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Jean-François Gosselin, de l’aveuglement ou de l’ignorance?

Vous avez sûrement vu passer cet article dans Reuters où Donald Trump mentionne qu’il ne pensait pas qu’être président des États-Unis était un travail aussi dur.

Je me demande encore s’il a dit ça pour montrer à quel point il se sacrifie (puisque sa vie d’antan était plus facile) pour le bien du pays (le sens du devoir, ça se respecte, t’sais), ou si c’est vraiment une forme d’aveu et d’humilité.

Néanmoins, cette sortie en a fait rire plusieurs, pour différentes raisons. Combien de fois, avant et pendant la campagne présidentielle, Donald Trump a-t-il sorti des idées ou des allusions déconnectées de la réalité? Qui faisait demander aux analystes s’il faisait fi en toute conscience de la réalité ou s’il était ignorant?

Bien que Jean-François Gosselin ne ressemble pas à Donald Trump, le nouveau candidat à la mairie m’a fait demandé, alors que je l’interviewais, s’il balayait volontairement certaines réalités bien présentes, s’il faisait preuve d’aveuglement ou s’il était ignorant.

Par exemple, concernant le transport en commun, Jean-François Gosselin est contre toute forme de projet de transport en commun structurant, comme le SRB, mais aussi un tramway « ou un monorail et tous les projets du genre. » Selon le candidat à la mairie, le RTC doit s’améliorer, mais avec son système d’autobus actuel, sans ajouter de nouvelles structures.

Je lui mentionne que des parcours Métrobus, comme le 800 et 801, sont saturés et plus que suffisamment utilisés pour justifier un système supérieur comme un SRB ou un tramway. Alors comment les améliore-t-on, ces parcours névralgiques?

« Ça, moi je laisse ça dans la cour du RTC, évidemment, pour la gestion quotidienne du transport. Le RTC doit continuer à s’améliorer. Vous dites que certains trajets sont saturés, d’autres ne le sont pas, c’est à eux (le RTC) d’améliorer ça. »

Le projet du SRB, justement, vient du RTC. Certes, ça découle du Plan de mobilité durable, mais c’est le RTC lui-même qui dit qu’il a besoin d’un SRB pour s’améliorer et être plus performant. Le SRB est un projet porté par le RTC. Est-ce que Jean-François Gosselin est au courant de ça lorsqu’il dit faire confiance au RTC?

Voici ce qu’en disait le président du RTC, Rémi Normand, dans le rapport annuel de 2015. « L’année 2016, quant à elle, marquera le début du travail menant au chantier le plus significatif pour la fluidité de la circulation dans toute la région, le Service rapide par bus (SRB). »

Je me demande aussi si le candidat de Québec21 connait la composition du conseil d’administration du RTC. C’est en fait un conseil assez politique. Presque la totalité des membres sont aussi au conseil municipal. En disant vouloir laisser ça dans la cour du RTC, doit-on en déduire qu’il croit en l’indépendance du RTC ou qu’au contraire, il croit pouvoir influencer le RTC?

Si le RTC est indépendant malgré ses administrateurs élus (et majoritairement de l’équipe du maire) et qu’il dit leur laisser ça entre les mains, il devrait donc les appuyer lorsque l’organisme dit avoir besoin d’un projet comme le SRB. Ou plutôt croit-il pouvoir y nommer des gens de son équipe qui eux refuseront tout projet qui demande plus que des autobus?

De l’ignorance ou de la manipulation?

Dans cette même entrevue, il dit que personne ne veut du SRB. Ça sonne plus comme un slogan qu’un possible fait. « Personne ne veut de ce projet-là de SRB autour de moi. Je veux savoir d’où vient ce projet. Qui demande ça? Je suis incapable de trouver des gens qui disent que ça prend un SRB. » Il ajoute plus tard que lui, il a fait sa consultation et que les gens veulent utiliser leur voiture.

Je ne fais que lui donner l’exemple du groupe « Les jeunes de Québec pour le SRB » qu’il ne semble pas connaitre, malgré la médiatisation de l’initiative. A-t-il déjà lu le Plan de mobilité durable? Il aurait déjà quelques réponses.

Sait-il que depuis les années 90 qu’il y a des études sur comment améliorer le transport en commun à Québec (d’où découle les Métrobus qui étaient des solutions temporaires)?

Sait-il que la Chambre de commerce et d’industrie de Québec voulait le SRB?

Je dirais même qu’il y a plus d’études et de projets dans le monde qui ont démontré l’impact positif du transport en commun et des transports actifs (vélo et marche) sur la congestion que d’exemples où un ajout de voies ou d’autoroutes a aidé la circulation dans une ville.

Jean-François Gosselin aurait besoin d’élargir son échantillonnage, ou, sinon, jouer l’honnêteté.

Il y a des gens qui veulent le projet, d’autres non, il y a des études qui démontrent que ça serait profitable pour la région, mais lui n’est pas d’accord – et il en a le droit, même si croire qu’agrandir et ajouter des autoroutes en 2017 est, selon moi, similaire à nier le réchauffement climatique. Ceci dit, je ne remets pas en question son avis, mais comment il le présente.

Il souligne que le SRB est un projet qui coûtait cher (1,4 milliard de dollars), mais ne semble pas avoir à redire pour les 500 millions de dollars pour l’élargissement de deux kilomètres sur l’autoroute Henri-IV. Au kilomètre, le SRB revenait beaucoup, beaucoup, moins cher.

Sauf que voilà, lorsqu’on sort l’excuse des coûts pour le SRB, c’est clairement une tentative de mettre une logique sur une motivation qui est émotive ou idéologique. Le projet coûterait 3 milliards ou 100 millions, ça serait toujours trop.

L’argument de la rigueur budgétaire ne peut pas tenir la route : de plus en plus d’études démontrent que l’automobile a un coût étatique (pour tous les paliers) et individuel plusieurs fois plus grand que toutes autres formes de transports (six fois plus que l’autobus). Même le Journal de Québec a fait trois textes (un, deux et trois) sur ça ce matin.

L’idée, pour Jean-François Gosselin et son équipe, c’est de pouvoir circuler sans entrave avec sa voiture, qu’importe le coût associé. Et d’avoir son stationnement, évidemment. « On ne doit pas restreindre l’automobile, c’est contre-productif », a-t-il dit pendant l’entrevue.

Ça repose sur cette idée des années 50 que la voiture est le symbole de la liberté ultime. Ce n’est plus vrai que ceux qui n’ont pas de voiture, c’est par dépit et non un choix réfléchi et assumé. Comme si le vélo, la marche ou l’autobus ne pouvaient pas être un choix de liberté, aussi.

Je me demande bien comment va tourner la campagne avec ces enjeux. Je sens que les faits n’auront pas grand poids. Cela va-t-il finir entre la liberté (de l’automobile) et la vertu (du transport en commun)? Un faux dilemme à venir. Ou pire, banlieues contre centre-ville.

« Je veux être le choix de ceux qui ne veulent pas un projet comme ça », m’a-t-il dit en ondes. Il a tout le loisir de se présenter comme candidat à la mairie pour ceux et celles qui partagent sa vision, c’est la beauté de la démocratie. C’est moins beau, et surtout inutile, de faire croire que le SRB est un projet qui ne reposait sur rien, parce que c’est faux.

Je ne sais toutefois pas ce qui est pire. Un candidat qui ment pour gagner ou un candidat ignorant, mais qui joue au gérant d’estrade? Si c’est la deuxième option et advenant qu’il devienne maire, il se peut qu’il trouve le boulot plus dur qu’il ne ne le pensait, comme Donald.