker n’est pas qu’il ait pété une coche en trouvant sa mère morte, ni qu’il soit devenu dingue à l’idée de perdre celle qu’il aime – bien que ses réactions et gestes étaient vraiment cons -, mais qu’il était convaincu qu’il est toujours trop tard, qu’il ne se pardonne rien et qu’il n’arrive pas à gérer sa souffrance.

Ce problème, nous sommes plusieurs à l’avoir. Je l’ai. Autant je pardonne tout à tout le monde, autant je suis bon pour me casser du sucre dessus. Je me suis planté, c’est évidemment la preuve que je ne pourrai jamais réussir. Elle m’a laissé, c’est évidemment le signe que je vais être seul toute ma vie. Je me suis déçu, je ne pourrai que me décevoir tout le temps. Je me dit tout ça, je suis donc con.

On passe notre temps à faire des erreurs. Certaines erreurs sont plus dures, ont des impacts plus importants, mais il n’y a jamais rien de figé dans le temps. Il y a même des erreurs très saines ou qui nous ouvrent des opportunités inattendues.

Je crois profondément à la rédemption et à la réinsertion. Tous les pires trous du cul peuvent changer. Ils ne changeront peut-être pas tous, mais tous le peuvent. Si je pense que tous les autres peuvent apprendre de leurs erreurs, alors moi aussi je le peux. Luke voyait encore du bon en Dark Vador. Leia et Han voient encore du bon en Kylo Ren. Tu me déçois Yoda de ne jamais parler de rédemption.

Je me suis planté souvent. Parfois royalement. Je me suis trompé souvent. Parfois solidement. J’ai été confus encore plus souvent. Je me suis enfoncé dans la mauvaise direction à plusieurs reprises. J’ai rien compris de plusieurs situations. Ça m’est arrivé plein de fois, ça m’arrive encore et ça va arriver encore et encore.

On fait mal à des gens qu’on aime. On se fait mal. On passe son temps à trébucher. Le vrai défi de la Force n’est pas tant de ne pas sombrer dans la haine que d’accepter de toujours être en déséquilibre et d’être humble devant le chaos de la vie. On ne contrôle jamais rien, on ne peut que réagir le mieux possible.