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L’été, les médias et les révolutionnaires

Aujourd’hui se terminent neuf jours de congé. Je n’ai pas ouvert de courriels, je n’ai pas lu de journaux, sauf hier, je n’ai pas trop suivi les réseaux sociaux, sauf lorsque j’avais dix minutes à attendre quelque part. Bref, je me suis tenu loin de ce qui constitue mon pain quotidien, les médias et l’actualité.

Je m’en allais voir les Hôtesses d’Hilaire aux Francofolies lorsque, dans le métro, une amie a vu sur un écran que Philippe Couillard avait été agressé, elle n’a pas le temps de voir beaucoup d’infos, juste qu’il n’était pas blessé et qu’on ne savait pas trop la nature de l’agression.

On dit que Couillard a été agressé. J’imagine des trucs graves, lourds. Mais je suis en vacances, je passe une soirée avec des amies et des amis et sur le coup, je m’en fiche un peu. Après tout, il n’y a pas eu de coups d’état ou de morts.

Le lendemain, alors que je lis sur le bord du canal Lachine une excellente Revue dessinée, j’ouvre mon cellulaire et j’apprends que l’objet qui a été lancé sur Philippe Couillard était une boule de papier. Je rigole, vraiment. Tout ce temps à croire qu’il avait été agressé alors qu’il n’a été qu’insulté.

Techniquement, une insulte peut bien être une agression, mais le mot ne colle pas. Je me suis demandé qui niaisait qui, dans tout ça?

Imaginons la scène. Dans 10 ans. Philippe Couillard discute avec d’anciens chefs d’État. Elle, un tireur l’a manquée de quelques centimètres. L’autre, une bombe a été déjouée. L’autre a été évacué avant qu’une embuscade ne réussisse. Et là, Couillard lâche «Oh! Je comprends tellement ce que vous avez vécu. Moi aussi, j’ai subi une agression. C’était un soir de juin, une personne m’a lancé une boule de papier!»

Crédibilité de Couillard, zéro.

Le pire, c’est que notre ami révolutionnaire a le même problème. Imaginons encore une scène, dans 10 ans. Esteban Torres est dans un cercle de révolutionnaires. Quelle crédibilité a-t-il comme révolutionnaire en ayant lancé une boule de papier? Il n’inspirera sûrement pas de futurs révolutionnaires. Tu ne peux pas lancer une boule de papier et crier « Viva la revolucion » tout en ayant l’air crédible. À moins que tu sois terriblement pince-sans-rire.

C’est n’importe quoi.

Malgré tout, les médias en général en parlent encore et encore. Ils utilisent le mot agression comme si c’était le bon. Ils tentent d’analyser tout ça comme s’il y avait eu une grande tactique derrière ce geste. Ils se demandent si les policiers auraient pu prévenir ça.

Comment veux-tu prévenir ça? Tu ne peux rien faire pour prévenir une boule de papier!

Sauf que c’est l’été. La «hard news» diminue l’été. La durée des téléjournaux ne varie pas selon l’actualité, c’est toujours trente ou soixante minutes. Ou pire, c’est de la nouvelle en continu! La grosseur des quotidiens ne varie pas selon l’actualité, mais selon le nombre de publicités vendues. Alors même lorsqu’il ne se passe rien, on doit la remplir, cette bête.

Ce n’est pas toujours facile. L’été, plusieurs hauts dirigeants prennent des vacances. De longues vacances. Il y a moins d’annonces, moins de mouvements économiques. À moins d’accidents ou de catastrophes, l’été est un fleuve tranquille, fait pour surfer sur les canicules, les festivals, les accidents de moto et les noyades. Les morsures de chiens aussi se font toujours une belle place l’été.

C’est parfois dur remplir son média, l’été. Je le sais, ça fait une quinzaine d’années que je la nourris, cette bête. N’empêche, de l’extérieur, je ne peux pas m’empêcher de trouver ça ridicule.

Comment peux-tu penser que le public va te croire crédible quand tu beurres épais?

Il y a plein de gens dont on ne parle jamais les autres saisons. Plein de causes. Plein d’injustices. Plein d’artistes aussi. Si l’automne et l’hiver on n’en parle pas par manque de temps, quelle est l’excuse, l’été? On le voit bien qu’il y a la place et le temps, vu celui que l’on perd à donner à des trucs qui n’en méritent pas tant.