Dossier Anglos : Solitude(s) dans la foule
Paul Cargnello, l’animateur radio Jay Walker et Dan Seligman de Pop Montréal commentent les tensions linguistiques à Montréal.
L’année dernière, la réalisatrice Yannick B. Gélinas dévoilait From Montréal, un documentaire qui s’ouvrait sur une image en apparence anodine, mais forte en symbolisme: Patrick Watson, chanteur anglophone bilingue qui jouit d’une carrière internationale, répétant avec Louis-Jean Cormier, alors chanteur d’un groupe francophone qui venait tout juste de remporter le prix Polaris du meilleur album du pays, les deux musiciens collaborant en franglais et en toute collégialité et avec bonhomie. Près d’une année, un «pastagate» et un projet de loi 14 plus tard, le décor a changé, les acteurs aussi (Cormier vole en solo, Watson écume les salles de spectacle), mais la franche camaraderie demeure au sein de la scène musicale, à en croire nos interviewés.
Pourtant, la situation est paradoxale. Alors que Montréal savoure toujours sa réputation de Mecque musicale engrangée il y a des années avec les Wolf Parade et The Dears, notamment, la couverture médiatique de la culture anglophone, elle, n’en a pas tiré profit. «Perdre des institutions comme le Hour et le Mirror n’a pas aidé», fait valoir Dan Seligman, directeur du festival de musique Pop Montréal, en revenant sur la fermeture de ces deux hebdomadaires culturels. L’auteur-compositeur-interprète anglophone bilingue Paul Cargnello en rajoute: «Le Québec soutient beaucoup le contenu francophone – ce qui est très cool, je suis pour ça –, mais je préférerais qu’on le fasse pour les deux (cultures).»
Plus tard, le folk hero de NDG aborde le cas particulier des radios montréalaises. «Y a pas de radios. Si ça ne joue pas à New York ou à Toronto, où va-t-on être joués?!», s’exclame-t-il. Un bref survol des palmarès locaux explique sa salve. Outre certaines stations universitaires et communautaires, peu d’antennes diffusent des chansons de musiciens anglophones d’ici, celles-ci préférant – quotas ou pas – les tubes d’artistes pop américains ou des succès d’antan. Les rares incursions montréalaises – Half Moon Run est présentement sur le décompte NRJ – faisant presque figure d’étrangetés.
Jay Walker, animateur de Montreal Rocks, une rare émission misant sur l’alternatif local diffusée sur CHOM depuis trois ans déjà, s’étonne de la réticence de sa «compétition», mentionnant que ce sont les bonzes de la chaîne qui l’ont prié de se replier sur les groupes d’ici lorsqu’il a déposé son projet. «Moi, j’ai “pitché” un show de nouvelle musique à la station et ils m’ont demandé si je pouvais rendre ça plus montréalais. Je leur ai répondu: “Man! No problem!”»
Montréal, Detroit: même combat…
Malgré une situation peu reluisante, les trois intervenants préfèrent toujours la résilience au misérabilisme. En plus de vanter l’apport des blogues, de nouvelles publications et d’organisations comme l’English-Language Arts Network, Seligman note que «de toute façon, vu de l’extérieur, la plupart des artistes d’ici qui se distinguent à l’étranger sont anglophones, alors je ne crois pas que les artistes anglophones montréalais soient si à plaindre».
Alors qu’en mars, le président de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, déclarait au 24h que le fameux «pastagate» aurait terni l’image de la métropole à l’international, la réputation de capitale musicale, elle, demeure inaltérée. «Je ne crois pas que quiconque juge Montréal ou, du moins, la qualité de sa scène musicale avec des trucs du genre. On rigole un coup et on passe à un autre appel… et ça, c’est si les Pitchfork de ce monde y portent attention. Généralement, je crois que la réputation à l’international demeure intacte», fait valoir Walker. «Prenez Detroit, par exemple. La ville est en banqueroute, mais de la bonne musique en sort toujours.» Et Cargnello de conclure: «Je ne peux pas me dire victime là-dedans. L’autre jour, à Radio-Canada, on me demandait ce que je pensais des artistes francophones qui chantent en anglais, comme Simple Plan. Ce serait hypocrite de ma part de donner de la marde à un artiste qui tente de chanter dans une autre langue que sa langue maternelle… mais on pourrait lui en donner s’il s’approprie l’image punk pour faire de la pop Céline Dion!»
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L’autre jour, je me rendais au Cabaret du Mile End pour la soirée de 10e anniversaire du groupe musical Kalmunity. La salle était bondée et le public multicolore t multi-linguistique contribuait à créer une ambiance festive. Une quarantaine de musiciens et musiciennes de toutes origines se relayaient sur la scène, tous et toutes d’actuels ou anciens contributeurs de cette formation dont la musique fusionne une pléiade de styles. En plus des chanteurs (euses), plusieurs »slammeurs » francophones, anglophones et parfois même bilingues sont venus offrir leurs rimes, lesquelles servaient d’enchaînement entre les pièces musicales. Une belle jeunesse composite et créative. Cependant, nous avons moins apprécié le discours d’un »slammeur’ qui critiquait le Québec, l’OLFQ, le »pastagate » et qui soutenait que dans la culture québécoise, les anglophones et allophones n’avaient pas leur juste place. Nous devons discuter de cette affaire tous et toutes ensemble. Je suis d’accord avec l’idée que ces derniers prennent davantage de place dans notre culture commune. Je crois cependant que lorsqu’on jette un regard synoptique sur la culture populaire du Québec, que ça soit en musique, littérature, télévision, media, humour…On y découvre moult personnes aux origines diverses et ce monsieur n’avait pas raison de dire que dans le Elle Québec, il n’y avait pas de filles ou de personnalités issues des minorités »visibles ». J’ai feuilleté plusieurs numéros de cette publication qui m’ont convaincu, subjectivement, que l’accusation ne tenait pas la route. Faut-il rappeler à certains (es) que Montréal n’est pas une quelconque cité d’Amérique du Nord, mais bien la métropole du Québec francophone. En tant que souverainiste, je voudrais qu’on fasse tous ensemble ce Québec de demain, à condition que soit respecté un certain contrat social, lié à notre identité, notre langue, notre histoire, nos institutions, nos lois et notre Charte des droits et libertés. Y a t-il une sorte d’effritement du pacte de bonne entente linguistique et culturel, lorsqu’on entend de plus en plus de gens s’exprimer en anglais à Montréal? Malgré cela, je sais que dans le domaine des arts moins »populaires »ou »médiatiques », il y a de super belles collaborations entre Montréalais et Montréalaises. Souhaitons que cela se poursuive ainsi que le respect et le dialogue nécessaire à une foisonnante créativité!
Il faut chanter dans la langue de l’Empire.
Hors de l’Empire, point de salut!
Non, les artistes montréalais anglophones n’ont effectivement pas à se plaindre…