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Greta Thunberg doit-elle être parfaite?

Greta Thunberg arrivant à New York. Image provenant de sa page Facebook.

Vous êtes tanné.e.s d’entendre parler de Greta Thunberg? Ça ne fait que commencer. Elle est maintenant chez nous – nous étant l’Amérique du Nord.

Elle va se promener aux États-Unis, au Canada et au Québec. Elle va aussi faire un tour en Amérique du Sud. Plus encore, elle ne sait pas quand elle retournera en Europe ni comment elle fera ce voyage de retour. Bref, elle sera là pendant plusieurs semaines. Plusieurs mois, peut-être, même.

De toute façon, tu ne te tapes pas deux semaines de bateau pour te rendre à un endroit pour rester juste quelques jours.

Bien du monde cherche des bibittes à Greta Thunberg. Au point de dire des dégueulasseries, parfois.

Peut-elle être jeune et pertinente? Peut-elle vraiment juste vouloir le bien sans rien demander en retour? Peut-elle vraiment réfléchir par elle-même?

On lui reproche de se prendre pour une «sainte», mais jamais la Suédoise ne s’est drapée d’une quelconque perfection. Elle est troublée, indignée, choquée et perplexe. Elle critique, dénonce, questionne, brasse les politicien.ne.s et cherche à changer le monde, mais dans aucun discours ou entrevue je ne l’ai entendue se prétendre meilleure que les autres. S’il suffit de critiquer pour être prétentieux, que dois-je comprendre des gens qui critiquent Greta Thunberg?

Ses détracteurs et détractrices croient qu’elle est à la solde d’on ne sait qui ou qu’elle s’enrichit en manifestant. Pourtant, faire la grève de l’école pour protester contre l’inaction politique en environnement est probablement une des pires façons de faire de l’argent, mais probablement une des meilleures pour en perdre. Sinon, il y aurait plus de grévistes. Ça se saurait.

On reproche aussi à Greta Thunberg d’être trop jeune pour être une porte-parole, sauf que c’est justement ça, son point. Tannée de voir les «adultes» ne rien faire (ou pas assez), elle a donc décidé de faire de quoi. Son âge est au coeur de sa motivation. Sa jeunesse est la raison de sa mobilisation.

J’entends parfois des gens dire qu’il faut des gens crédibles pour parler de climat et d’environnement, comme des scientifiques, et non une adolescente. C’est drôle, c’est justement ce que dit Greta Thunberg : écoutez les scientifiques. Plus encore, ça fait des décennies que les scientifiques sonnent l’alarme. Il y a 30 ans, alors que j’étais au primaire, on parlait déjà du réchauffement climatique. Le problème semble plus le message que le messager.

Mais que je sois d’accord ou non avec Greta, ce n’est pas ça le point. Je ne veux pas vraiment parler d’elle, mais simplement m’en servir pour illustrer ce fréquent paradoxe : on lui reproche de ne pas être la porte-parole parfaite tout en lui demandant d’être parfaite.

C’est un brin débile. Personne ne sait tout. Il n’y a personne qui a «tout compris». Personne n’est parfait. Ni toi ni moi.

Qui sait? Elle est peut-être grognonne le matin. Elle se laisse peut-être trainer. Elle est peut-être mauvaise perdante.

Je sais, ce qu’on lui reproche n’est pas dans ce registre.

Mais Greta Thunberg n’est qu’un exemple d’un triste réflexe. Vénérer ou diaboliser. Avec ou contre moi.

On excuse toutes les conneries de la personne «de notre bord», mais on demande à «l’opposition» d’être parfaite sinon on rejette tous ses arguments. Ça me rappelle un certain débat sur le linge à l’Assemblée nationale…

C’est tellement malsain. L’idée du débat public, c’est d’alimenter la réflexion. Ce n’est pas une compétition.

Quand une personne me dit qu’elle est toujours d’accord avec moi, je trouve ça étrange. Pas par manque de confiance en moi, mais parce que c’est pratiquement impossible.

Parce que parfois je me trompe. Parfois ma compréhension des enjeux évolue à force de discuter et d’en apprendre. Parfois je l’échappe (eh!).

Il y a tellement d’enjeux et tellement de manières de les aborder. Ce n’est pas vrai qu’il y a une seule bonne façon (ce qui ne veut pas dire que tous les points de vue se valent pour autant). Ce n’est pas vrai qu’on peut bien comprendre tous les enjeux avec toutes leurs nuances. Avec tous ces facteurs, les probabilités qu’une personne partage toujours ma vision sont juste très minces – peu importe la grandeur ou la petitesse de mon intelligence.

Les tribuns, chroniqueuses ou artistes que j’aime suivre partagent plusieurs de mes valeurs, certes, mais ma préférence ne va pas à ceux et celles qui me réconfortent, mais qui me brassent les idées. Pas nécessairement pour me convaincre, ni en jouant les trolls, juste en participant à la discussion, avec honnêteté et humilité. Les meilleures discussions sont celles qui me font apprendre quelque chose. Pas obligé de confronter pour ça. Je crois vraiment qu’on peut se challenger sans tomber dans la confrontation.

Bien franchement, je ne suis pas si différent de Greta Thunberg. Moi aussi je veux changer le monde. Le rendre meilleur. C’est probablement ma première motivation d’être journaliste.

Comme elle, comme toi, comme moi, notre monde n’est pas parfait. Il n’a pas «encore» atteint sa perfection.

Croire qu’on peut changer le monde vient sans doute avec une certaine naïveté. À l’inverse, faut en avoir en maudit de la prétention pour soutenir qu’on est parfait comme on est.