BloguesPlan B

La beauté molle

Sur le coup, je l’ai notée, mais je ne l’ai pas relevée. C’était une phrase de plus qui ne se veut pas méchante, mais qui en sous-entend tellement.

Tu commentais une table ronde à laquelle j’avais participé sur le surpoids. La plupart de tes commentaires étaient positifs et tu semblais avoir compris certains des enjeux évoqués avec l’autrice Lynda Dion et la photographe et ambassadrice de body positive Julie Artacho.

Entre plusieurs commentaires appuyant l’idée qu’il faudrait faire attention aux propos blessants qu’on peut dire envers les personnes grosses, cette petite phrase : «Bon, elle a dit qu’elle se trouvait belle… Elle peut bien se trouver belle si elle veut, c’est son droit.»

Je sais que tu n’as aucune idée à quoi elle ressemble. Moi je sais que mon amie est belle. Elle n’est pas juste belle, elle rayonne. Et je précise, pas «belle pour une grosse», nah, elle est belle point.

Ce que sous-entendait ta phrase, c’est que la beauté et le surpoids ne sont pas vraiment compatibles. Qu’elle pouvait bien penser ce qu’elle voulait de sa propre beauté, mais c’était un peu une belle illusion selon toi. Pas juste selon tes goûts, c’était comme une évidence universelle.

Quelques jours après, je me suis dit que cette évidence devait aussi s’appliquer à moi. Au-delà de m’apprécier pour qui je suis, me trouves-tu beau?

À la limite, ce n’est pas très grave que tu ne me trouves pas beau, mais il y a une différence entre ne pas trouver beau quelqu’un et le trouver laid. Est-ce que tu me trouves laid et tu t’en fous ou que pour un gros, je suis pas si mal? M’apprécier demande-t-il beaucoup de tolérance ou d’amour?

Je reformule, parce que tous les goûts sont dans la nature, crois-tu que des gens puissent me trouver beau?

J’ai toujours cru que non, parce que j’ai toujours entendu ce genres de phrases, partout, tout le temps.

Illustration de Les folies passagères - Maude Bergeron - https://www.facebook.com/lesfoliespassageres/
Illustration de Les folies passagères – Maude Bergeron – https://www.facebook.com/lesfoliespassageres/

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles j’écris depuis plusieurs années sur la grossophobie. Il y a mes propres luttes intérieures. Il y a ce grand principe important pour moi qu’on doit accepter la différence et lutter contre les discriminations. Et il y a ces petites phrases banales mais qui semblent en sous-entendre beaucoup et qui laissent des traces. Des phrases qui, séparément, ne sont pas grand-chose, mais qui sont comme un tour de plus sur un étau qui nous serre le coeur. Des phrases sans mauvaises intentions, mais qui, accumulées, sont comme un énorme coup de couteau dans le ventre.

Je ne suis pas tout seul dans cette lutte. Nous sommes plusieurs à prôner la diversité corporelle et à expliquer la grossophobie.

Un jury formé de gens que je ne connais pas a considéré que certains de mes textes méritaient d’être soulignés et je suis donc finaliste au prix Image/In. Je ne fais évidemment pas ça pour me retrouver en lice de quelconques prix, mais ça fait plaisir quand ça arrive.

Vous pouvez voter pour moi, mais je vous invite à voter pour le projet qui vous semble le mieux. Être finaliste est déjà un honneur. L’important est surtout de continuer à en parler et à encourager les projets qui valorisent la différence, qui montrent les beautés du monde et qui travaillent à améliorer le bien-être des gens.

Merci à Équilibre et au prix Image/In de souligner mon travail. Merci à vous aussi qui me dites que ça vous fait du bien de me lire. Merci surtout à vous qui, comme moi, encouragez la diversité corporelle.

Un lien vers la page de Les folies passagères d’où vient l’illustration plus haut: http://lesfoliespassageres.com/

Prix Image/In
Prix Image/In