La semaine passée, quand on a annoncé qu’il n’y aurait pas de voies réservées sur Laurentienne, j’étais assez surpris de voir la Coalition Avenir Québec (CAQ) se vanter de ne pas voir plus loin que le bout de son nez.
Maintenant, c’est Régis Labeaume et le ministère des Transports du Québec (MTQ) qui réclament ce manque de vision. En fait, ce n’est pas seulement un manque de vision à long terme, c’est se mettre des œillères. Accès transport viables parle même de recul.
Hier, deux nouvelles qui n’offrent pas grand-chose pour le transport collectif. D’une part, le MTQ souhaite élargir l’autoroute Charest entre St-Sacrement et Cap-Rouge (sortie Jean-Gauvin). Ensuite, le maire de Québec a présenté ce qu’il a proposé au MTQ pour l’autoroute Laurentienne, jusqu’au centre-ville.
Sur Charest, selon cet article du Journal de Québec, le MTQ ne compte pas mettre de voies réservées avec la troisième voie. Concernant le projet de Labeaume et la portion sud de Laurentienne, il concède une voie pour le transport collectif. Dans cet article du Soleil, on y lit que le maire juge que 100 autobus par heure, qui serait le flot actuel de cette portion, est le seuil pour mettre une voie réservée.
Je tiens quand même à noter qu’avec Robert-Bourassa et Félix-Leclerc, cette partie de l’autoroute Laurentienne (entre St-Roch et l’autoroute Félix-Leclerc) est probablement l’une des autoroutes les plus utilisées par les autobus. La majorité des express qui desservent les banlieues vers le centre-ville passe par ce segment. Si ça c’est le seuil minimal, on n’est vraiment pas près d’en voir surgir ailleurs à Québec.
Et même si peu d’autobus passeraient par là au moment actuel, c’est assez simpliste comme vision. Peut-être est-ce dû à l’absence de voies réservées? Peut-être que le RTC changerait ses parcours si une voie réservée devenait une option. Peut-être que ça inciterait le covoiturage. Peut-être que ça enverrait le message que le transport collectif est une option viable et non un choix par dépit. En fait, si on ne force pas un peu le transport collectif, il ne se développe pas beaucoup. L’individualisme est un choix par défaut, un réflexe.
Pourtant, Régis s’y connait en infrastructure «sous-utilisée». Pensons au Centre Vidéotron. Sans cet édifice, c’était impossible de voir les Nordiques revenir, là, bien, c’est, en théorie, possible. Si tu n’encourages pas le transport collectif, il ne peut pas se développer.
En fait, ce qui est troublant, c’est que tout le monde semble travailler de son bord. Je ne sens pas de plan commun. Le MTQ regarde ses chiffres et propose ses affaires. La Ville de Québec regarde ses trucs et propose ses affaires. Le RTC fait ce qu’il peut dans tout ça, j’imagine. Pourquoi cette impression que les trois ne se consultent qu’une fois leur idée faite? Il est où ce plan d’urbanisme mixte, avec tous les intervenants impliqués, une synergie et une intégration structurante? On ne peut plus, aujourd’hui, concevoir des plans sans penser au transport en commun, aux vélos, aux piétons et aux voitures.
En plus, là, c’est seulement un plan pour les cinq prochaines années. Parce qu’il ne faut pas se leurrer, les problèmes de congestions ne seront pas réglés avec les voies supplémentaires. Peut-être au début, mais ça ne durera pas. Aucune ville n’a réussi à régler ses problèmes de trafic en élargissant ses autoroutes seulement. Il faut aussi un plan pour le transport collectif, il faut aussi diminuer l’achalandage. L’automobiliste est attiré par les voies d’autoroute comme un papillon se garoche sur n’importe quel fanal.
Pour perdre du poids, tu ne peux pas juste bien manger, ou juste bouger, tu dois faire les deux (et je sais de quoi je parle!).
Aux États-Unis, en 2008, on a élargi une autoroute à la mode américaine. La Katy Freeway a, attention, 26 voies. C’est complètement débile (et insensé)! Malgré ces milliards et cette autoroute obèse, la circulation est à nouveau coincée, moins de dix ans après son inauguration. C’est même plus lent maintenant que ce l’était avant, selon le Houston Tomorrow.
Cet exemple en est qu’un parmi d’autres. Des études sur ce phénomène, il en existe plein. Des cas concrets où les élargissements n’ont rien réglé, il en existe plein. Les cas de réussite sont ceux où on a misé sur le transport collectif.
Pourtant, à Québec, on persiste. Vieille-Capitale de l’automobile.
Tellement vrai. Cela semble tellement difficile de sortir des vieux schèmes de penser. Même quand ils ne fonctionnent pas, on s’y accrochent comme si c’était la seule façon de faire et que toute idée différente est une hérésie.