Vidéographie: Sophie Fortier tourne un clip dansant pour le duo folk punk Miracles
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Autre mardi, autre vidéographie et on a droit à tout un choc des cultures cette semaine alors que le folk punk se frotte à la danse contemporaine et que le documentaire rencontre le film d’art avec Coming Back Home, le premier clip de Miracles, duo formé par les ex-Sainte Catherines Fred Jacques et Hugo Mudie. La réalisatrice et documentariste Sophie Fortier revient sur la création de l’oeuvre mettant en vedette la danseuse Aude Rioland.
Bien que le choc est flagrant pour certains, l’idée originale – une danseuse s’exécutant sur du Miracles – n’est pas si éloignée de l’esthétique du groupe. Après tout, Rioland s’est également retrouvée sur la pochette du «split» entre le projet et leurs compères de The Hunters. Même que la réalisatrice voulait tout d’abord monter le tout en noir et blanc afin de rapprocher davantage le clip à l’univers visuel de Miracles peuplé de jeunes filles mystérieuses et parfois peu vêtues. «Cette fille-là mérite d’être davantage connue», s’exclame Fortier en revenant sur le cas de la danseuse. «Elle est charismatique et lumineuse. Suffit de la filmer et tout est beau! Que ce soit lors du tournage ou du montage, tout le monde était flabbergasté par sa présence à l’écran.»
Étirant le concept du retour à la maison exploité dans la chanson, Fortier et Mudie se sont lancés dans une histoire où une jeune femme reviendrait, en fait, à sa première passion: la danse. «J’avais l’impression de me retrouver à nouveau dans un atelier cinéma à l’UQAM», poursuit la réalisatrice. «On lui a imaginé toute une histoire à cette fille-là qui retrouve la danse, le plaisir de ses mouvements là, etc.!», ajoute-t-elle en laissant entendre qu’une «suite» au clip serait envisagée.
Aussi à souligner: l’absence des membres du groupe. Choix surprenant lorsqu’on se rappelle qu’on a affaire ici au premier clip officiel de Miracles. Un choix esthétique, mais également pratique selon la cinéaste. «Connaissant les gars, je savais que jouer devant la caméra n’était pas vraiment leur plus grande passion, disons. Bien qu’ils sont super photogéniques et sympathiques, je me doutais qu’ils ne seraient pas aussi à l’aise alors j’ai suggéré qu’on aille jusqu’au bout: qu’on ne filme que cette fille-là qui retrouve sa passion.»
Du même souffle, Fortier notera que la production de la vidéo s’est imprégnée de la fameuse urgence de Rioland. «On a écrit le projet, ça gossait et je n’avais pas beaucoup de temps puisque je travaille sur d’autres truc à côté et j’en suis venu à me demander “Coudonc! Vais-je avoir le temps de le faire?” Comme je verse surtout dans le documentaire, je dois faire des demandes de subventions et j’obtiens des réponses des mois plus tard. On en vient à “oublier” de tourner entre nos projets de longue haleine, de se rappeler qu’on doit s’amuser et faire beaucoup avec peu de choses! J’ai donc appelé les membres de l’équipe, emprunté du matériel ici et là ainsi qu’un local puis on s’est lancé!»
Idem pour la danse. «Bien que j’avais des idées en tête, je voulais laisser une grande liberté à Aude afin qu’elle soit, justement, dans la création et qu’elle m’étonne au passage. Alors plutôt que de découper une chorégraphie, je lui ai demandé de préparer trois, quatre segments de mouvements qu’on tournerait de différentes façons. Je voulais aussi garder l’idée de la répétition et du réchauffement dans le clip. Je voulais capter le grain de la peau, qu’on sente qu’elle a chaud à force de répéter des mouvements qui ne seront pas toujours gracieux.»
Comme l’oeuvre emprunte davantage au film d’art qu’au vidéoclip hyper découpé, on en vient à se demander à quelle vitrine Coming Back Home est destinée. Le Web? MusiquePlus? «Je ne crois pas que des réalisateurs de clips produisent toujours des vidéos en pensant à MusiquePlus», tranche Fortier avant d’ajouter que «c’est sûr que si on a droit à une vitrine télévisuelle, par contre, on va triper, mais je regardais les statistiques YouTube ce matin et je suis déjà contente: plus de 2000 views en si peu de temps, c’est le fun! À une certaine époque, le clip aurait peut-être eu plus de chance de se retrouver en rotation à MusiquePlus. Mais à quelle heure? Et combien de personnes le verraient? Là, on tourne un clip dans l’urgence, on le met sur l’Internet et le monde peut le visionner. C’est motivant!»
Lorsqu’on lui demande, au passage, si l’univers du clip québécois est toujours aussi masculin, Sophie Fortier ne bronche pas. «Je parle au “je” ici: je n’ai pas tant d’années d’expérience, mais j’ai l’impression que de manière générale – pas juste en clip -, les femmes sont davantage “testées”. On doit davantage démontrer notre crédibilité et montrer où on s’en va. Je ne le vis pas de façon négative, par contre. Ma mère m’a toujours dit “Ce qu’un gars peut faire, tu peux le faire aussi” et c’est comme ça que j’élève ma fille aussi. Moi je planche sur mes projets et je m’entoure de monde le fun. Je n’irai jamais travailler avec un type qui aurait des idées dépassées de toute façon! Bref, je n’ai pas de temps à perdre avec ça. Brillons à la place, les filles. Brillons!» Et toc!
Miracles est présentement en tournée au Québec. Détails sur la page Facebook du groupe.