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L’urgence du troisième lien

Un des plaisirs de couvrir l’actualité et en particulier la politique, c’est la surprise. Les politiciens et politiciennes trouvent toujours une manière de nous surprendre.

Parfois, c’est parce qu’une idée de génie sort (bon, je ne commence pas avec l’exemple le plus fréquent). Parfois, c’est sur la mauvaise foi dans un dossier. Parfois, c’est sur l’étonnante lecture faite d’une situation. Les réactions concernant le plus récent budget et le troisième lien à Québec sont dans la dernière catégorie. Même si ces réactions ne viennent pas que de la politique.

Éric Caire, député de la CAQ à Québec qui a ce don de déchirer sa chemise sur dossiers secondaires, a réclamé des excuses du gouvernement pour avoir induit les gens de Québec en erreur. Selon lui, ce qu’on doit comprendre du budget est que le projet du troisième lien est «mort», malgré les promesses libérales.

On se souvient que la CAQ a promis de construire le pont rapidement, que les travaux commenceraient dès le premier mandat caquiste, même si le parti n’a toujours pas été capable de donner des détails sur comment ils pourraient faire aussi vite.

Jean-François Gosselin, chef de l’opposition officielle à Québec, accuse aussi le maire de Québec de manquer d’enthousiasme envers le troisième lien, ralentissant donc le projet et enlevant le goût pour le gouvernement d’y investir des sous.

Même discours, par exemple, dans plusieurs radios de Québec. Jérôme Landry, au Journal de Québec, juge que «le projet n’est peut-être pas mort, mais il n’est pas fort.»

Je pose la question sincèrement, voire candidement : à quoi ces messieurs s’attendaient-ils, exactement, dans le plus récent budget?

On souligne, par exemple, que le tramway, lui, a des fonds, mais pas le troisième lien. Le truc, c’est que les deux dossiers ne sont pas du tout au même endroit. Le tramway, à Québec, on en parle depuis des années. C’est une option mise sur la table depuis les années 1990. Pas juste une idée lancée en l’air, mais étudiée. Je me souviens encore d’Andrée Boucher qui, lorsqu’elle était mairesse de Québec, il y a plus de dix ans, visitait le tramway de Bordeaux pour voir si c’était faisable à Québec.

Il y a des études, des données et des projections sur les besoins et les déplacements du transport en commun à Québec. Un plan de mobilité a été déposé en 2011, d’où a découlé le projet de tramway jugé trop cher pour finalement aboutir au SRB qui est mort l’an dernier.

Le projet du tramway actuel est le fruit de plusieurs années d’études, d’enquêtes, de consultations et de propositions. Si le projet proposé par Régis Labeaume a été fait sur un coin de table comme le dit Jean-François Gosselin, c’est parce que c’est sûrement la seule place qui restait sur cette table remplie de documentations sur les possibles plans de réseaux de transport structurant.

Le troisième lien? Avant l’an dernier, ce n’était qu’une idée lancée une fois aux dix ans sans jamais être réellement étudiée. Si le Parti libéral dit qu’il y a consensus sur le projet, ce consensus n’est que politique et idéologique, puisqu’il n’y a aucune étude qui, encore, a mentionné qu’il fallait un troisième lien, ni à l’ouest, ni à l’est.

Pis encore, les études qui existent tendent plus à dire que le troisième lien ne serait pas profitable, tant sur une vision d’urbanisme, environnementale que sur son impact sur le trafic.

Néanmoins, le gouvernement a financé un bureau pour étudier le projet, afin d’arrêter de lancer des théories et réellement sonder les options, d’analyser le trafic et de documenter les possibilités techniques de tunnel ou de pont, de l’endroit, etc. Ce bureau devrait présenter ses études en 2020.

Malgré l’urgence de le construire, le nouveau pont Champlain a demandé plusieurs mois d’études, même si on connaissait quand même déjà beaucoup de choses : sa nécessité, la composition générale du sol, son lieu, le trafic, etc. Imaginez quand on part de zéro! Et je n’évoque même pas ses délais de construction, malgré son urgence et son importance qui faisait réellement consensus.

Alors je repose ma candide question : quelles sommes le gouvernement aurait-il dû mettre dans son budget pour le troisième lien? Financer quoi de plus que le bureau d’enquête (qui a déjà son financement pour faire son boulot). Ajouter des enquêteurs? En quoi le projet est moins fort maintenant qu’il ne l’était en février?

C’est vrai que le ministre des Finances a dit que le programme d’infrastructure était pas mal plein pour les dix prochaines années. Même si le budget d’infrastructure n’était pas plein, il aurait été prématuré de le mettre déjà dans l’agenda. On ne sait même pas encore si la région en a besoin!

Sauf la CAQ et Québec21 (et Jérôme Landry), qui croit que le troisième lien à Québec est réellement une urgence?