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Pluie, déneigement et trottoirs

Commençons avec l’évidence, plusieurs jours de pluie lorsque la température tourne autour de zéro, en plein hiver, ça rend difficile le déneigement et le déglaçage des rues et des trottoirs. Évidemment, la Ville ne peut pas faire de miracles.

Néanmoins, ce jeu de fontes et de glaces met en exergue certains problèmes qui ne relèvent justement pas du travail des grattes, mais bien d’un problème plus profond et qui a un impact sur plein d’éléments: la place du piéton dans l’aménagement urbain.

Prenons certains quartiers centraux de Québec. Il n’est pas rare de voir les poteaux être au beau milieu des trottoirs. Essayer de passer une gratte là-dessus est compliqué. Il y a toujours un obstacle dans le chemin!

Pourquoi on les laisse là, ces poteaux s’ils sont autant dans les jambes? Sauf si ce n’est pas important de libérer le chemin aux piétons et aux piétonnes.

Si l’hiver les poteaux compliquent le travail des chenilles, l’été, ils ne sont pas moins dans les jambes, nuisant aux poussettes, aux personnes âgées, aux personnes qui reviennent avec leur épicerie et j’en passe! Pourquoi ne pas enfouir ces fils? Pourquoi ne pas les faire passer ailleurs? On a assez d’ingéniosité pour se débarrasser de ces poteaux qui entravent la circulation piétonnière.

Ceci a un coût, mais empêcher la circulation des piéton.ne.s, aussi, a un coût. Ça ne se voit pas parce que ce sont des montants ici et là, saupoudrer au fil des blessures engendrées par les trottoirs mal déneigés ou les accidents dus à des collisions entre des piéton.ne.s et des automobiles ou par le départ de citoyen.ne.s tanné.e.s de ne pas être considéré.e.s dans l’aménagement, mais ça a bel et bien un coût. On en vient donc à la question de la priorité et de l’importance que l’on accorde aux piéton.ne.s.

La température des derniers jours fait aussi ressortir à quel point nos trottoirs sont croches. Déjà, l’apparition d’énormes trous d’eau ne ment pas sur l’absence d’angle droit ou sur les trous. Des «lacs» temporaires qui imposent un demi-choix: marcher dans deux ou trois pouces d’eau ou marcher dans le banc de neige (et encore, ce choix n’est pas toujours possible). Et là, on ne parle pas d’un pas dans l’eau. C’est souvent assez gros pour parler de plusieurs pas. Sur mon trottoir sur mon bout de rue seulement, je peux parler de trois «lacs», variant d’une longueur de trois à six ou sept pas. D’où ce choix de la flotte ou de la neige… Ça a l’air niaiseux, ma à force, c’est juste gossant.

Ces mares sont parfois en plein milieu des trottoirs, souvent aux intersections. Presque inévitablement aux intersections. Combien de fois dans une journée doit-on faire des contorsions pour ne pas se plonger les pieds dans une eau glaciale pour traverser une rue?

Un autre exemple de mauvais aménagements urbains. Il n’y aurait rien de compliqué à mieux joindre les trottoirs et les rues, en remontant légèrement la rue, par exemple, pour faire en sorte que chaque épisode de fontes ne transforme ces coins de rues en lacs incontournables. Ce n’est qu’une question de volonté. En plus, ceci aiderait au déneigement, puisque le creux habituel empêche souvent la chenille de bien gratter la neige dans ces endroits.

Il y a aussi l’état des trottoirs. Évidemment, ils ne peuvent pas tous être neufs et il y aura probablement toujours des trous, des crevasses et des enfoncements, mais l’état vraiment détérioré de plusieurs trottoirs nuit aussi au déneigement, amplifiant les problèmes lors des fontes et des pluies verglaçantes.

Sur ces trottoirs mal déneigés, il vient un moment où les piéton.ne.s, à force de marcher dessus quand même, tapent la neige. C’est bosselé et tannant, mais ça peut se marcher – tant que tu n’as aucune contrainte à la marche. Mais de la neige tapée qui font et qui est soumise à de la pluie, là, les bosses passent d’une relative égalité à des trous qui s’enfoncent et à des bosses qui durcissent. Mauvais mix.

Petit à petit, le trottoir devient de plus en plus croche, amplifiant les défauts du trottoir, ce qui nuit encore plus au déneigement et ainsi de suite.

Ça, ça découle d’un autre signe de la place des piéton.ne.s dans les priorités des villes. Pourquoi les chenilles ne passent pas aussi souvent que les grattes dans les rues? À part pour économiser, je ne vois pas de raisons, si ce n’est qu’on priorise l’automobile. Et moins les chenilles passent, plus c’est difficile à entretenir.

Si la Ville de Québec réussit à rendre certains trottoirs du centre-ville très beaux, comme sur Dorchester, sur St-Joseph, sur Claire-Fontaine ou sur la rue de la Croix-Rouge, pourquoi n’arrive-t-il pas à le faire sur les autres rues? Tous ces trottoirs subissent la même météo, ce n’est pas la pluie verglaçante, qui, ici, explique pourquoi en changeant de rue, on passe d’un trottoir impeccable à une zone impraticable. Pour quelle raison si ce n’est pas une question de volonté?

Je me demande souvent si les piéton.ne.s sont réellement pris.e.s en compte lorsqu’on réfléchit aux aménagements urbains. On rend les trottoirs parfois beaux, esthétiquement, mais très peu pratiques pour ceux et celles qui doivent les emprunter. On va construire une passerelle pour pouvoir traverser un large boulevard… mais qui nécessite un énorme détour pour les piéton.ne.s. On s’assure que les voitures circulent et après on va voir ce qu’on peut faire pour les piéton.ne.s. On semble se foutre de la fluidité de la circulation piétonne, se disant que de toute façon, le piéton ou la piétonne pourra bien s’arranger, étant tellement mobile!

On ne déneige pas comme il faut le trottoir d’une rue, mais après ceux et celles qui marchent se font klaxonner en utilisant la rue.

Une dernière chose sur l’excuse de la météo. C’est vrai que c’est inhabituel et difficile avoir autant de jours de pluie en février. Ou en janvier. Il y a quelques années, c’était exceptionnel. Mais ça ne l’est plus. Cela fait quelques années que ça arrive, toujours. Plusieurs fois par année. Changements climatiques, probablement. Qu’importe la raison, il va falloir apprendre à le gérer et à vivre avec. Les administrations ne pourront pas sortir l’excuse de «l’exceptionnel» bien longtemps devant une situation de plus en plus récurrente.