Heavy Soundz : Brasser le monde
Musique

Heavy Soundz : Brasser le monde

Deux ans après avoir remporté le Syli d’Or de la musique du monde, le septuor montréalais hip-hop latino Heavy Soundz fait paraître Cuatro Vientos, un nouvel EP audacieux quelque peu assombri par le départ précipité de deux membres.

Cette deuxième parution originale de Heavy Soundz a été entièrement enregistrée avec de «vrais» instruments. Un choix qui s’imposait afin de recréer l’ambiance fougueuse et suintante des spectacles du groupe, à la base de sa renommée. «On voulait quelque chose de plus organique», explique le bassiste Julien Senez-Gagnon. «Au lieu de prioriser des productions hip-hop et des échantillons de salsa des années 1970, on est vraiment tous allés ensemble en studio.»

En cours de création, le collectif apprend qu’il devra faire sans le guitariste et rappeur Rila, désormais membre de Soneros del Heavy, et le percussionniste David Sanchez, prochainement expulsé du Canada vers son pays d’origine, le Mexique. «Notre cher gouvernement fédéral a décidé de le déporter, avec sa femme, ses quatre enfants et ses deux chiens… Ça faisait plus de cinq ans qu’il avait refait sa vie ici. Il prenait même des cours de français», révèle le bassiste, visiblement ébranlé. «Son énergie sur le stage est incroyable. Il y en a pas deux comme Sanchez», ajoute l’un des deux rappeurs restants du groupe, Chele.

Cependant, pas question de faire appel à de nouveaux musiciens: «Puisqu’on est plusieurs, à la base, et que le projet est assez difficile à booker, on s’arrange avec les cartes qu’on a déjà», expose Julien Senez-Gagnon. Ainsi, la choriste Catherine Molnar prend plus de place au niveau vocal et les quatre instrumentistes ont davantage de latitude pour les solos. «Autant qu’on est désolés pour tout ce qui se passe avec Sanchez et sa famille, autant que ça nous pousse à essayer autre chose, à repenser la dynamique», indique Chele.

Refus des traditions

Cette nouvelle amorce permet notamment au collectif d’explorer avec plus d’aplomb l’insondable univers du world 2.0., ce style musical qui mélange les musiques traditionnelles internationales et les dernières mouvances électroniques. «On se limite le moins possible musicalement», explique le bassiste, qui se dit autant inspiré par la musique latine que la nouvelle vague post-rap québécoise. «Ce que je n’aime pas de la musique du monde en général, c’est qu’il faut toujours sortir des trucs catchy et qu’on ne peut pas se permettre d’expérimenter comme dans le rock indie, par exemple. Avec notre nouvel EP, on a voulu créer une musique peut-être moins accrocheuse, mais qui pique la curiosité.»

Par-dessus tout, le désir avoué de Heavy Soundz est de «brasser la cage de la musique world» en allant à l’encontre de ce qui se fait au Québec. «Dans ce genre de musique, il y a une notion conservatrice, presque immuable, qui met de l’avant la tradition, analyse Julien Senez-Gagnon. Nous, on élimine complètement cette dimension nostalgique.»

Difficile toutefois d’obtenir une popularité à la hauteur de son audace dans un petit marché comme le Québec, peu enclin à subventionner la musique du monde allophone. «On ne veut pas être dépendant de personne, donc on va continuer de s’autoproduire le plus qu’on peut, dit-il. On ne se cachera pas que le but éventuel, c’est d’attirer l’attention d’un label cool montréalais, pas nécessairement identifié au world, parce que Heavy Soundz est avant tout un groupe indépendant.»

 » Écoutez Cuatro Vientos sur voir.ca jusq’au 27 février.

heavysoundz.com

Lancement montréalais le jeudi 27 février au Divan orange avec Boogat, Baby-K, Rila (Soneros del Heavy) et DJ Lexis.