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Le Musée de la civilisation vous invite à vous révolter

Avec son exposition 25 x la révolte!, le Musée de la civilisation démontre que même les petites révoltes aux enjeux locaux peuvent avoir un impact mondial. Le documentariste Hugo Latulippe a eu la mission de monter une exposition revenant sur 25 années de luttes citoyennes.

25xlarevolte

Une tâche assez colossale. On l’oublie, parce que plusieurs trucs vont mal et qu’on continue de se faire avoir, mais les peuples ont cette bonne habitude de se révolter souvent. Ils semblent même le faire de plus en plus souvent et de plus en plus massivement. Derrière cette caricature de l’occidental adorant son sofa se cache des citoyens et citoyennes qui veulent changer le monde. L’exposition propose 25 moments depuis 1989 où la population s’est levée.

Malgré ce large éventail, certains pourraient en nommer des absents. Pour choisir les révolutions présentées, Hugo explique avoir discuté avec plusieurs universitaires, en sociologie ou en histoire, pour sélectionner des moments importants. Lorsque la liste a atteint le chiffre magique de cinquante, d’autres considérations ont achevé le tri. «Il y avait des choix esthétiques et de logistiques, explique le cinéaste. Tous ces gens que j’ai interviewés pour l’exposition sont difficiles à rencontrer.» Ensuite, l’équipe souhaitait un équilibre dans les thèmes en mettant de l’avant les autochtones ou les femmes, par exemple.

Le sous-commandant Marcos, porte-parole de l’Armée zapatiste, quittant une rencontre avec des étudiants à Naucalpan au Mexique, le 24 avril 2006. Photo : EPA Photo / David de la Paz, 00698602
Le sous-commandant Marcos, porte-parole de l’Armée zapatiste, quittant une rencontre avec des étudiants à Naucalpan au Mexique, le 24 avril 2006.
Photo : EPA Photo / David de la Paz, 00698602

Nous sommes d’abord accueillis par des citations de Miron, McCarthy, Stiglitz, pour ne nommer que ceux-là. Tous parlent de la révolte. Puis nous tombons sur un grand cercle formé d’un agora, de panneaux informatifs et de courts vidéos qui nous présentent des citoyens qui se sont tenus debout. De la Place Tiananmen en Chine en 1989 à l’élection de SYRIZA en Grèce en janvier 2015, ou les Zapatistes (Mexique, 1994), les Indignados (Espagne, 2011) ou Seattle (1999).

Deux moments québécois sont mis en vedette, dont la récente grève étudiante de 2012. Un souci d’avoir du Québec dans l’exposition? Se démarquent-ils vraiment d’un point de vue mondial? Du pain et des roses (plus de 800 femmes ont marché Québec-Montréal pour conscientiser le gouvernement Parizeau sur l’appauvrissement des femmes) a influencé la politique québécoise, mais a-t-elle eu des échos ailleurs?

«Oui! Du pain et des roses, en 1995, a marqué la scène mondiale, s’élance Hugo Latulippe, tout content de me faire mentir. Françoise David est devenue une figure mondiale du féminisme. Cette marche a influencé plusieurs mouvements féministes dans le monde.» Néanmoins, il admet que l’exposition a un biais occidental, malgré quelques présences de révoltes africaines et asiatiques.

Anarchopanda, mars 2012
Anarchopanda, mars 2012

Me faisant encore l’avocat du diable, je lance à Hugo que plusieurs de ces révoltes n’ont pas tant changé les choses, finalement. Plusieurs mouvements ont accouché d’une souris, de grands espoirs se sont effondrés. On pourrait sortir de son exposition en se disant que tout ça ne donne rien.

Conscient de ma mauvaise foi, il affirme au contraire que tous ces moments ont changé des choses. Chacun de ces événements a défriché le terrain. Seattle n’a peut-être pas changé les accords de libre-échange, mais il a marqué tout le mouvement altermondialiste. Les Indignados ont influencé tout le mouvement Occupy qui lui aussi continue d’inspirer l’art de la manifestation. La Chine connait et connaîtra encore des changements sociaux et la Place Tiananmen en est une pierre angulaire, soutient l’ancien de la Course destination monde.

Tout ça, ajoute Hugo, est un mouvement, qui grandit et qui n’a pas fini. «Je veux créer du mouvement, explique-t-il, je veux que les gens sortent en se demandant comment ils peuvent contribuer au mouvement.» Son exposition se veut un autre caillou brisant une mer qui n’est tranquille que dans les apparences.

Sur le coup, je dois avouer que je trouvais que l’exposition manquait un peu de gaz. Les amateurs de politique internationale, les militants altermondialistes ou les journalistes n’apprendront pas tant de trucs. Sauf que voilà, la majorité du monde n’est pas expert en mouvements sociaux, en luttes citoyennes, en politique internationale, en économie mondiale, en lutte des classes. Et même ceux et celles qui le sont vont trouver un plaisir à visionner les entrevues avec ces révolutionnaires.

Le grand public va non seulement en apprendre beaucoup, visionner de belles entrevues, mais pouvoir mettre en relation ces événements qui peuvent sembler isolés. Voilà ce que c’est, 25 x la révolte!: un beau chantier d’éducation populaire, accessible et agréable à visiter.

L’exposition est présentée au Musée de la civilisation jusqu’au 17 mars 2017.