Mon texte d’hier sur les «célibataires involontaires» a suscité plusieurs réactions. Des réflexions sur les problèmes de la conquête, sur la domination, sur les rôles sociaux censés être normaux, sur le sexe, sur l’amour.
J’évoquais, et vous êtes quelques personnes à l’avoir pointé du doigt aussi, tous les trucs qu’on ne devrait plus voir dans la culture populaire, qui encourage des clichés qui, pourtant, ne collent pas à la réalité, qui mettent une pression énorme et malsaine sur les gars, sur les filles, sur tout le monde.
Une chose est ressortie, selon moi, l’importance de nommer ce qui est malsain dans la culture populaire.
Il y a un projet que j’ai en tête et que je n’ai jamais le temps de faire et qui m’est venu dans mes quelques soirées karaoké: décortiquer les paroles des chansons d’amour qui sont souvent, à mes yeux, malaisantes.
Parce que l’amour, ce n’est pas à celui qui crie le plus fort qu’il t’aime. Ce n’est pas de prendre en pitié l’autre. L’amour n’est pas une question de mérite, mais de liberté.
Un des grands classiques des films d’amour est ce gars qui, pendant 90 minutes, ne lâche pas le morceau et n’arrête pas de gosser la fille. Il envoie des textos. Il débarque à son travail. Il l’espionne. Il va chanter sous son balcon. Il s’invite sur le même vol d’avion. Je rêve d’un film où, à la fin, au lieu de finalement tomber en amour, la fille le menace de le poursuivre pour harcèlement.
Si je connais une ou deux histoires d’amies qui ont fini par être charmées par un gars qui, sur un an, leur rappelait à chaque fois qu’il les trouvait diablement charmantes, je connais des dizaines de filles qui sont juste stressées, écoeurées, irritées ou effrayées par ce genre de comportements qu’on voit dans les films. Non, l’amour ce n’est pas une épreuve d’endurance.
Plus encore, l’amour, ce n’est pas une dette. La princesse serait complètement dans son droit de repousser Mario Bros malgré les 32 tableaux d’épreuves qu’il vient de faire. L’amour, ce n’est pas une liste de tâches à faire, ce n’est pas une récompense, ce n’est pas une médaille.
Ce n’est pas non plus une compétition. Ce n’est pas un tournoi où la meilleure fille, ou celle qui a éliminé toutes les autres, rencontre en finale le meilleur gars, ou celui qui a éliminé tous les autres. Pardonnez l’hétéronormativité de la dernière phrase, mais évidemment, ça s’applique aussi aux relations LGBTQIA+. Vous aussi, vous n’êtes pas dans une compétition. Il n’y a pas de perdants ou de loosers en amour, il n’y a que des gens qui s’aiment.
C’est encore moins deux personnes qui se battent pour savoir qui a le droit de cruiser une troisième personne.
L’amour, ce n’est pas un sacrifice. On voit souvent ça dans les films d’amour, le ou la partenaire tout abandonner pour correspondre aux attentes de l’autre. L’amour, ce n’est pas ça.
Ce n’est pas logique non plus. Tu peux détester chez quelqu’un ce que tu aimes chez quelqu’un d’autre. L’amour n’est pas une formule mathématique. Ce n’est pas un produit qui vient selon tes préférences indiquées sur un site Internet. Ce n’est pas une recette de Ricardo. Ce n’est pas de la peinture à numéro.
L’amour, ce n’est pas non plus d’être gâté.e. Notre amour peut nous gâter, mais l’amour, ce n’est pas recevoir des cadeaux ou des compliments. L’amour, ce n’est pas être au service de l’autre. Ce n’est pas une conquête non plus. L’amour ne devrait jamais avoir une quelconque forme de domination.
Le sexe aussi ne devrait être rien de tout ce qui a été dit. Le sexe peut avoir lieu sans amour, mais ne devrait pas être une course, ni une compétition, mais du plaisir mutuellement donné, partagé. Le sexe n’est pas plus une domination, une dette, une récompense, un cadeau, un devoir ou une exigence. Idéalement, il ne sert pas non plus à combler un vide.
Je ne me cite pas souvent, mais j’ai écrit en février dernier, pour la soirée de poésie du Collectif RAMEN, un texte sur l’amour, qui, je trouve encore, résume bien ce que c’est, selon moi, l’amour. Je termine donc avec un extrait de «What is love? Baby don’t hurt me» (pas la toune, mais mon texte)
L’amour c’est être surpris
c’est être bien
c’est être inspiré
Ce n’est pas forcé
ni possessif
Surtout pas possessif
Au contraire, l’amour doit se vivre dans la liberté
C’est être ému par la manière dont une personne vit sa liberté
Posséder c’est tellement ennuyeux
L’amour ne rentre pas dans des cases
l’amour ne répond pas à des attentes
l’amour c’est comme le jazz et ce contre temps qu’on n’attendait pas
comme un préjugé qui se fait abattre
ou comme la poésie
L’amour nous sort de notre zone de confort
pour mieux nous réconforter
pour sortir le meilleur de nous et de l’autre
L’amour est l’opposé d’un projet de loi
L’amour c’est rare
L’amour c’est incompréhensible
L’amour est anarchie