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Question de poids

Admettons que Marie-Mai apparait à un moment donné à une entrevue à la télévision et qu’on remarque qu’elle a dû prendre un bon 50 livres, si ce n’est pas plus. Est-ce qu’il y a quelque part un animateur ou une animatrice qui dirait: «Marie-Mai, on le voit, tu as pris beaucoup de poids, comment c’est arrivé? Qu’est-ce que tu as fait?»

Les réseaux sociaux s’enflammeraient pour le manque de délicatesse, pour l’intrusion dans la vie privée, etc. Alors, pourquoi le faire dans l’autre sens?

La pauvre Katherine Levac fait parler d’elle parce qu’elle ne veut pas parler de sa perte de poids. Le Sac de chips et La Presse en parlent: «Katherine Levac ne commente pas sa perte de poids». Sérieusement, où est la nouvelle là-dedans? Fait-on une nouvelle chaque fois qu’un artiste ne veut pas parler de ses enfants? De son ou sa partenaire de vie? De ses parents? De son cancer? Tant mieux pour ceux qui ont envie de le faire et tant mieux pour les personnes qui préfèrent ne pas le faire. Que les médias qui s’abreuvent de ça le fassent avec ceux qui ont envie d’en parler.

Même si ce n’était pas nécessaire, je ne blâme pas l’équipe des Échangistes d’avoir soulevé la question. Elle est à la télévision, tout le monde la voit, et parfois c’est mieux de faire dire à l’invité qu’il ne veut pas en parler que d’éviter l’éléphant dans la pièce. Et je n’ai pas écouté l’extrait, alors je ne commente pas l’entrevue. Je m’attarde plutôt au fait que des médias évoquent qu’elle a refusé d’en parler.

Oui, les histoires de pertes de poids peuvent être inspirantes. Comme les histoires de personnalités qui à un moment décident d’afficher leur homosexualité peuvent être inspirantes. Ça peut être inspirant parce que ce sont encore des groupes sociaux ostracisés par monsieur et madame tout le monde et qu’on a de beaux exemples de résilience, etc.

Sauf qu’il y a une manie à forcer les gens à en parler. À chaque fois qu’une personnalité publique perd du poids, les médias se sentent obligés d’en parler. Pas juste les revues à potin, tout le monde. Ils y passent tous: Michel Charette, Laurent Paquin, Marc Hervieux, Antoine Bertrand et là Katherine Levac.

Même si parfois c’est fait avec respect et sensibilité, il se cache toujours derrière ce sous-entendu: vous étiez moche, maintenant vous rayonnez. Je le répète, l’histoire peut être inspirante, mais cette stigmatisation continuelle, ce soulignement automatique d’une perte de poids envoie le message qu’on est automatiquement mieux lorsqu’on devient plus mince. Le message est lourd.

Les raisons qui mènent à une perte ou à une prise de poids sont très variées et ne reposent pas toujours sur de belles raisons. Une dépression peut mener à prise comme à une perte de poids. Une peine d’amour aussi. Ou trouver l’amour. Et des fois, il n’y en a pas de raison. Parfois, on n’a pas envie de parler de nos démons.

Même si c’est bien intentionné, il demeure un pointage du doigt, un isolement social. Tu étais différente, comment es-tu devenue normale? Montre à ceux et celles qui ne le sont toujours pas comment le devenir.

Parlons-en avec ceux qui l’offrent d’emblée d’en parler. Il y en a plein.

Surtout, cessons de toujours parler du poids des gens. Le fait de ne parler que de ceux qui perdent du poids peut donner l’impression de parler de l’obésité d’une manière positive. Sauf que féliciter une personne de se «sortir» de l’obésité envoie le message que l’obésité est toujours un problème.

L’idée n’est pas de rendre le sujet tabou, au contraire, c’est de le rendre banal. Tellement banal qu’on ne se sent pas obligé de toujours le souligner. Juste quand ça adonne.

On ne devrait pas avoir à féliciter Marianna Mazza d’assumer sa petite bedaine. On ne devrait pas souligner la présence ou l’absence de bedaine chez les autres, en fait. Pas parce que c’est impoli, mais parce que ça ne devrait pas être plus spécial que la couleur de nos cheveux.