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Aller toujours plus loin

Le gouvernement libéral a présenté sa Politique de mobilité durable pour les 12 prochaines années. Selon notre cynisme ou notre idéal, on trouvera ce plan ambitieux ou utopique, nécessaire ou tardif. J’ajouterais incomplet, de mon côté.

Prenons cette volonté de diminuer de 37,5% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 – ce qui signifie de produire la moitié de ce qu’on produit actuellement. C’est plus que nécessaire, on est tellement en retard sur ce dossier.

Juste pour donner une idée, on devait, selon le Protocole de Kyoto, diminuer de 6% nos GES entre 2008 et 2012… alors que 10 ans plus tard, le bilan du Canada a plutôt été une hausse de 18,5% selon Radio-Canada. Le bilan du Québec seulement a beau être mieux que celui de l’ensemble du Canada, il a quand même du retard.

Donc, une mesure nécessaire… mais aussi ambitieuse parce que, visiblement, on ne réussit pas à le faire. Comme une résolution du Nouvel An qu’il faudrait vraiment mettre en action, mais qu’on ne fait évidemment jamais. D’autant plus que pour le Québec, son principal fardeau pour les GES est le transport. C’est urgent de faire de quoi.

Une autre idée ambitieuse de Philippe Couillard est de donner accès à 70% de la population à quatre services de mobilité durable. Est-ce que ça inclut la marche et le vélo? C’est flou. Néanmoins, comme le souligne Marc-Nicolas Kobrynsky dans L’Actualité, rendre accessible ne signifie pas utiliser. Cet objectif pourrait donc être atteint sans avoir un si grand impact en 2030.

Surtout, on ne réussira jamais à diminuer l’utilisation de l’automobile en solo si on ne change pas la manière dont on habite le territoire, si on ne change pas la manière dont on bâtit nos villes et nos quartiers, si on ne change pas notre urbanisation.

Il y a un adage qui dit «Dis-moi ce que tu manges je te dirai ce que tu es», je dirais : «Dis-moi où tu restes et je te dirai comment tu te déplaces».

Prenez n’importe quel quartier récent de Mascouche ou de Saint-Augustin-de-Desmaures et vous aurez un quartier conçu pour l’automobile, hostile aux transports actifs et collectifs. Des îlots faits de rues en serpents avec très peu d’accès directs aux unes envers les autres. J’ajouterais hostile à une réelle vie de quartier.

La manière dont sont faits ces quartiers peut doubler le rapport entre la distance réelle et la distance à parcourir, si ce n’est pas plus.

Plus encore, cette manière de concevoir les quartiers empêche toute mixité et force donc les longs déplacements, ce qui élimine ou empêche carrément d’aller faire ses courses à pied, d’aller à l’école en vélo, de visiter un ami en transport en commun.

En concentrant tous les services sur des boulevards centraux, qui, en plus, sont toujours d’une profonde laideur, on oblige en quelque sorte les gens à utiliser leur voiture. Si on continue à faire des power center au lieu de créer une mixité commerciale et résidentielle, on encourage les gens à utiliser leur voiture.

Si on continue non seulement à permettre l’étalement urbain sans planifier le déplacement autrement qu’en voiture, si on continue à créer de nouveaux quartiers sur un modèle aussi tortueux, jamais l’utilisation de l’automobile ne va diminuer, parce que cet urbanisme pousse vers l’automobile en solo.

Les vieilles banlieues, comme Maizerets à Québec, ont bien une meilleure mixité. Les rues sont en quadrilatères, il y a des services qui se mélangent aux maisons, des blocs qui se mélangent aux maisons. Parfois le service est un peu loin, mais c’est d’une proximité folle quand on compare aux récentes banlieues, comme le quartier développé autour du prolongement de Robert-Bourrassa.

En plus, développer de si gros secteurs résidentiels ou commerciaux sans aucune autre activité est franchement un beau gaspillage d’espace. Toujours plus loin, toujours plus gros, toujours uniutilitaire. Pour une société qui prône autant la performance et la rentabilité, c’est fou à quel point on ne maximise pas nos espaces.

Je suis toujours triste quand je longe ou tombe dans un quartier pendant ses heures de fermeture, des quartiers qui ne vivent qu’entre 7h et 17h, en dormance le reste du temps. Sans vie. Sans âme. Sans couleur locale. Est-ce que ça améliore vraiment la qualité de vie? J’en doute.

Bref, si le gouvernement souhaite réellement réaliser sa Politique de mobilité durable, il doit aussi présenter une nouvelle Politique d’aménagement urbain, afin de freiner nos mauvais plis qui rapportent peut-être aux promoteurs immobiliers, peut-être en taxes foncières, mais qui ont un énorme coût sur nos impôts, sur notre santé et sur notre bilan environnemental.