Ces commentaires ont été entendus en Gaspésie, mais ils pourraient venir de la Côte-Nord, de l’Abitibi ou du Kamouraska. Les régions éloignées ou ressources sont plus souvent enfermées dans une perspective d’exploitation du territoire que d’occupation du territoire, et ce, au désespoir des gens qui voudraient l’habiter et le développer.
Une dizaine de personnes qui font vivre la Haute-Gaspésie, en travaillant dans des milieux communautaires, dans des petites entreprises ou dans le tourisme, étaient assises au Sea Shack de Ste-Anne-des-Monts afin de discuter du développement régional avec deux candidatures solidaires de la Gaspésie, Alexis Dumont-Blanchet (Gaspé) et Catherine Cyr-Wright (Bonaventure), et le co-porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois.
Plusieurs ont témoigné des structures pas du tout adaptées pour les réalités régionales et surtout du sort des petites municipalités, trop grosses pour être des villages, trop petites pour être des villes, et qui passent donc à côté de tout, toujours prises entre deux ou trois craques.
«Il y a des choses extraordinaires qui se font, souligne l’un des Gaspésiens, mais parfois dans l’illégalité, parce que l’appareil gouvernemental est trop lent, trop loin. On y va avant d’avoir les autorisations sinon on meurt!»
La veille, dans Bonaventure, c’était une entreprise en technologie de l’information qui souhaite développer une expertise régionale et freiner l’exode rural qui critiquait le gouvernement d’aider de grandes entreprises à concurrencer des entreprises locales en subventionnant les géantes à s’implanter sur leur territoire.
Ce réflexe de tout donner aux grandes entreprises irrite plusieurs entrepreneur.e.s et organisations régionales. Comme si la seule façon de créer des emplois en régions éloignées était des grandes multinationales.
«Comment Ciment McCinnis peut nous aider à développer le territoire alors qu’on manque de gens pour les entreprises locales? Que plusieurs besoins ne sont toujours pas comblés?» demande une des personnes invitées à cette discussion au Sea Shack. «Une partie de ces revenus quittent la région» déplore une autre personne, au contraire des entreprises locales qui réinvestissent dans la région.
Cette cimenterie ouverte depuis un an, un projet hautement controversé, a reçu un prêt de 1,5 milliard de dollars du gouvernement pour s’installer à Gascon en Gaspésie, pour créer 400 emplois directs et indirects, mais aussi être une des industries les plus polluantes du Québec.
«Combien de projets et d’emplois on pourrait créer si c’était 1,5 milliard remis pour soutenir des petits projets un peu partout sur le territoire?» s’insurge une Gaspésienne. «Un tas de petites entreprises qui demandent peu d’investissements créent autant d’emploi qu’une cimenterie, dynamisent la région, mais elles n’ont pas le soutien nécessaire, on en a que pour les gros projets» enchaîne un autre.
Ceci participe, en plus, à une caricature des régions, à les limiter à n’être que des régions ressources. L’image de ces régions repose sur les paysages, parfois, mais toujours sur les grandes industries, comme le bois, l’aluminerie ou les mines. «Mais ce n’est pas ça la région, lance une personne. La Gaspésie, ce n’est pas la cimenterie, ce sont les petits projets, ce sont les gens, c’est ça qui nous démarque. Nos référents à nous, quand on parle de notre région à d’autres, ce ne sont pas ces grandes entreprises.»
Si certaines personnes s’affichaient pour Québec solidaire et si une autre a partagé aimer la nouvelle couleur que le parti amène dans la campagne électorale, d’autres ont partagé leurs craintes ou scepticisme, surtout autour du salaire minimum à 15$ de l’heure.
Plusieurs PME ou projets de la région tiennent à bout de bras et s’inquiètent de l’impact de l’augmentation du salaire minimum, plus particulièrement sur leur capacité à absorber les salaires et le coût chez les fournisseurs qui pourrait grimper. Des craintes qu’on peut aussi entendre dans les milieux agricoles.
«Comment je vais devoir payer mon chef si je dois payer mon plongeur à 15$ de l’heure? J’ai de la misère à en trouver et j’offre déjà plus que ce que je suis capable de me permettre» s’inquiète l’une des entrepreneures. La volonté de Québec solidaire de créer un fonds d’aide sur cinq ans pour les entreprises afin d’absorber la hausse ne semblait pas diminuer les inquiétudes soulevées.
Il faut dire que la pénurie de main-d’oeuvre est particulièrement forte en région. Non seulement certains endroits vivent avec un exode rural, mais en plus, les immigrants viennent moins s’installer en région, n’apparaissant donc pas comme une alternative ou une piste de solution comme ce l’est parfois pour Montréal ou Québec.
Encore une fois, Gabriel Nadeau-Dubois a tenté d’être rassurant, en rappelant que son parti souhaite décentraliser le pouvoir afin de donner un pouvoir d’action aux régions et surtout de mettre en place les outils nécessaires pour se développer.
«Quand Couillard dit qu’on ne perdra pas une.job pour sauver des caribous, mentionne le co-porte-parole solidaire, moi je dis qu’on va créer des emplois parce qu’on va sauver des caribous.»