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Et si la crise constitutionnelle venait de l’environnement?

La tension ne fait que monter entre la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral. Cette chicane dure depuis un bon moment, mais l’étau se resserre, les actions culminent et nous en sommes à une étape importante pour la suite du projet Trans Mountain de Kinder Morgan.

D’un côté, on retrouve le gouvernement de la Colombie-Britannique qui, pour des raisons environnementales, ne veut pas que le pipeline passe sur son territoire. La province utilise ses droits et ses pouvoirs pour freiner voire empêcher ce projet de se réaliser, du moins, sur son territoire.

De l’autre côté, Ottawa appuie le projet et juge que le projet est d’intérêt national et considère que le transport du pétrole interprovincial est une responsabilité fédérale qui supplante la compétence provinciale de la Colombie-Britannique. Mais est-ce vraiment le cas?

En 1867, à la naissance de la Confédération canadienne, le fédéral a pris de son côté des dossiers qui étaient majeurs pour cette époque, reléguant aux provinces des pouvoirs moindres, plus locaux ou régionaux. Je caricature, mais c’est un peu ça.

Il y a 151 ans, l’environnement n’était pas vraiment une notion. Pour donner une idée, le ministère de l’Environnement, au Québec, est né en 1979, et en 1971 au Canada, un siècle après la naissance du plus meilleur pays du monde.

On ne se posait pas la question à l’époque, construire le chemin de fer ne se souciait déjà pas beaucoup du sort des travailleurs chinois, imaginez les forêts, les lacs et les rivières que l’on traversait. C’était une évidence que le transport était plus important que l’environnement.

Peut-on en dire autant aujourd’hui? Les compétences fédérales et provinciales sont-elles à jour dans leur prévalence? Le gouvernement fédéral peut-il encore prétendre que l’économie nationale est plus importante que la protection du territoire? Plus importante que le respect des droits autochtones?

Est-ce que les provinces voisines peuvent vraiment imposer à une autre province de ne pas protéger son territoire pour leur propre développement économique? La question n’est pas simple et, selon moi, il faudrait de sacrés arguments pour dire à une province de diminuer ses standards environnementaux pour s’ajuster à celles d’une autre province qui les mets plus bas, surtout si la province en question ne retire rien en baissant la garde.

Lorsque Justin Trudeau mentionne que le Canada doit rendre ses ressources naturelles disponibles aux pays étrangers, se donne-t-il une limite dans ce devoir? À quel prix le Canada doit-il rendre accessibles ses ressources naturelles? Doit-on tout exploiter sans égards aux impacts de l’exploitation?

Alors que les désinvestissements en énergie fossile prennent de l’ampleur (833 organismes, dont des villes comme New York ou San Francisco ont pris cette décision et la Rockefeller Brothers Fund qui a fait fortune avec le pétrole a déclaré que la rationalité économique indique que «les énergies fossiles sont risquées et perdent de la valeur»), alors que des banques (qui aiment bien les profits faciles) comme ING (mais pas Desjardins) délaissent Trans Mountain, alors que le Canada s’est engagé à diminuer ses GES et qu’il n’est vraiment pas en voie de le faire, surtout avec un tel projet, alors que nous subissons déjà les changements climatiques et que l’on vit présentement parmi les pires scénarios imaginés il y a des années et que ceci coûte si cher que des gouvernements poursuivent des pétrolières pour qu’elles paient les coûts des mesures à prendre, est-ce vraiment dans l’intérieur supérieur du Canada de soutenir Trans Mountain?

On peut se demander de qui parle Justin Trudeau lorsqu’il dit que c’est dans l’intérêt du Canada de réaliser ce pipeline. À qui ce projet profitera-t-il exactement? Et à qui nuira-t-il, aussi?

Plus que l’appui des Britanno-colombien.ne.s aux prochaines élections fédérales, le Parti libéral du Canada joue plus que ses élections et plus que l’économie albertaine, il pourrait aussi amener le débat à un endroit qu’il ne veut pas toucher, la constitution. Les autres provinces pourraient trouver dangereux de voir Ottawa imposer de cette façon un projet qui agit contre leur volonté.

En entrevue avec moi ce matin, Anne-Céline Guyon, coordonnatrice du Front commun pour la transition énergétique, disait qu’au-delà des prévalences, le fédéral devrait respecter les compétences provinciales, et les droits Autochtones.

Hors d’ondes, Anne-Céline Guyon me racontait également que Desjardins subit des pressions pour que la coopérative abandonne Trans Mountain et désinvestisse dans les énergies fossiles. Une des rares sorties pour Justin Trudeau réside peut-être dans la baisse d’appuis économiques au projet, forçant Kinder Morgan à abandonner le projet (tout en accusant le politique d’en être la cause).

Mais qu’importe la sortie à cette situation, elle risque de se répéter le fédéral ne change rien. Peut-être que l’entêtement de la Colombie-Britannique de protéger son territoire pourrait mener à une bataille constitutionnelle. Là, on verra jusqu’où Justin Trudeau veut rendre les sables bitumineux accessibles aux (compagnies des) pays étrangers.

Et si la prochaine crise constitutionnelle du Canada venait de l’environnement et non des mouvements souverainistes, finalement?