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Marcher et se péter la gueule

Je ne me considère pas comme un grand marcheur. La distance que je parcours entre mon bureau principal et ma résidence se marche en une vingtaine de minutes. Si j’ajoute les va-et-vient entre chez moi et des sorties utilitaires ou de loisirs, je dois marcher en moyenne une heure par jour peut-être.

Pourtant, il n’y a pas une fois où je sors dehors, cet hiver, où je ne me fais pas la réflexion que les trottoirs sont vraiment merdiques, dangereux, et que les piétons se font niaiser par la Ville de Québec. J’ai l’impression, comme piéton, de me faire traiter de la manière que le gouvernement Couillard traite les bénéficiaires de l’aide social, comme des moins que rien qui devraient se trouver chanceux d’avoir le peu qu’ils ont.

Comment la Ville de Québec, l’administration comme ses élus et élues, peut prétendre qu’elle fait tout ce qu’il faut pour que les citoyens et les citoyennes puissent se déplacer en toute sécurité sur son territoire?

Oui, la météo n’aide pas. Gel, tempête, dégel, pluie, gel, ce n’est pas facile à gérer. De plus, il y a des trottoirs qui sont plus ensoleillés que d’autres. Néanmoins, c’est bien plate, mais ça ne peut pas expliquer la très piètre qualité des trottoirs.

Si on réussit à rendre le trottoir longeant Dorchester avec très peu de glaces – sauf aux points d’accès évidemment -, pourquoi ne réussit-on pas à le faire ailleurs? Ce n’est pas vrai que c’est seulement parce qu’il est plus utilisé. La 3e avenue est tout aussi achalandée mais beaucoup plus difficile à circuler. Les plaques de glaces, parfois de plusieurs pouces d’épaisseurs, sortent de nulle part ici et là. Dorchester est mieux gratté, tout simplement. Je l’emprunte tous les jours et c’est souvent le seul déneigé…

Il suffit de marcher, par exemple, sur Dorchester et de tourner sur une petite rue, de la Reine, par exemple, pour tomber immédiatement sur un trottoir mal déneigé, glacé, bosselé, et son état semble plus être le fruit d’une neige tapée que déneigé.

Pourquoi? Parce que la Ville attend trop longtemps pour y gratter la neige ou la glace.

J’ai la chance de rentrer au bureau à 5h du matin. Par une nuit de neige fondante et de pluie verglaçante, comme d’habitude, je suis parti de Limoilou, et ce n’est que rendu sur Dorchester, passé Prince-Édouard, que j’ai croisé le premier trottoir gratté.

Il est 5h du matin, le contexte défend la situation. Sauf que, à 13h, en revenant chez moi dans Limoilou, la situation n’avait pas changé. Ni à 18h lorsque je suis ressorti pour aller au théâtre et à 22h lorsque je suis revenu du théâtre. Les grattes ont attendu l’opération déneigement, en pleine nuit, pour gratter les trottoirs autres que ceux des axes principaux. Je ne vous dis pas la déception le lendemain devant le résultat.

Si tu laisses de la neige fondante et de la pluie verglaçante s’accumuler toute une journée, en laissant des gens circuler dessus toute la journée, tu crées la situation parfaite pour que la glace prenne sur le trottoir et que la gratte ne puisse rien y faire. Ce n’est pas la faute à la météo, c’est de la négligence.

Et depuis, on est pris avec cette glace bosselé partout dans Limoilou, dans St-Roch, dans St-Jean-Baptiste, dans St-Sauveur, etc.

Les trottoirs ne sont pas un lieu de transit secondaire. Ils sont aussi importants que les rues. Je ne comprends toujours pas pourquoi plusieurs trottoirs sont déneigés plusieurs heures après la rue qu’il longe. Je ne comprends toujours pas pourquoi quand je marche dans Limoilou je dois prendre la rue pour éviter de me planter. Personnellement, ça ne me dérange pas de marcher dans la rue, mais ça dérange les automobilistes.

Plus encore, les trottoirs sont un lieu où transite une clientèle fragile. Combien de fois cet hiver ai-je eu honte de la Ville en voyant une personne âgée marcher à petits pas incertains? Je ne sais plus! Combien de fois ai-je entendu des amis à mobilité réduite se plaindre de rester pris chez eux ou sur le trottoir cet hiver? Je ne sais plus!

Combien de fois j’ai pensé me péter la gueule sur le trottoir? Je ne sais plus! Ça ne m’est pas arrivé, mais je remercie de ne pas être dans un de ces moments où j’ai des maux de dos ou que je fais littéralement une autre entorse lombaire. Je voudrais sacrer après le responsable du déneigement si c’était le cas.

C’est normal, que l’autre jour, trois personnes dans la même journée m’ont conseillé d’aller m’acheter des crampons pour marcher en ville? Pas dans le bois, pas dans un rang perdu, pas sur une rivière gelée, non, pour marcher dans Limoilou et St-Roch!

À mon coin de rue, pour être sûr de ne pas me planter quand je tourne le coin, je dois ralentir! Je suis obèse, je ne marche pourtant pas vite!

C’est comme si certaines rues n’étaient accessibles que pour de gros trucks ou des voitures avec des chaînes. En plein centre-ville! La majorité des trottoirs sont comme ça.

Et si je me plante, parce que le trottoir est une mauvaise patinoire, à qui j’envoie les frais? Il y a un artiste qui s’est posé la question et qui a décidé de poursuivre la Ville.

Dans le même article du Journal de Québec, on peut y lire que l’hôpital L’Enfant-Jésus accueille environ cinq personnes par jour qui se blessent parce que les trottoirs sont dangereux.

Il faudrait que les trottoirs soient déneigés en priorité, comme les axes routiers principaux – comme je racontais ici sur un déneigement équitable. Ça n’a pas de sens attendre 24h pour déneiger un trottoir. Il faut aussi y mettre les efforts pour bien le faire. Ça pourrait faire monter le prix du déneigement, et alors? Que vaut la sécurité des piétons? Et pourquoi celle-ci serait moins importante que celle des automobilistes?

Ça, c’est l’action facile et immédiate. Il y a toutefois un autre aspect, il faut prendre en compte les piétons dans l’aménagement urbain.

Certains trottoirs sont difficiles à déneiger, parce que le trottoir est croche, parce que les inclinaisons pour les entrées de stationnements ou de ruelles sont mal faites, trop brusques pour les grattes, retiennent l’eau (et donc la neige fondante devenant glace).

Il faut s’assurer, aussi, que les accès aux coins des rues soient aussi réfléchis, pas seulement bâclés. S’assurer que ces lieux ne deviennent pas des murs de neige, des socles de glace difficiles à enjamber, des lacs à l’automne, au printemps et aux redoux hivernaux, bref, y mettre un peu d’urbanisme, d’intelligence et d’argent, pas simplement faire un biseau grossier dans le ciment. Le regroupement Piétons Québec détaille mieux que moi ces idées.

L’hiver est la saison où l’on constate à quel point le piéton n’est jamais tenu en compte dans l’aménagement urbain. C’est une période où les obstacles se multiplient, parce que tout est conçu pour la voiture, de l’urbanisme au déneigement.

Un peu de considérations pour les piétons et les personnes à mobilité réduite, ça serait un minimum de respect pour une clientèle qui ne coûte pas ben ben plus cher que ce déneigement et quelques heures de plus sur un plan d’aménagement… contrairement à la voiture.