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Le radicalisme de Vincent Marissal

Demain, l’ancien journaliste et chroniqueur Vincent Marissal devrait annoncer sa candidature dans Rosemont avec Québec solidaire. Cette annonce surprise – plus maintenant, mais lorsque c’est sorti la semaine passée – suscite son lot de réactions. Des réactions qui démontrent la manière dont plusieurs voient et traitent, et mécomprennent, le parti.

Vous me permettrez de citer de mémoire, mais le politologue Christian Dufour, panéliste régulier à En direct avec Patrice Roy, se disait surpris de voir son ancien collègue rejoindre «l’extrême gauche».

Québec solidaire est-il un parti de gauche? Clairement. C’est assumé et revendiqué. Est-il d’extrême gauche? Pas plus que le Parti conservateur n’est de l’extrême droite. Mais ces étiquettes sont loin d’être tranchées au couteau et la perception varie souvent selon notre place sur l’échelle politique, alors passons.

Un autre terme qui revient souvent, c’est «radical». Le programme de Québec solidaire serait radical. On cible rarement de quel élément du programme on parle, mais c’est radical. Suit habituellement pas très loin une image caricaturale du communisme ou l’équivalent du point Godwin pour critiquer la gauche, Staline. Comme si toute la gauche se résumait à des dictatures et comme si tous les dictateurs venaient de la gauche.

Ce n’est pas tant une surprise parce qu’il a souvent ces propos sur QS, mais Joseph Facal m’a quand même bien fait rire dans une récente chronique. Si on lui avait demandé avec qui Vincent Marissal aurait fait le saut politique, il dit qu’il aurait répondu la CAQ. Pourquoi? Parce qu’il a «du mal à réconcilier son pragmatisme et son réalisme avec le programme de QS, qu’on ne peut que qualifier de délirant si on se donne la peine de le lire.»

Ce qui me fait rire là-dedans, c’est la naïveté. Si on est réaliste et pragmatique, on est pour la CAQ. Seule la droite est pragmatique. C’est tellement caricatural. La gauche rêve, la droite est réaliste. Comme si la droite n’était jamais utopiste ou déconnectée.

Besoin de rappeler que Joseph Facal a fait partie de ceux qui se sont autoproclamés «Lucides» afin de prôner un désengagement de l’État?

Il y a des éléments du programme de Québec solidaire qui ne sont pas réalistes, comme il y en a à la CAQ, au PQ et au PLQ.

Est-ce que la CAQ est pragmatique et réaliste en promettant aussi rapidement un troisième lien à Québec? Est-ce que la CAQ est pragmatique et réaliste en voulant bâtir d’autres barrages hydroélectriques?

Je n’écris pas pour défendre Québec solidaire, mais pour dénoter l’utilisation d’un vocabulaire pour un parti et non pour les autres. Prenons simplement le mot «militant» que l’on colle sans hésitation à tous les membres de Québec solidaire, facilement aux membres du Parti québécois, beaucoup moins au Parti libéral et encore moins aux membres de la Coalition avenir Québec. Pourtant, tous et toutes militent pour leurs idées via ces partis.

Pourquoi Gabriel Nadeau-Dubois est-il toujours décrit comme un militant, mais jamais Martin Coiteux? Ce dernier, avant d’être ministre, a toujours milité pour la diminution de la place de l’État. En quoi est-ce moins militant qu’être pour la nationalisation de certains secteurs?

Vouloir inclure les soins dentaires dans la RAMQ serait militant et radical, mais pas la privatisation du système de santé? Je ne comprends pas pourquoi.

Je m’intéresse beaucoup aux choix des mots et à la neutralité des médias. Je remarque que plusieurs formes de militantisme et points de vue ne sont pas décrits comme tels, alors que d’autres, oui.

J’observe que le statu quo n’est jamais vu comme une position «radicale», ou même comme du militantisme. Pourtant, se battre pour ne pas changer quelque chose est aussi une prise de position. Ceux et celles contre la gratuité scolaire ne sont pas moins militant.e.s que les groupes souhaitant cette gratuité. Si souhaiter la fin des hydrocarbures est radical, alors à partir de quand encourager les énergies fossiles devient radical?

Qu’un mot comme «fardeau fiscal» soit repris partout, par des journalistes et des chroniqueur.euse.s comme si c’était un synonyme à «fiscalité» en dit long sur comment un discours a réussi à s’imposer comme une norme.

Certain.e.s militant.e.s sont au gouvernement, d’autres dans l’opposition, mais, selon moi, l’un comme l’autre se battent pour leurs idées et coller l’étiquette «militant» qu’à un seul camp n’est pas neutre. Que le biais soit involontaire ou volontaire, je trouve ça particulier de le retrouver qu’à un endroit.

Au-delà des étiquettes «militant» et «radical» que l’on pourra coller ou non à Vincent Marissal à partir de demain, il y a cette décontenance chez plusieurs personnes. Comme ils et elles ne voient pas comment Québec solidaire pourrait prendre le pouvoir, ils et elles ne comprennent pas pourquoi il souhaite se présenter, si ce n’est pas pour une limousine et un ministère. Il aurait de quoi à régler avec Jean-François Lisée? Ce serait assez puéril. Et s’il voulait juste contribuer, à sa manière, à brasser les idées, voire à améliorer le monde?

Est-ce si débile comme idée?